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454. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Ce genre-là est à peu près tombé, non qu’il fût mauvais, mais faute d’épaules pour le soutenir. De ce genre de roman-colosse, sous lequel ont péri des intelligences d’une force réelle, mais qui n’étaient pas aussi herculéennes qu’elles le croyaient, cariatides brisées par un entablement trop lourd pour elles, vous savez ce qui nous est resté… Deux à trois innocents cordiers littéraires qui, rien sur la tête et rien dedans, et le dos tourné au bon sens, à l’art et à la vraisemblance, allongent, allongent leur éternelle corde sans bout, pour des raisons qui ne sont nullement de la littérature. […] Mais pour la majorité des esprits qui pensent, avant tout, à être littéraires quand ils écrivent, on peut dire qu’on est revenu de toute part maintenant au roman de moyenne proportion, qui n’a pas la prétention napoléonienne de brasser tout un monde de caractères et de passion comme Napoléon brassait les masses dans ses carrés de bataille ; à ce genre de roman, enfin, qui n’est que l’étude de l’individualité humaine et qui, sans avoir pour cela besoin d’être modeste, se contente d’une passion (tout un infini) à creuser, d’une situation à frapper de lumière et d’un caractère à faire vivre. […] Francis Wey a écrit des livres renseignés et d’une érudition mordante, comme les Remarques sur la langue française, le style et la conviction littéraire ; ou l’Histoire des révolutions du langage en France ; mais ces études, qui l’ont posé comme homme de lettres devant le public d’une manière si carrée et si imposante, ont versé l’ombre de leur gravité sur un genre de littérature abordé par lui une ou deux fois, et que les pédants croient plus léger parce qu’il ne pèse plus le poids des livres, mais le poids du cœur qu’ils n’ont pas.

455. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

Quand on est assez aveugle pour ne rien voir de tout ce qui existe, ou pour n’en juger que comme des frénétiques dont les organes sont entiérement dépravés, n’est-ce pas le comble de l’ineptie, que d’oser s’ériger en Précepteurs du Genre humain ? […] Car enfin, qu’on parcoure l’Histoire des Peuples les plus sauvages, on y trouve au moins quelques étincelles d’instinct & de raison, conservées au milieu de la barbarie des mœurs & de la férocité du genre de vie. […] Nos villes offrent par-tout des asiles ouvert à tous les genres de miseres & d’infirmités.

456. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

Il l’intitula : Cicéronien, ou du meilleur genre d’élocution *. […] Pourquoi, disoit Erasme, adorer tout dans Cicéron, jusqu’à ses défauts, ses longueurs, longueurs, ses digressions & ses répétitions sans nombre ; ses phrases emphatiques & compassées ; ses déclamations sublimes & ennuyeusement belles ; son égoïsme éternel ; cette abondance & cette stérilité de génie tout à la fois, qui lui fait confondre tous les genres dans lesquels il écrit ? […] Cet orateur célèbre avoit pris, par raison, le genre d’éloquence qui le distingue.

457. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Le mérite d’une esquisse, d’une étude, d’une ébauche, ne peut être senti que par ceux qui ont un tact très-délicat, très-fin, très-délié, soit naturel, soit dévelopé ou perfectionné par la vue habituelle de différentes images du beau en ce genre, ou par les gens mêmes de l’art. […] Tout le monde se croit compétent sur ce point, presque tout le monde se trompe, il ne faut que se promener une fois au sallon, et y écouter les jugemens divers qu’on y porte, pour se convaincre qu’en ce genre comme en littérature, le succès, le grand succès est assuré à la médiocrité, l’heureuse médiocrité qui met le spectateur et l’artiste commun de niveau. […] Je vous laisse le soin d’appliquer ces principes à tous les genres, je m’en tiens à la peinture.

458. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

Enfin, pour résumer ce qu’il faut attendre de ces écrivains sans rhétorique, voici ce que nous disions de Voltaire, qui représente ce genre de style : « Ma conviction profonde est que même ce style-là est assimilable par le travail et qu’un esprit littéraire ne peut sortir d’une longue lecture de Voltaire sans en retenir le ton. […] Bourgoin10 : « On peut hasarder dans tout genre d’ouvrages d’y mettre le bon et le mauvais : le bon plaît aux uns et le mauvais aux autres. […] Ce sont les livres du genre de ceux de M. de Gourmont qui ont brouillé la cervelle des deux bons employés ; ils ont lu trop de sophistes, trop de négateurs et de chicaneurs ; à force de consulter le pour elle contre, ils ont fini par s’écrier ; « Quelle blague que la géométrie ! 

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