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389. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Tout ce qu’elle demande, c’est que la figure du modèle ait de l’expression, du relief, et ne soit pas platement insignifiante. […] Cependant, de tout ce tumulte, il jaillit une figure originale : Pierre Dupont. […] Elle savait ce qu’elle en pouvait faire, et elle en fit une des plus gracieuses figures sous lesquelles elle ait ému le public transporté. […] Ils passent un moment ; mais ils ont une figure et se dessinent tout entiers dans les quelques vers qu’ils récitent. […] Le public n’est pas tenu au courant des anecdotes et ne connaît pas les figures.

390. (1881) Le naturalisme au théatre

Il faut qu’une figure ait un nez pour être une figure ; il faut qu’un auteur dramatique sache faire une pièce pour être un auteur dramatique, cela va de soi. […] Cette figure est posée avec beaucoup de puissance. […] Ou des figures poncives, ou des figures fantasmagoriques, voilà le choix. […] Catulle Mendès est une figure littéraire fort intéressante. […] Ernest Blum ne s’est point contenté de cette figure.

391. (1921) Esquisses critiques. Première série

Et ce sont là les plus estimables figures que M.  […] C’est pourquoi l’un donne l’impression du génie quand l’autre ne fait au plus figure que d’un homme de talent. […] Montfort, pour faire voir la haute dignité où peut atteindre ce que l’on appelle communément ainsi, et quelles singulières qualités sont indispensables pour réaliser une pareille figure. […] D’autres, Stendhal Flaubert, concentrent une lumière intense sur des figures isolées ou peu nombreuses : Mme Bovary, la Sanseverina. […] Parfois, même, dans la Turque par exemple, ou dans la Belle Enfant, le livre entier tourne et se développe autour d’une seule figure dressée en son centre.

392. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

D’abord il était de toute importance d’avoir sa figure à soi dans l’ombre et celle de son partner dans la lumière, aussi son fauteuil est-il arrangé de manière qu’en faisant demi-tour à droite, quand quelqu’un entre dans son cabinet, il tourne le dos à la fenêtre. […] Il raconte qu’au Mont-Dore, où il s’est trouvé avec lui, cet été, il lui arrivait souvent au milieu d’une causerie animée, de voir tout à coup l’œil de Vallès, pris d’un petit tournoiement, et devenir fixe, en arrêt devant le vide ; en même temps que sa parole se taisait, un moment, avec de l’effroi sur la figure. […] Quant au mouvement de ses figures, je ne le trouve jamais naturel, il est épileptique, toujours théâtral, pis que cela : caricatural ! et ces figures ont tout à fait la gesticulation des cabotins ridicules, dans les lithographies de Gavarni. […] J’ai acheté ces jours-ci un album de figures en noir, semblables à certaines silhouettes de Carmontelle, et qui ne sont que des ombres profilées, de Japonais et de Japonaises, se détachant sur un panneau blanc.

393. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Sans cesse, en des phrases où l’on ne peut noter les expressions cherchées et acquises, il s’efforce de dire chaque chose en une langue qui l’enserre et la contient comme un contour une figure. […] La terre à la fin se fit plus étroite qu’une sandale  et après avoir jeté vers le soleil des gouttes de l’océan, nous tournâmes à droite pour revenir. » Et ailleurs : « Il y avait des jets d’eau dans les salles, des mosaïques dans les cours, des cloisons festonnées, mille délicatesses d’architecture et partout un tel silence que l’on entendait le frôlement d’une écharpe ou l’écho d’un soupir. » Par un contraste que l’on perçoit déjà dans ce passage, Flaubert, précis et magnifique sait user parfois d’une langue vague et chantante qui enveloppe de voiles un paysage lunaire, les inconsciences profondes d’une âme, le sens caché d’un rite, tout mystère entrevu et échappant : Certaines des scènes d’amour où figure Mme Arnoux, l’énumération des fabuleuses peuplades accourues à la prise de Carthage, le symbole des Abaddirs et les mythes de Tanit, les louches apparitions qui, au début de la nuit magique, susurrent à saint Antoine des phrases incitantes, la chasse brumeuse où des bêtes invulnérables poursuivent Julien de leurs mufles froids, tout cet au-delà est décrit en termes grandioses et lointains, en indéfinis pluriels abstraits et approchés qui unissent à l’insidieux des choses, la trouble incertitude de la vision. […] Que l’on se rappelle toutes les physionomies modernes que le romancier a mises dans notre mémoire, les camarades de Frédéric Moreau, les hôtes des Dambreux, le père Régimbard imposant, furibond et sec, Arnoux, la délicieuse héroïne du livre ; puis la figure de Madame Bovary, les grotesques, Rodolphe brutal et fort, les croquis des comices, le débonnaire aspect du mari, et les merveilleux profils de l’héroïne  toutes ces figures et ces statures sont retracées analytiquement, en traits et en attitudes ; ainsi : « Jamais Mme Bovary ne fut aussi belle qu’à cette époque… Ses paupières semblaient taillées tout exprès pour ses longs regards amoureux où la prunelle se perdait, tandis qu’un souffle fort écartait ses narines minces et relevait le coin charnu de ses lèvres qu’ombrageait à la lumière un peu de duvet noir. […] Décrite comme une vision, frappée en éclatantes figures et chantée comme une strophe, elle donne lieu à de splendides périodes, où se déploient tous les prestiges du style. […] L’étrange et bas palais de Constantin précède le festin farouche de Nabuchodonosor ; l’apparition de la reine de Saba galante et vieillote en son charme de chèvre ; dans le temple des hérésiarques la beauté flétrie, monacale et livide des femmes montanistes, le culte horrible des ophites, conduisent à l’évocation d’Apollonius de Thyane qu’un charme maintient suspendu sur l’abîme, planant et montant en sa noble robe de thaumaturge ;  le défilé des théogonies et sur la frise qu’a formée le pullulement des dieux brahmaniques, le Bouddha apparaissant assis, la tète ceinte d’un halo et sa large main levée ; le catafalque des adonisiennes, Aphrodite, puis l’immortel dialogue de la luxure et de la mort où les mots sont tantôt liquides de beauté, tantôt lourds de tristesse ; et ces dernières pages où tous les monstres se dégagent et se confondent en un protoplasme ’ qui est la vie même  quelle grandiose suite d’épisodes, dont chacun figure une plus charmante ou rayonnante ou tragique beauté.

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