Les anecdotes où Chapelle figure avec celui-ci et avec Molière sont devenues une sorte de légende ; on aimerait à savoir quelques-uns des mots gais, piquants, naïfs, qui composaient le sel de Chapelle et le faisaient tant estimer des illustres, comme étant lui-même une manière de génie. Il faut lui savoir gré du moins d’être un personnage aussi essentiel dans le groupe de son temps : à côté de Boileau, c’est une figure réjouissante, c’est un interlocuteur qui le contrarie, l’excite, et quelquefois le déconcerte et l’entraîne jusqu’à l’enivrer ; à côté de Molière, c’est un confident de ses chagrins, et qui, même par ses consolations incomplètes, oblige le grand homme à se déclarer tout entier devant lui et devant nous dans ses tendresses jalouses et dans ses passions. […] Toutefois, il n’a pas complètement accepté non plus le soin de peindre la réalité avec détail et dans la vérité la plus rigoureuse : je n’en veux pour preuve qu’une tempête qu’il a pu déplacer dans les éditions successives de ses lettres, et qui figure tantôt avant l’entrée à Rio de Janeirod, tantôt après la sortie.
M. de Noyon n’avait pas quitté Versailles la semaine d’auparavant, et il y faisait la principale figure, recevant à l’avance et prenant au sérieux les compliments de chacun. […] Les figures et les personnages de l’Écriture, Élisée, Pharaon, Moïse revenaient de temps en temps. […] Les figures les plus hardies et les plus marquées, celles que les plus grands orateurs n’emploient qu’en tremblant, vous les répandez avec profusion, vous les faites passer dans des pays qui jusques ici leur étaient inconnus ; et ces ordonnances véritablement apostoliques, destinées au seul gouvernement des âmes, au lieu d’une simplicité négligée qu’elles avaient avant vous, sont devenues chez vous des chefs-d’œuvre de l’esprit humain.
Cet échec final, qui concourt avec la chute de l’Ancien Régime et la défaite de la monarchie, a laissé une ombre sur la figure de Besenval : on se le représente volontiers malencontreux et disgracié de la fortune, comme les généraux vaincus devant les révolutions. […] « M. de Besenval, a dit le vicomte de Ségur, héritier et premier éditeur de ses Mémoires, joignait à la taille la plus imposante une figure pleine de charmes dans sa jeunesse, et de dignité dans un âge avancé. » Son organisation était forte et robuste, en même temps que fine et distinguée. […] M. de Levis, dans le portrait qu’il a tracé de Besenval, commence en ces termes : Le baron de Besenval était un officier suisse qui avait servi avec distinction pendant la guerre de Sept Ans ; il joignait à l’intrépidité qui de tout temps a caractérisé sa nation ce feu de valeur qui paraît appartenir à la nôtre ; il avait une belle taille, une figure agréable, de l’esprit, de l’audace : que faut-il de plus pour réussir ?
Pie VII, de douce et bénigne figure, ne compromettait point la cause romaine en paraissant au milieu de nous ; Rome eût gagné à n’être que lui seul, et ce mot du Pontife à un jeune homme qui, dans une rue de Paris, se dérobait par la fuite à sa bénédiction, est le mot de la situation même : « Jeune homme, la bénédiction d’un vieillard ne fait jamais de mal. » C’était l’impression la plus générale de la France à ce moment ; on était dans une période de sentiment, de pitié et de justice, en même temps qu’à une ère recommençante de grande politique, et la politique véritable consistait précisément à respecter et à reconnaître toutes ces dispositions publiques, à se donner faveur et force en y satisfaisant. […] La veille de ce jour-là, le roi, en congédiant son Conseil encore composé de MM. de Richelieu, Pasquier, etc., disait d’un air fin : « Demain, Messieurs, je m’amuse. » Cela voulait dire : « Demain il n’y a pas Conseil. » Le roi donc s’amusait ce mercredi en chambre close, et la politique n’en faisait pas moins son chemin, grâce à l’Esther et à la Maintenon du parti dévots On ne se figure pas, dit le biographe naïf du bon M. Liautard qui était jusqu’au cou dans toute cette manigance, ou plutôt on se figure sans peine « combien il fallut de soins et de minutieuses attentions pour dépouiller le roi de ses propres idées, pour refaire en quelque sorte son cerveau, sa mémoire, son cœur, toutes ses facultés, toutes ses affections. » Ce qu’il y a de plus certain, c’est que Louis XVIII, ainsi travaillé, faiblit à vue d’œil et baissa.
Comme il sait choisir le pupitre, le tabouret, le papier de musique, le livre, la table, le chevalet ou le carton, selon la figure qu’il représente ! […] Tout est ainsi, et je me figure le roman comme un canevas et un prétexte à tableaux. […] Dans cette espèce d’Élysée bizarre et bachique qu’on se figure aisément pour ces libres et un peu folâtres esprits d’avant Louis XIV, il me semble d’ici les voir, à cette heure de réveil, à cette nouvelle d’un regain si inattendu : l’Ombre du joyeux Saint-Amant a tressailli ; le poète Théophile se tient pour consolé et vengé dorénavant de ses disgrâces ; Scarron a bondi d’aise sur son escabeau, et Cyrano enfin, retroussant sa moustache, passe et repasse en idée, plus fier que jamais, sur ce Pont-Neuf populeux où une double haie de bourgeois et de marauds ébahis l’admire.