Certes, aujourd’hui encore il ne manque pas de gens qui voudraient relever les Actions de la Restauration du milieu des pavés de Paris, leur rendre leur clinquant, nous endormir, nous enchaîner, et reprendre eux-mêmes leur repos et leurs voluptés sur cet abîme du peu pie où s’agitent tant de misères !
Scribe n’ont pas d’autre conclusion que celle-ci : Devenez riches, n’importe comment, et l’estime du monde ne vous manquera pas ; mais si vous êtes assez fous pour vous entêter dans une passion sincère, vous serez la risée des honnêtes gens, c’est-à-dire des gens qui sont nés ou devenus riches. […] Dans le prologue ou dans le dialogue de ses pièces il ne s’est pas fait faute de publier son respect pour les poètes du grand siècle, et sa profession de foi a passé auprès de bien des gens pour un brevet de génie.
Aussi clairement qu’on voit naître et s’épanouir une âme romaine dans l’individu gaulois, pareillement se découvre le développement de l’esprit impérial au sein de la primitive communauté chrétienne composée d’humbles gens, plébéiens, esclaves et miséreux : découverte qui monde d’un large rayon de lumière tout le futur. […] Aussi nos possessions, comme on le sait, nous servent presque uniquement à exporter des fonctionnaires — (dans la proportion de cinq fonctionnaires pour deux colons) — qui sont le plus souvent des gens médiocres ou tarés hors d’usage dans la métropole, et à ouvrir un champ nouveau à l’activité des congrégations romaines, jésuites et autres : ce qui fait que nos colonies ont plutôt l’air de lieux de débarras — quelque chose comme de vastes dépotoirs — que de milieux nouveaux pour l’expansion de notre race, que de réservoirs d’énergie jeune, de santé et de prospérité qui plus tard représenteraient l’idée française, quand la France ne serait plus.
Plusieurs journalistes, dont on connaît d’avance l’opinion sur un livre d’après le seul nom de son auteur, se sont déchaînés contre Delphine ou plutôt contre Mme de Staël, comme des gens qui n’ont rien à ménager… Ils ont attaqué une femme, l’un avec une brutalité de collége (Ginguené paraît avoir imputé à Geoffroy, qu’il avait sur le cœur, un des articles hostiles que nous avons mentionnés plus haut), l’autre avec le persiflage d’un bel esprit de mauvais lieu, tous avec la jactance d’une lâche sécurité. » Après de nombreuses citations relevées d’éloges, en venant à l’endroit des locutions forcées et des expressions néologiques, Ginguené remarquait judicieusement : « Ce ne sont point, à proprement parler, des fautes de langue, mais des vices de langage, dont une femme d’autant d’esprit et de vrai talent n’aurait, si elle le voulait une fois, aucune peine à revenir. » Ce que Ginguené ne disait pas et ce qu’il aurait fallu opposer en réponse aux banales accusations d’impiété et d’immoralité que faisaient sonner bien haut des critiques grossiers ou freluquets, c’est la haute éloquence des idées religieuses qu’on trouve exprimées en maint passage de Delphine, comme par émulation avec les théories catholiques du Génie du Christianisme : ainsi la lettre de Delphine à Léonce (xiv, 3e partie), où elle le convie aux croyances de la religion naturelle et à une espérance commune d’immortalité ; ainsi encore, quand M. de Lebensei (xvii, 4e partie), écrivant à Delphine, combat les idées chrétiennes de perfectionnement par la douleur, et invoque la loi de la nature comme menant l’homme au bien par l’attrait et le penchant le plus doux, Delphine ne s’avoue pas convaincue, elle ne croit pas que le système bienfaisant qu’on lui expose réponde à toutes les combinaisons réelles de la destinée, et que le bonheur et la vertu suivent un seul et même sentier sur cette terre.
Pour l’innocence de ce dernier, certaines gens en doutaient, disant tout haut que le livre des Maximes eût été orthodoxe si Fénelon n’avait pas été précepteur du duc de Bourgogne.