Ceux qui admiraient son art et sa force sentaient pourtant quelques-uns de ses défauts, cette description trop continue, cette tension perpétuelle qui faisait que chaque objet venait saillir au premier plan et tirer le regard ; on aurait voulu aussi que, sans renoncer à aucune hardiesse, à aucun droit de l’artiste sincère, il purgeât son œuvre prochaine de tout soupçon d’érotisme et de combinaison trop maligne en ce genre : l’artiste a bien des droits, y compris celui même des nudités ; mais il est besoin qu’un certain sérieux, la passion, la franchise de l’intention et la force du vrai l’absolvent et l’autorisent. […] Une médaille, une inscription, un pan de mur découvert, une poterie quelconque, sont choses désormais respectables et presque sacrées : des savants ingénieux sont arrivés à tirer de ces fragments, en apparence si mutilés et si secs, des conséquences de tout genre et d’un grand prix.
Ainsi en pensaient les Daru, les Raynouard, les Laplace eux-mêmes, et le traducteur harmonieux de Lucrèce, notre cher confrère M. de Pongerville, le représentant le plus accrédité du genre sur la fin de la Restauration, était appuyé et porté par eux d’an vœu unanime à l’Institut. […] Ce genre, en effet, est l’un des plus beaux fleurons de la poésie dite de l’Empire.
Je voudrais, selon mon habitude, donner quelque idée, par une citation, du genre d’esprit et de finesse de cet excellent conteur, qui était d’ailleurs de l’étoffe dont on fait les bons ministres. […] La scène de Gand, où l’avantageux maréchal fait étalage de stratégie à l’usage des gens de cour, où il s’applique surtout à démontrer au grand aumônier, le cardinal de Périgord, qui l’écoute révérencieusement en ayant l’air de mordre la corne de son chapeau, les divers plans de campagne possibles et comme quoi, dans toutes les combinaisons, Napoléon ne peut être que battu, — cette petite scène à trois personnages, le suffisant, le crédule, et le sceptique qui se rit de tous deux, — est une délicieuse comédie de cabinet qui vaut tout ce que les anciens Mémoires du bon temps nous ont laissé de plus exquis en ce genre.
Déjà Raucoux vit déchirer son flanc… Quant au comte de Clermont, qui n’est désigné qu’en courant par Voltaire, il le prenait sur un ton plus prosaïque, bien qu’avec son genre de verve, à lui. […] Après tout chaque coterie a raison dans son genre de goût, à la condition de le garder pour elle et de ne pas prétendre l’imposer.
On peut faire mieux, on peut faire autrement ; on ne remplace pas plus une pensée poétique qu’on ne remplace une âme : chaque création de ce genre, pour autant qu’elle est poétique, est unique et irréparable ; ce qui a été dit par un poëte, un autre ne le redira pas. » De nos jours, où toutes les vocations sont remuées et où tous les numéros, même incomplets, ont chance de sortir, combien ne savons-nous pas de ces âmes poétiques qui essayent de s’exprimer partout où elles sont, en province, dans le fond d’un bureau, au creux d’une vallée, au bord de leur nid enfin, et cela sans trop de manie d’imitation, sans trop de rêve de gloire, mais pour se satisfaire humblement et se suffire ! […] L’image est parfaite pour exprimer le genre de nerf, la vigueur ménagée et choisie, et un peu coquette de simplicité, dont souvent M.