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553. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Après cette exclamation où le remords du séducteur prévaut sur la félicité même de l’amant, Dalti avoue à Portia qu’il n’est rien de ce qu’il paraît être ; qu’il est le fils d’un pêcheur de Venise, corrompu de bonne heure par les vices de cette ville débauchée ; qu’après avoir fréquenté les plus viles courtisanes et les maisons de jeu de Venise, il a trompé Portia sur son rang et sur sa fortune ; que ce rang est dérobé ; que cette fortune, acquise un moment au jeu, est perdue jusqu’à la dernière obole, et qu’il ne lui reste que cette barque achetée la veille pour gagne-pain. […] Je renierai l’amour, la fortune et la gloire ; Mais je crois au néant, comme je crois en moi. […] Un jeune homme a usé sa vie, son âme et sa fortune en quelques années de débauches.

554. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Elle avoit dissipé une fortune immense ; et il y eut un tems où elle n’avoit plus rien et devoit à toute la terre, à son boucher, à son boulanger, à ses femmes, à ses valets, à sa couturière, à son cordonnier. […] Cette idée du Dauphin derrière le rideau a fait fortune. […] Et celui qui leur suggéra les moyens de rompre les liens les plus sacrés qui les unissent par l’appât irrésistible de doubler, tripler, décupler leurs fortunes ! […] Et il naquit une ostentation insultante dans les uns, et une espèce d’hypocrisie épidémique de fortune dans les autres.

555. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

S’il fallait à toute force une explication à ce qui n’était probablement que la changeante inquiétude de la jeunesse, nous aimerions mieux croire qu’Audin, né pour la vérité absolue, ressentit un mépris légitime pour une profession qui ne se préoccupe que de la vérité relative, et qui s’appuie le plus souvent sur le mensonge, la ruse, l’impudence, la dextérité et toutes les facultés de bas étage… La Fortune ne lui permettait pas ce luxe de la pensée, corrupteur parfois comme tous les luxes, — l’indépendance. […] En effet, il est maintenant démontré que la libre industrie protestante rompait les catégories de la corporation catholique, — de cette corporation — toute la France industrielle d’alors — qui avait transfiguré l’esclavage antique et constitué cette immense fortune sur le pillage de laquelle le Protestantisme, père du Paupérisme moderne, — car tous les pillards sont réservés à mourir de faim, — trouve à peine de quoi vivre depuis trois cents ans ! […] En 1848, la fortune d’Audin, gagnée à la sueur de son noble front, fut fortement endommagée par les événements politiques ; mais le chrétien sourit à une perte qui d’ailleurs ne fermait pas sa main à la charité. […] Nous avons dû lui consacrer un chapitre plus long qu’à personne, car il s’agissait, non d’un livre, mais des œuvres complètes de toute une vie, et d’une vie méconnue par la Gloire, cette vieille aveugle, comme la Fortune et comme l’Amour !

556. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

On lui a reproché d’avoir été assez rude et sévère pour elle, lorsqu’il lui avait eu, à l’origine, des obligations pour sa fortune. […] Il lui fiait (à Gabrielle) les avis et rapports qu’on lui faisait de ses serviteurs, et, lui découvrant les blessures de son esprit, elle en apaisait incontinent la douleur, ne cessait que la cause n’en fût ôtée, l’offense adoucie et l’offensé content ; en sorte que la Cour confessait que cette grande faveur dangereuse à un sexe impérieux soutenait chacun et n’opprimait personne ; et plusieurs s’éjouissaient de la grandeur de sa fortune.

557. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Créatures fragiles, êtres d’un jour, malgré les hautains progrès dont ils se vantent, malgré les ressources croissantes dont ils disposent, la mort est là qui les déjoue aujourd’hui comme au lendemain d’Adam, et qui les saisit dans leurs plans d’ambition, d’accomplissement ou d’attente, dans leurs rivalités, dans leurs espoirs de revanche et de représailles sur la fortune : « Nous nous hâtons de profiter du débris les uns des autres : nous ressemblons à ces soldats insensés qui, au fort de la mêlée, et dans le temps que leurs compagnons tombent de toutes parts à leurs côtés sous le fer et le feu des ennemis, se chargent avidement de leurs habits… » Mais ceci ne vient qu’après un grand et inépuisable mouvement d’éloquence sur la fuite et le renouvellement perpétuel des choses, un des plus beaux exemples de la parole humaine. […] Il est des heures où, après avoir longtemps attendu la fortune, on n’a plus qu’à la laisser faire.

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