Leurs images étaient simples, fortes et vraies. […] Le second paysage dont je vais vous parler est fort supérieur à celui-ci. […] Je le laissai dire, mais tout bas je lui répondais, au dedans de moi-même : oui, quand on est un pauvre diable comme toi, quand on ne se peint que des images triviales ; mais quand on a de la verve, des concepts rares, une manière d’appercevoir et de sentir originale et forte, le grand tourment est de trouver l’expression singulière, individuelle, unique, qui caractérise, qui distingue, qui attache et qui frappe.
Mais, d’autre part, il envisage corps et esprit de telle manière qu’il espère atténuer beaucoup, sinon supprimer, les difficultés théoriques que le dualisme a toujours soulevées et qui font que, suggéré par la conscience immédiate, adopté par le sens commun, il est fort peu en honneur parmi les philosophes. […] Cette relation, quoiqu’il soit constamment question d’elle à travers l’histoire de la philosophie, a été en réalité fort peu étudiée. […] La conception de l’aphasie qui était alors classique, universellement admise et tenue pour intangible, est fort battue en brèche depuis quelques années, surtout pour des raisons d’ordre anatomique, mais en partie aussi pour des raisons psychologiques du même genre que celles que nous exposions dès cette époque 2.
Ce monstre fut aussi orateur ; et, à ce que nous apprend Tacite18, il avait même une éloquence mâle et forte ; il avait loué Drusus son frère : il prononça l’éloge funèbre d’Auguste son beau-père, et dans la suite il eut le triste courage de faire l’éloge de son fils unique empoisonné par Séjan ; mais ce qui eût passé peut-être pour fermeté dans un autre, ne fut attribué, dans ce cœur sombre, qu’à une dure insensibilité. […] On trouve dans le Jules César de Shakespeare une imitation éloquente et forte de ce discours d’Antoine ; et le même morceau, fort embelli dans la tragédie française de La Mort de César, est sûrement un des discours les plus éloquents qu’il y ait jamais eu dans aucune langue.
Dans les églogues, déjà l’assassin est un dieu ; dans les Géorgiques, les astres se rangent humblement pour lui faire place, et lui demandent quelle est celle qu’il voudra bien occuper parmi eux ; et l’Énéide, comme on sait, n’est, d’un bout à l’autre, qu’un monument que la servitude éleva, par la main du génie, à la famille des Césars ; Virgile avait l’âme plus tendre qu’élevée, et plus douce que forte. […] Humain et bienfaisant envers tous les hommes, je ne doute point qu’il n’ait déjà employé les plus fortes consolations pour guérir votre blessure et charmer vos douleurs : mais quand il n’en aurait rien fait, voir Claude, ou penser seulement à lui, c’est déjà une consolation bien douce. […] Stace, qui naquit à Naples, et qui avait une imagination forte, quoique déréglée, avilit son génie par les mêmes éloges.
Ceux qui ont reçu de la nature une âme forte, ceux qui ont le bonheur ou le malheur de sentir tout avec énergie, ceux qui admirent avec transport et qui s’indignent de même, ceux qui voient tous les objets de très haut, qui les mesurent avec rapidité et s’élancent ensuite ailleurs, qui s’occupent beaucoup plus de l’ensemble des choses que de leurs détails, ceux dont les idées naissent en foule, tombent et se précipitent les unes sur les autres, et qui veulent un genre d’éloquence fait pour leur manière de sentir et de voir, ceux-là sans doute ne seront pas contents de l’ouvrage de Pline ; ils y trouveront peut-être peu d’élévation, peu de chaleur, peu de rapidité, presqu’aucun de ces traits qui vont chercher l’âme et y laissent une impression forte et profonde ; mais aussi il y a des hommes dont l’imagination est douce et l’âme tranquille, qui sont plus sensibles à la grâce qu’à la force, qui veulent des mouvements légers et point de secousses, que l’esprit amuse, et qu’un sentiment trop vif fatigue ; ceux-là ne manqueront pas de porter un jugement différent. […] Un prince peut-être peut inspirer la haine sans la mériter et la sentir ; mais à coup sûr il ne peut être aimé, s’il n’aime lui-même42. » On voit dans tous ces morceaux quelle est l’âme et le tour d’esprit de l’orateur ; ce sont des pensées toujours vraies, et quelquefois fortes, aiguisées en épigrammes, et relevées toujours par un contraste ou de mots, ou d’idées.