L’histoire, en effet, renferme une foule d’accidents impossibles à prévoir et humainement irrationnels, qui viennent déranger toute la logique des événements, tuent un grand homme au moment où son action allait devenir prépondérante, font avorter brusquement le dessein le mieux conçu, le caractère le mieux trempé. […] Bien dans ce jardin ne contrariait l’effort sacré des choses vers la vie… Les arbres s’étaient baissés vers les ronces, les ronces étaient montées vers les arbres… ; ce qui flotte au vent s’était penché vers ce se traîne dans la mousse… Ce qui jardin n’était plus un jardin, c’était une broussaille colossale ; c’est-à-dire quelque chose qui est impénétrable comme une forêt, peuplé comme une ville, frissonnant comme un nid, sombre comme une cathédrale, odorant comme un bouquet, solitaire comme une tombe, vivant comme une foule. […] C’est presque un dicton populaire que les hommes paraissent plus mauvais qu’ils ne sont ; si donc nous les jugeons uniquement par leurs actes, lesquels sont déterminés par une foule de chocs et de circonstances qui ont fait dévier l’impulsion première, nous ne pourrons trouver en eux que matière à réflexions pessimistes. — Mais que m’importe, dira-t-on, l’homme intérieur, si je n’ai affaire qu’à l’homme extérieur ?
Mais, tout bien compté, si notre poésie classique a une foule de qualités, elle n’est pas poétique ; et si la prose classique l’est davantage, elle l’est encore trop peu : tantôt démonstrative et philosophique, tantôt oratoire et éloquente, tantôt spirituelle, elle est rarement poétique, — surtout quand elle devient « fleurie », car les fleurs de rhétorique sont ce qu’il y a de plus étranger à la poésie. […] Rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables ; Qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères, 14. […] Le chant monotone des officiants, Les réponses du peuple au prêtre, Quelquefois inarticulées, quelquefois tonnantes, L’harmonieux tressaillement des vitraux, L’orgue éclatant comme cent trompettes, Les trois cloches bourdonnant comme des ruches de grosses abeilles, Tout cet orchestre sur lequel bondissait une gamme gigantesque Montant et descendant sans cesse d’une foule à un clocher, Assourdissaient sa mémoire, son imagination, sa douleur.
Il m’a séduit, d’abord, par son culte éperdu de l’Art, ses convictions intransigeantes, sa personnalité faite d’un seul bloc, son mépris souverain de la foule et de son siècle, de la popularité et du cabotinisme. […] Les esprits cultivés l’admirent pour certaines parties de son œuvre, la foule pour des vers tels que ceux-ci : Oh ! […] Et les lettrés comme la foule ont raison.
Peut-être viendra-t-il le jour béni, où, comme au moyen âge, le poète et la foule à nouveau fraterniseront, l’un expliquant à l’autre et commentant au moyen de symboles appropriés les plus hauts problèmes de l’existence. […] Il foule ses émotions jusqu’à-ce que jaillisse l’huile essentielle, jusqu’à crier le cri ultime de la vie. […] Oui, devant celui-là, il fera bon s’incliner, — bien qu’en art les individualités seules existent, — qui saura réconcilier la foule avec le Beau69, synthétiser les aspirations de notre époque si troublée, et tondre en un pur lingot d’or toutes ces pépites éparses.
Métempsycoses druidiques, attitudes sacerdotales, amours éventés, mièvreries familières de vieux lion forçant son talent, fausse naïveté, fausse sensibilité, fausse grandeur, faux éclat, faux esprit, voilà de quoi justifier nos rigueurs envers cette poésie des Contemplations, quand même il ne s’y mêlerait pas mille scories de style, mille superfétations de couleur, une foule de ces végétations parasites qui croissent dans les fentes des monuments en ruines. […] Ses admirateurs doivent d’autant plus se réjouir qu’il ait pris là-dessus toutes sortes de licences poétiques, et passé, en trente ans, d’un extrême à l’autre, qu’il a pu, entre ces deux extrêmes, profiter tour à tour, et toujours à propos, d’une foule d’inspirations différentes, et être successivement du parti de la colonne, du parti de la Révolution de juillet, du parti de la royauté de 1830, du parti de la Chambre des pairs de 1842, et du parti de la majorité réactionnaire de l’Assemblée constituante. […] …” Puis, écartant les revers de son habit, il exhiba son grand corps efflanqué, et remonta dans son carrosse, au bruit des applaudissements de la foule. » En somme, on peut dire que Voltaire gagna la première manche dans cette bizarre partie qu’il jouait contre Genève en ayant l’air de la prendre pour partenaire. […] Si elle avait eu des origines aussi lointaines qu’on l’a prétendu ; si rien, dans le passé le plus récent, n’avait été de nature à la préparer et à l’envenimer à la fois ; si enfin, dans ce prétendu changement de toutes choses, elle n’avait laissé subsister, pour les accommoder à son usage, une foule de rouages légués par l’ancien régime, sa victoire si rapide, son action si irrésistible, son organisation si forte, eussent-elles été possibles ? […] Il y eut bientôt tant de dieux dans l’Empire, que le polythéisme, ébranlé déjà dans les esprits d’élite par la réflexion et l’analyse ; succombait, dans la foule, par ses excès mêmes, par cette extravagante multiplication de divinités indigènes ou étrangères qui avaient toutes leurs thaumaturges ou leurs charlatans.