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634. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Il y a joint une Notice historique fort complète, c’est-à-dire amplement compilée et ramassée de toutes parts, sur le duc de La Rochefoucauld. […] Encore une fois, lui dirai-je, qui vous obligeait de vous hâter ainsi, de brusquer et de bâcler une Vie de La Rochefoucauld, laquelle, si elle n’est pas impossible, reste au moins une œuvre fort difficile et des plus délicates, à la bien exécuter ? […] Cet heureux et infatigable chercheur a retrouvé dans les papiers Conrart, et a publié dans la troisième édition de Madame de Longueville une pièce fort curieuse, un Discours ou Mémoire d’une vingtaine de pages, intitulé Apologie de M. le prince de Marsillac. […] Ils étaient tous, dans cette forte et puissante génération, fins, délicats, polis et vifs de langage, et aucun, à proprement parler, ne devançait l’autre. […] Je n’ai point, pour parler son langage, élevé fort haut la valeur de tous les habitants de l’abbaye.

635. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

» Tallemant dit que ce fut Mme de Carignan « qui fit mourir ce pauvre M. de Vaugelas, à force de le tourmenter et de l’obliger à se tenir debout et découvert. » — Quand Vaugelas était à Paris, il allait tous les jours à l’hôtel de Rambouillet ; il y débitait des nouvelles « où il n’y avait aucune apparence, et il croyait quasi tout ce qu’il entendait dire. » Il était plein de candeur, surtout attentif aux formes du langage et aux mots bien plus qu’aux choses ; gentilhomme d’ailleurs de belle apparence, de bonne mine, fort dévot, civil et respectueux jusqu’à l’excès, particulièrement envers les dames ; craignant toujours d’offenser quelqu’un, circonspect dans les disputes ; — tout à son procès-verbal élégant et perpétuel. […] Sa pension, dont on a tant parlé, lui était, à ce qu’il paraît, fort mal servie. […] Le livre de Vaugelas qui parut en 1647, Remarques sur la Langue française, utiles à ceux qui veulent bien parler et bien écrire, est un fort bon livre et qui dut être en effet fort utile à son heure, puisqu’il peut l’être encore à qui sait le bien lire aujourd’hui. Cinquante-sept ans après, en 1704, l’Académie le faisait réimprimer, le considérant comme « un ouvrage né dans son sein, et dont la beauté a été si bien reconnue. » Elle y ajoutait un petit nombre d’Observations pour marquer en peu de mots les changements survenus pendant un demi-siècle et rendre compte de l’usage présent, « règle plus forte que tous les raisonnements de grammaire, et la seule qu’il faut suivre pour bien parler. » L’Académie était encore fidèle en cela à la loi reconnue par Vaugelas, et qui n’est autre que celle d’Horace lui-même : …………………………………………… Si volet usus, Quem penes arbitrium est, et jus, et norma loquendi. […] Enfin un mauvais mot, parce qu’il est aisé à remarquer, est capable de faire plus de tort qu’un mauvais raisonnement, dont peu de gens s’aperçoivent, quoiqu’il n’y ait nulle comparaison de l’un à l’autre. » Le grand adversaire de Vaugelas, l’antique et docte La Mothe-Le-Vayer s’est fort récrié sur cette parole ; il la tient pour un blasphème et se révolte contre une telle légèreté.

636. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

La routine, qui ne s’inquiète guère de la logique, restait la plus forte… » Il n’y avait, sur ce point, ni logique ni routine ; on ne pouvait deviner un fait dont on n’avait pas la moindre preuve. […] C’est un fort honnête homme, et à qui il ne manquerait rien si la nature Pavait fait aussi agréable qu’il a envie de l’être. […] on le lit, on l’étudie, on l’admire ; on le loue précisément à cause de cette manière un peu marquée et appliquée, qui faisait question en son temps, qui semblait trop forte, qui n’est que suffisante aujourd’hui : il en demeure le premier modèle. […] Fournier a cru en trouver une raison fine : ce serait le prénom d’un mari dont la veuve était fort amie de La Bruyère, et l’on pouvait supposer qu’il remplaçait le défunt. […] Fougères, officier de la maison de Condé depuis plus de trente ans, disait que M. de La Bruyère n’était pas un homme de conversation, et qu’il lui prenait des saillies de danser et de chanter, mais fort désagréablement. » On a beau vouloir en rabattre, il en reste quelque chose qui semblait alors un défaut, un inconvénient.

637. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Je sais des natures plus fortes chez qui le scepticisme a mué l’amour en dédain et en « froid silence », et celles-là je les aime plus fortement. […] Le malheureux les veut subtiles et fortes. […] Donc ce pauvre diable de Bouhélier, nous offrit — c’est lui-même qui le proclama en une modeste préface — une œuvre « farouche, forte et tumultueuse ». […] L’auteur peut donc exiger de qui entre chez lui le respect dû aux temples et à la fois l’avide curiosité qui entraîne dans une baraque foraine quand le bonisseur a promis du farouche, du fort et du tumultueux. […] Et un autre, plus rituel : « Il gueule fort, ce cochon-là. » Là-dessus, on traîne « ce cochon-là » au supplice. — Ça n’est pas bien compliqué, un Évangile qui n’est pas « antique ».

638. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Les Effrontés Ce n’est pas tout que de frapper fort, il faut frapper juste. […] Charrier répugne fort au mariage de sa fille avec Vernouilhet ; mais l’escroc lui rappelle le droit qu’il s’est réservé de racheter sa part de propriété du journal. […] Augier ; il a dépensé beaucoup de talent dans sa pièce, et il en a tiré fort peu d’intérêt ; l’action est confuse, les situations s’embrouillent, les scènes traînent en longueur, l’esprit parfois brutal du langage ne recouvre pas l’indécision du plan et la faiblesse de l’intrigue. […] Je n’y trouve guère qu’un mot à reprendre, quoique ce mot ait été fort applaudi. […] On a fort applaudi ces tirades sur l’égalité et sur le progrès.

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