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1755. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

Autrefois, il suffisait de se déplacer pour avoir un avantage très net sur son voisin qui ne bougeait pas ; mais aujourd’hui les déplacements étant devenus fort aisés pour tout le monde (preuve de grande civilisation, comme l’on sait), les descriptions et les faits nouveaux, qu’allaient chercher au loin des voyageurs incapables de penser et d’inventer au coin de leur feu et les portes fermées, deviennent, par la facilité avec laquelle on se les procure, du domaine commun, tout autant que si ce domaine était immobile. […] Et s’il n’y avait dans cette idée que l’influence d’un patriotisme exalté, nous ne relèverions pas une telle illusion ; nous la laisserions tomber d’elle-même… Mais le livre n’est, au fond, que l’expression éloquente, et par conséquent dangereuse, de cette forte tendance que Bonald, avec son génie positif, condamnait déjà il y a une trentaine d’années22, et qui consiste à sacrifier la France interne et agricole à la France externe et commerçante.

1756. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

C’est cette justice présumée du plus fort qui à la longue légitime les conquêtes ; ce droit imparfait est nécessaire au repos des nations. […] Mais la preuve la plus forte en faveur de notre explication du droit héroïque, c’est qu’à Athènes, lorsqu’on prononça sur le théâtre le vers d’Euripide, ainsi traduit par Cicéron, Juravi linguâ, mentem injuratam habui, J’ai juré seulement de la bouche, ma conscience n’a pas juré, Les spectateurs furent scandalisés et murmurèrent ; on voit qu’ils partageaient l’opinion exprimée dans les douze tables : uti linguâ nuncupassit, ita jus esto .

1757. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Au lieu de peindre l’homme meilleur, il ne s’est préoccupé que de le peindre plus fort. […] Vautrin, en effet, Vautrin le forçat est l’homme fort par excellence. […] « Qu’importe la honte à une âme vraiment forte ? […] il ne faut point vouloir être fort ; il ne faut point vouloir être bon. […] Mais l’action n’est puissante et féconde que là où la pensée est sérieuse et forte.

1758. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Le cœur me battait si fort que je crus que j’allais défaillir. […] La fabulation du roman est fort simple. […] La scène est fort belle. […] Dans le désordre final, on se presse plus fort autour du comptoir. […] J’avoue être fort embarrassé pour dire à un écrivain de la valeur de M. 

1759. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Et si le langage fait assurément l’un des liens les plus étroits et les plus forts des sociétés humaines, peut-on séparer l’art d’avec la vie sociale ? […] A plus forte raison, le caprice et la fantaisie. […] En effet, la langue latine, par exemple, qu’ont écrite Cicéron et Virgile, était déjà fort changée du temps de Quintilien et encore plus du temps d’Aulu-Gelle. […] Sans doute, il est fort éloigné d’en avoir tiré tout le parti que nous verrons Sainte-Beuve en tirer après lui. […] Saint-Marc effleure tout ; il appuie quelquefois très fort ; il n’enfonce jamais dans rien.

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