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219. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Notre vie est un perpetuel embarras, ou bien pour faire une fortune capable de satisfaire à nos besoins qui sont sans bornes, ou bien pour la maintenir dans un païs où il n’est pas moins difficile de conserver du bien que d’en acquérir. Les plaisirs qui sont encore plus vifs et plus fréquens ici que par tout ailleurs, se saisissent du tems que nous laissent les occupations que la fortune nous a données, ou que notre inquiétude nous a fait rechercher.

220. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Il y en eut pourtant, dans ce siècle, trois de célèbres ; ce furent Eumène, Nazaire et Mamertin, tous trois panégyristes de princes, et tous trois comblés de bienfaits par les empereurs : car, si la vérité a souvent nui à ceux qui ont eu le courage de la dire, il faut convenir que la flatterie et le mensonge ont presque toujours été utiles à ceux qui ont voulu échanger leur honneur contre la fortune. […] C’est dans ces moments-là que les grêles ravagent les moissons, que la terre s’entrouvre, que les villes sont englouties ; fléaux qui désolent le monde, non par la volonté des dieux, mais parce qu’alors leurs regards ne tombent point sur la terre : voilà, grand empereur, ce qui nous est arrivé, lorsque vous avez cessé de veiller sur le monde et sur nous. » Ensuite on prouve à Maximien que, malgré son grand âge, il ne pouvait sans injustice quitter le fardeau de l’empire ; « mais les dieux l’ont permis, lui dit l’orateur, parce que la fortune, qui n’osait rien changer tant que vous étiez sur le trône, désirait pourtant mettre un peu de variété dans le cours de l’univers ».

221. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Et, en attendant qu’ils forment une espèce de « corps », ou presque d’État dans l’État, la fortune et la naissance s’étonnent un peu d’abord, font mine de s’irriter, mais au fond ne s’effarouchent pas, et finalement s’arrangent d’être traitées par eux avec autant de désinvolture et d’agréable impertinence qu’elles se permettaient de les traiter autrefois. […] « Tous ceux qui étaient riches il y a six mois sont à présent dans la pauvreté, et ceux qui n’avaient pas de pain regorgent de richesses… L’étranger a tourné l’état comme un fripier tourne un habit… Quelles fortunes inespérées, incroyables même à ceux qui les ont faites ! […] Aussi, qui voudra faire désormais son chemin dans le monde, faudra-t-il qu’avant tout il ait pour lui les femmes, le talent de leur plaire, de les intéresser à sa fortune ou à sa réputation. […] Et l’Esprit des lois n’en demeure pas moins un livre manqué ; mais on ne le trouve plus indigne de sa haute fortune ; on comprend que l’influence en ait passé le mérite ; et on se l’explique en considérant que le génie de Montesquieu a sans doute été supérieur à son œuvre. […] , p. 170, 175], — ainsi que la fortune qui leur était promise un jour, — que là peut-être est l’explication de l’oubli dans lequel il est tombé. — La comédie est déjà difficile à traiter en vers ; — et le drame bourgeois impossible.

222. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Car les mots ont leur fortune, et chaque génération qui passe les marque au coin de ses besoins, de ses passions, de ses idées. […] Il poursuivait à la fois fortune, honneurs, et popularité. […] Il put croire un moment qu’il allait toucher le but et qu’une grande fortune commençait pour lui. […] Tout écrivain a calculé que son talent est une force, comme la fortune, comme la naissance, et une force dont il faut savoir se servir. […] Il fait fortune, d’abord : Voltaire entend les affaires comme Pâris-Montmartel ; Beaumarchais les brassera comme Pâris-Duverney.

223. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Sa fortune croît insensiblement : elle peut tomber tout d’un coup, et sa vie ne tient qu’à un fil. […] On a parlé de nouvelles, et on a raconté, entre autres, le mariage d’une jeune personne du pays de Vaud, qui épouse un homme riche et très-maussade, tandis qu’elle est passionnément aimée d’un étranger sans fortune, mais plein de mérite et d’esprit. […] La mère de Cécile écrit régulièrement à une amie et parente du Languedoc ; elle ne lui parle que de cette chère enfant sans fortune, qui a dix-sept ans déjà et qu’il faut penser à marier : rien de plus gracieux que ces propos d’une mère jeune encore. […] Grâces, talents, âme céleste, fortune même, tant de perfections ne purent fléchir un père ni obtenir à son fils le consentement pour l’union. […] Vive, aimable, sensible, irréprochable dans sa conduite, Mme de Vaucourt ne cherche de jouissance que dans l’emploi généreux et bienfaisant d’une grande fortune : mais cette fortune, que lui ont laissée ses parents, est un peu mal acquise, elle le sait ; et, comme elle n’a aucun moyen de retrouver ceux aux dépens de qui ils l’ont faite, elle se contente de la bien dépenser.

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