Cette indifférence fondamentale sur les dieux, sur les vertus stoïques, sur les formes politiques, fait partie de son charme ; il est léger comme un cœur vide de fortes convictions ; il joue autour des fibres les plus molles du cœur, il ne les brise jamais. […] Sous quelle forme redoutait-il donc le trépas celui qui vit d’un œil impassible les monstres de l’abîme nageant sur les flots de la mer, les mers s’enfler de courroux et les écueils sinistres de l’Acrocéraunie (rochers de l’Épire fameux par mille naufrages) ? […] Horace en importait le premier, dans la littérature romaine, les brièvetés, les délicatesses et les parfums ; il y importait le premier aussi la forme achevée et ciselée du vers grec forgé sur l’enclume sonore d’Anacréon. […] Le moule de l’âme d’Horace était si parfait que toute pensée qui en sortait en vers avait la forme et le poli d’une statuette de Phidias en marbre de Paros.
Machiavel y suit Tite-Live événement par événement, comme la lampe suit les contours d’une statue pour en faire jaillir les formes dans la nuit aux regards d’un statuaire. […] — « Du milieu de ces ruines, dit-il, et de ces peuples renouvelés, sortent de nouvelles langues ; le mélange de l’idiome maternel de ces peuples étrangers avec l’idiome de l’ancienne Rome donne une autre forme au langage. » — De temps en temps une armée, jadis romaine, sous la conduite d’un lieutenant de l’empereur d’Orient, vient lutter avec plus ou moins de succès contre les Lombards ou les Hérules maîtres de l’Italie. […] La résurrection sous la forme d’unité nationale, théocratique, monarchique ou républicaine, de chimère était-elle devenue une réalité ? […] XXVIII La république de 1848 en France s’était abstenue sévèrement de toute propagande armée ou désarmée chez les peuples libres de leurs formes de gouvernement ; mais Naples, agitée une seconde fois par l’esprit de 1820, avait conquis, avant l’explosion de la république en France, une constitution sur son jeune roi.
Il se souvient qu’il a là une douzaine d’étudiants, ses amis, qui ont fantaisie de se battre pour quoi que ce soit, qui n’est ni la monarchie légitime, ni la royauté d’occasion de 1830, ni la république proprement dite, forme définie de gouvernement, mais un je ne sais quoi, qui s’appelle tantôt la démocratie, tantôt l’idéal, en réalité le drapeau rouge. […] IV Ici un tiroir, bien plus vaste et bien plus étranger au roman ou à l’épopée que les autres, forme sous les pas du lecteur comme une trappe et le conduit, pendant je ne sais combien de pages, jusqu’à la Seine. […] Il faut le reconnaître ou s’appeler Titan ; tout remettre en question, comme les utopistes ; se constituer en état de révolte radicale contre la forme de l’humanité tout entière, c’est-à-dire en état de démence et de frénésie contre la force des choses, cette souveraineté absolue de Dieu. Que la société, sans cesse pénétrée de l’esprit divin, qui est un esprit de paix et non de guerre, s’interroge sans cesse elle-même pour savoir ce qu’elle peut introduire d’améliorations pratiques dans ses formes et dans ses lois sans faire écrouler l’édifice, qu’elle s’appelle tour à tour oligarchie, aristocratie, monarchie, démocratie, république, selon que la force des choses, la tradition, l’innovation, lui indique dans quelle région de la hiérarchie humaine se trouve le plus de droit, de force conservatrice, d’autorité nécessaire, de lumière législative, de responsabilité et de passion du bien général.
Même, s’il pouvait être question de défauts dans un âge si tendre, j’y remarquerais le défaut des esprits clairs et nets, qui est une certaine sécheresse ; c’est comme la première forme d’un esprit sain qui n’est pas encore développé. […] C’est son habitude, sa physionomie ; c’est sous cette forme que l’esprit humain se manifestera par la langue française. […] Pour le tour, l’ordre et la suite des faits, le naturel du récit on n’y peut guère changer, même pour perfectionner, sans péril ; et le trait des gens du marquis, « qui commencèrent à laisser leur chef, quand ils virent qu’ils n’auroient nulle aide de lui », est une de ces vérités universelles qui trouvent même dans une langue au berceau des formes déjà parfaites, et qui ne changeront pas. […] Froissart, lui-même, n’imaginait pas une forme de société meilleure que la féodalité, sa naissance, ses goûts, son tour d’esprit lui firent aimer les temps qu’il avait à peindre.
Ces connaissances, sous leur forme abstraite et philosophique, à cette hauteur où mon œil les aperçoit à peine, pareilles à ces lumières qui brillent dans les espaces infinis et qui ne percent pas l’ombre où nous sommes, de quel usage me sont-elles dans les détails de mes actions ? […] Et pour lui-même, lui qui n’a pas trouvé la philosophie digne d’une heure de peine, qui, après avoir goûté de la gloire attachée aux découvertes de la science, s’en est lassé comme d’un vain amusement, lui qui a rompu tout lien avec la terre, quel risque affreux, s’il manque de se convaincre, si cette chaîne, dont il forme un raisonnement, vient à se rompre dans ses mains ? […] Un autre, Amauld peut-être, en aurait discuté méthodiquement tous les points condamnables : mais, quelque habileté qu’il y eût mise, cette accusation en forme eût été monotone, et la vérité même, prenant l’allure d’un plaidoyer, eût été suspecte. […] Un extrait de cet ouvrage, traduit de l’original latin, forme un des chapitres de la Logique de Port-Royal.