Malgré les difficultés, que nous connaissons trop bien, de juger du fond en des matières si complexes et d’oser apprécier la forme en des hommes si honorés de nous, cette fois nous nous sentons presque à l’aise vraiment ; nous avons affaire à une destinée droite et simple qui, en se développant de plus en plus et en élargissant ses voies, n’a cessé d’offrir la fidélité et la constance dans la vocation, la fixité dans le but ; il est peu d’exemples d’une pareille unité en notre temps et d’une rectitude si féconde. […] L’homme, il faut bien se le dire, n’atteint en rien la réalité, le fond même des choses, pas plus en histoire que dans le reste ; il n’arrive à concevoir et à reproduire que moyennant des méthodes et des points de vue qu’il se donne. […] Les résultats essentiels qui se tirent de ce mâle et simple récit sont passés dans le fond de leurs opinions et presque de leurs dogmes : cela fait partie de cet héritage commun sur lequel on vit et qu’on ne discute plus, et je doute fort qu’à mesure qu’on ira plus avant dans les voies modernes, et que par conséquent on trouvera plus simple et plus nécessaire ce qui s’est accompli, on en vienne jamais à remettre en cause les articles, même rigides, de ce jugement historique et à les casser. […] C’est un intérêt du même genre, mais plus concentré, que présente l’ouvrage intitulé Antonio Perez et Philippe II, composé d’après une méthode analogue, et dont le fond repose également sur des documents officiels inédits. […] C’est ainsi que des rapprochements qui sont judicieux au fond, mais que le relief de la forme accuse trop, cessent de paraître vraisemblables ; cela a l’air trop arrangé pour être vrai ; l’esprit du lecteur admet difficilement dans la suite, même providentielle, des événements humains une manœuvre si exacte et si concertée.
Le goût élevé, exclusif, de ceux-ci, se combinait au fond avec la gravité morale, et s’y appuyait : ils représentent le siècle de Louis XIV à son centre. […] Elle est un digne contemporain de M. de La Rochefoucauld ; on s’aperçoit qu’elle savait le fond des choses de la vie, qu’elle avait un esprit très-ami du vrai, du positif même ; on ne s’en serait pas douté, à lui en voir souvent si peu dans l’expression. […] Au lieu de s’enflammer, comme Mme de La Sablière, pour Descartes, elle pencha vers Gassendi : ce qui au fond n’était pas moins s’occuper De certaine philosophie Subtile, engageante et hardie. […] Ainsi de ses autres idylles : presque toujours une plainte au fond. […] — Quand l’heure de la comédie fut venue, elle se mit en négligé, avec une de ses amies, qui prit des billets ; elle se cacha tout de son mieux sous une grande coiffe de taffetas et au lieu d’entrer par la grande porte du théâtre comme elle avoit accoutumé de faire, elle entra par la porte des loges, et s’alla placer au fond des secondes loges, car toutes les autres étoient remplies.
Néanmoins je ne demeurai pas, et elle me répondit d’un air fort doux et fort obligeant ; et, pour vous dire la vérité, il faut que je l’aie prise dans quelque mauvais jour, car elle passe pour fort belle dans la ville, et je connois beaucoup de jeunes gens qui soupirent pour elle du fond de leur cœur. […] Un grand art de combinaison, un calcul exact d’agencement, une construction lente et successive, plutôt que cette force de conception, simple et féconde, qui agit simultanément et comme par voie de cristallisation autour de plusieurs centres dans les cerveaux naturellement dramatiques ; de la présence d’esprit dans les moindres détails ; une singulière adresse à ne dévider qu’un seul fil à la fois ; de l’habileté pour élaguer plutôt que la puissance pour étreindre ; une science ingénieuse d’introduire et d’éconduire ses personnages ; parfois la situation capitale éludée, soit par un récit pompeux, soit par l’absence motivée du témoin le plus embarrassant ; et de même dans les caractères, rien de divergent ni d’excentrique ; les parties accessoires, les antécédents peu commodes supprimés ; et pourtant rien de trop nu ni de trop monotone, mais deux ou trois nuances assorties sur un fond simple ; — puis, au milieu de tout cela, une passion qu’on n’a pas vue naître, dont le flot arrive déjà gonflé, mollement écumeux, et qui vous entraîne comme le courant blanchi d’une belle eau : voilà le drame de Racine. […] Euripide lui-même laisse beaucoup sans doute à désirer pour la vérité ; il a déjà perdu le sens supérieur des traditions mythologiques que possédaient si profondément Eschyle et Sophocle ; mais du moins chez lui on embrasse tout un ordre de choses ; le paysage, la religion, les rites, les souvenirs de famille, constituent un fond de réalité qui fixe et repose l’esprit. […] Depuis ce temps jusqu’au nôtre, et à travers toutes les variations de goût, la renommée de Racine a subsisté sans atteinte et a constamment reçu des hommages unanimes, justes au fond et mérités en tant qu’hommages, bien que parfois très-peu intelligents dans les motifs. […] Cela, au contraire, présenté disproportionnément, nous eût caché le vrai sujet, le Dieu un et spirituel, invisible et qui remplit tout. — Peu de décors dans Racine ; et il a raison au fond : l’unité du Dieu invisible en ressort mieux.
Je crois bien qu’au fond, innocemment ou non, vous assimilez la prose abondante de M. […] « Enfin Francisque vint. » Il vint du fond de sa province, attiré par About, comme un Caliban de collège par un Prospero du boulevard (et l’on sait la fidélité touchante de son amitié pour son étincelant compagnon). […] Il détache son récit du fond de la réalité ambiante ; mais il néglige ce fond plutôt qu’il ne le supprime. […] Les plus exactes analyses de sentiments, les vues les plus profondes sur l’âme humaine, les peintures les plus fines ou les plus éclatantes du monde moral ou physique, ce qu’il y a de plus rare dans la littérature contemporaine soit pour le fond, soit pour la forme, c’est chez nos poètes, nos romanciers, nos critiques et nos philosophes qu’il faut le chercher.
Tout homme a droit à la vraie religion, à ce qui fait l’homme parfait ; c’est-à-dire que tout homme doit trouver dans la société où il naît les moyens d’atteindre la perfection de sa nature, suivant la formule du temps ; en d’autres termes, tout homme doit trouver dans la société, en ce qui concerne l’intelligence, ce que la mère lui fournit en ce qui concerne le corps, le lait, l’aliment primordial, le fond premier qu’il ne peut se procurer lui-même. […] Dans une société normale, l’homme aurait donc droit aussi au premier fond nécessaire pour se procurer cette vie. […] Tout autre aura le même sort, si une loi périodique, qui lui serait au fond plus favorable qu’on ne pense, ne vient à temps le délivrer du pouvoir. […] Au fond, cela fait honneur à la France ; cela prouve qu’elle s’est fait une haute idée du parfait. […] Au fond, la hiérarchie des hommes selon leur degré de perfection n’est pas plus choquante.