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457. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

« Les Français, dans leur révolution poétique actuelle, disait Gœthe, ne demandaient rien autre chose d’abord qu’une forme plus libre ; mais ils ne se sont pas arrêtés là, ils rejettent maintenant le fond avec la forme. […] Gœthe répondait : « Les extrêmes et les déviations dont je parlais disparaissent peu à peu, et il ne reste que l’avantage d’avoir conquis et une forme plus libre et un fonds plus riche et plus varié ; on n’excluera plus les sujets comme anti-poétiques, on pourra les prendre partout dans le monde et dans la vie. […] Je ressens là, sous une nouvelle forme, la vieille haine dont on me poursuit depuis des années et qui cherche à s’approcher tout doucement de moi. […] Oui, oui, mon bon, ce n’est pas seulement en faisant des poésies et des pièces de théâtre que l’on est fécond ; il y a aussi une fécondité d’actions qui en maintes circonstances est la première de toutes… Génie et fécondité sont choses très-voisines… » Et une fois lancé, il ne s’arrêtait pas dans cette veine d’idées ; il montrait dans tous les ordres la force fécondante comme le signe le plus caractéristique du génie : Mozart, Phidias et Raphaël, Dürer et Holbein, il les prenait tous, et celui qui a trouvé le premier la forme de l’architecture gothique, et qui a rendu possible par la suite des temps un munster de Strasbourg, un dôme de Cologne ; et Luther, ce génie de la grande race, et dont la force d’action sur l’avenir n’est pas épuisée. […] Les dernières pages dans lesquelles on voit Eckermann visitant pour une dernière fois sur son lit mortuaire la forme expirée, mais encore belle, de celui qu’il a tant aimé et vénéré, font une conclusion digne et grandiose.

458. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

I La forme d’esprit de M.  […] C’est, dans le détail, le coq-à-l’âne, sous quelque forme que ce soit, le rapprochement imprévu de deux idées étonnées de se trouver ensemble. […] Et presque toujours ce développement se fait sous la forme dramatique (dialogue ou discours), qui ajoute au comique en faisant vivre et parler l’absurde, en le supposant réalisé. […] Cette blague se résout en une sorte de rhétorique spéciale qui est la forme, moitié naturelle, moitié acquise, de l’esprit de M.  […] Chose surprenante, Nouméa même, la solitude, la souffrance, les épreuves de toutes sortes n’ont pu donner à ses haines ni à ses convictions une forme sérieuse.

459. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Est-ce parce que les directeurs de journaux ont le sentiment de la déchéance de la critique comme « genre » littéraire, qu’ils lui refusent la place — ou bien est-ce à cause de ce refus que la critique ne forme plus d’adeptes sérieux ? […] Un homme capable de constater des analogies et des liens abstraits qu’on ne soupçonnait pas entre des formes et des images de la nature ; or, le critique véritable peut être ce poète, dans le domaine idéologique, et c’est parce qu’elles se sont élevées à cette haute compréhension de la critique que de grandes consciences poétiques comme Baudelaire, Carlyle, Mallarmé, ont été aussi des organismes critiques de premier ordre. […] L’essai est la forme supérieure de la critique ; il se rattache directement aux sciences psychologiques et contemplatives, il touche autant à la poésie qu’à la philosophie, il est l’expression morale des arts. […] L’un étudierait la jalousie dans le roman, l’autre l’altruisme, l’autre les nouvelles formes du style. […] Ils constateraient, parmi ceux qui écrivent, les auteurs d’agrément et ceux qui ont apporté véritablement une idée, une sensation ou une forme que l’on ignorait avant eux.

460. (1864) Études sur Shakespeare

À côté des formes de la servilité se retrouvaient les formes, et quelquefois même les saillies de l’indépendance. […] Dans les temps où la vie est difficile et les mœurs rudes, il en est rarement ainsi pour le poète que forme la seule nature. […] Quelle variété de formes et d’effets ! […] On le voit achetant successivement dans son pays natal une maison et diverses portions de terre dont il forme bientôt une propriété suffisante pour assurer l’aisance de sa vie. […] Quelle en sera la forme ?

461. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Sous quelle forme lui apparaît le devoir ? […] C’est une forme très distinguée de l’épicurisme. […] Nul souci de la forme. […] Il croit encore aux argumentations en forme, et s’y intéresse. […] Il accueille le progrès humain et toutes les formes du progrès.

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