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860. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Il était important de signaler le courant qui porte les esprits de nouveau vers l’art gréco-romain : nous découvrons ainsi les origines, la place d’un génie original que, sans cette étude préalable, on ne sait où loger dans l’histoire de notre littérature. […] Cette poésie-là, avec plus de force de pensée, plus de génie et d’art dans l’expression, n’est encore que la poésie des Delille et des Esménard : elle est essentiellement didactique, analytique, intellectuelle ; elle ne dépasse pas le ton oratoire. […] Son hymne à David sur le Serment du Jeu de Paume, n’est pas seulement une manifestation de libéralisme politique, il y célèbre le génie et le goût du peintre. […] A son origine, sans doute, il doit ce caractère unique chez nous d’être plus Hellène que Latin : réfractaire même au génie proprement romain, et dans la poésie romaine incapable de saisir autre chose que les reflets de son aimable Grèce, la vraie patrie de son esprit : ses auteurs préférés, avec les purs Grecs, sont les poètes de l’alexandrinisme latin.

861. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Le front, très haut, se gonfle au-dessus des yeux en deux bosses qui ne font guère défaut dans les têtes des hommes de génie ; les sourcils bien fournis sont très rapprochés des yeux, et ces yeux vifs, perçants, impérieux et spirituels sont comme embusqués au fond de deux cavernes sombres, d’où, avec impartialité, ils regardent passer tous les dieux. […] Or, quoi qu’en puissent dire les fanatiques des défauts de Musset, ce charmant génie, c’est cette faculté de dédoublement, cette surveillance perpétuelle de la réflexion sur la sensation, qui fait la véritable inspiration. […] C’est là certainement une vraie conception de génie qui se poursuit et se définit sans cesse, avec un triomphe de plus en plus convaincu. […] Les Poèmes barbares ont paru en 1862 ; les deux premiers volumes de la Légende des siècles ont paru en 1859. — En outre, remarquez que les Burgraves, où est visible, par la conception et le verbe, tout le génie épique de Hugo, datent de 1843.

862. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Ce génie qu’ils ont exigé de toi est beau ; mais tout beau qu’il est il fait nombre ; il me distrait. […] Descamp ignore qu’on peut donner aux anges, aux amours, aux chérubins, aux génies des figures charmantes et aussi développées qu’on veut, parce que tels ils sont, tels ils ont été, tels ils seront ; ce sont des êtres symboliques et éternels ; encore s’écarte-t-on quelquefois de cette règle et leur conserve-t-on le joufflu, le chiffonné, le gras, l’informe, le potelé de nos marmots. […] D’un de nos pouparts on en fera, si l’on veut, un génie, mais d’un joli génie on n’en fait point un de nos pouparts.

863. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

La première punition de ces jalouses du génie des hommes a été de perdre le leur, — le génie de la mise, cette poésie d’elles-mêmes, dont elles sont tout ensemble le poëme et le poëte. […] Comptez combien il y a, en ce moment, de critiques en France qui n’aient déclaré sérieusement que Mme Sand est un génie ! […] Mais en attendant que nous ayons vu, la prétention subsiste, la prétention au génie, cette immense virilité !

864. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Quel que soit le mérite, ignoré, du reste, de ces traductions que l’avenir s’arrachera peut-être, l’instinct commerçant de son pays parlant plus haut que son génie de traducteur poussa bientôt Buloz à l’entreprise littéraire qui, pour Vapereau, en a fait un littérateur. […] Fils des circonstances, comme Napoléon, ç’a été sa seule manière de lui ressembler, car il n’était guère besoin de génie pour deviner que l’établissement d’une revue était une excellente affaire au moment où il se trouva pour une moitié d’idée dans l’établissement de la sienne. […] On leur prouva bientôt qu’ils ne l’étaient pas ; que cette bête de pièce de cent sous ne change pas de nature parce qu’elle s’associe avec de l’intelligence, et que les entrepreneurs de littérature sont encore au-dessous des entrepreneurs de maçonnerie… Nabuchodonosorisé par un succès dans lequel l’heure et tout le monde étaient plus que lui, Buloz devint très vite tout ce que nous l’avons vu depuis… Prote parvenu, il se crut le dictateur de la littérature française parce qu’il payait le talent, et quelquefois le génie, deux cents francs la feuille d’un texte dévorant, et, à ce prix-là, il put se venger de l’insupportable supériorité littéraire en portant ses mains d’ouvrier sur elle et en la corrigeant ! […] Comme Buloz a fait sa fortune dans la direction de sa Revue, Véron a fait la sienne dans la direction de l’Opéra, et pour cette raison les voilà tous deux en posture d’hommes infiniment habiles, aux yeux de ces forts jugeurs qui s’imaginent que le succès fait toujours équation avec du génie !

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