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1339. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Dans l’île Saint-Louis, le long d’un quai désert, L’autre soir je passais : le ciel était couvert, Et l’horizon brumeux eût paru noir d’orages, Sans la fraîcheur du vent qui chassait les nuages ; Le soleil se couchait sous de sombres rideaux ; La rivière coulait verte entre les radeaux ; Aux balcons çà et là quelque figure blanche Respirait l’air du soir ; — et c’était un dimanche. […] Son portrait par Donat, qui a servi de point de départ à celui qu’on vient de lire par M. de Chateaubriand, peut se traduire plus légèrement peut-être, et s’expliquer comme il suit, en évitant tout ce qui pourrait charger : Virgile était grand de corps, de stature (je me le figure cependant un peu mince, un peu frêle, à cause de son estomac et de sa poitrine, quoiqu’on ne le dise pas) ; il avait gardé de sa première vie et de sa longue habitude aux champs le teint brun, hâlé, un certain air de village, un premier air de gaucherie ; enfin, il y avait dans sa personne quelque chose qui rappelait l’homme qui avait été élevé à la campagne. […] « Les portraits de lui qui nous le représentent les cheveux longs, l’air jeune, le profil pur, en regard de la majestueuse figure de vieillard d’Homère, n’ont rien d’authentique et seraient aussi bien des portraits d’Auguste ou d’Apollon.

1340. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

. — La poésie d’Ilmenau peint une époque qui, en 1783, lorsque j’écrivis la poésie, était déjà depuis plusieurs années derrière nous, de sorte que je pus me dessiner moi-même comme une figure historique et causer avec moi des années passées. […] Celui qui a créé ces trois figures mérite que son nom soit écrit en lettres apologétiques vivantes au frontispice de l’Allemagne. […] Il était accompagné d’une lettre de David renfermant ces passages : “Je vous envoie cette faible image de vos traits, non comme un présent digne de vous, mais comme le témoignage d’un cœur qui sait mieux éprouver des sentiments que les exprimer… Vous êtes la grande figure poétique de notre époque ; une statue vous est due : j’ai essayé d’en faire un fragment ; un génie digne de vous l’achèvera.”

1341. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Ce moine lointain dont la parole est dure et la voix tendre, fait songer à ces maigres figures des vitraux gothiques, dont les lignes sont sèches et la couleur suave, et qui baignent leurs contours rigides dans une belle lumière mystérieuse. […] C’est cette figure d’une femme d’amour devenue sainte que je placerais sur le tombeau de Racine, dans le cimetière idéal des grands poètes. […] Changées, la figure et l’âme des armées, changée, la guerre.

1342. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

Dans la géométrie, l’imagination combine et invente les figures, objets des définitions et des théorèmes. […] La figure ou image proprement dite, par exemple la figure d’un triangle, est une représentation très analogue à l’objet représenté, qui est le triangle en général ; pourtant ce n’est toujours là qu’un substitut, car le triangle en général, auquel s’applique la démonstration géométrique, n’est ni scalène, ni équilatéral, ni isocèle, et l’image a nécessairement l’une ou l’autre de ces formes.

1343. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Ses bois, ses champs, ses serviteurs, ses troupeaux, sa figure de sérénité et de paix, sa philosophie orientale et contemplative, tout rappelait en lui un Abraham sans épouse. […] Minerve vient d’y arriver sous la figure d’un étranger. […] Mais poursuivons. » Elle nous lut alors la conversation de table entre Télémaque et son hôte divin ; comment les prétendants à la main de Pénélope abusent du veuvage de cette mère pour ruiner et déshonorer sa maison ; comment Minerve, sous la figure de l’hôte, s’indigne de cette obsession et engage Télémaque à équiper un vaisseau pour aller à la recherche de son père ; comment, s’il n’a pas le bonheur de le retrouver, il reviendra lui-même, plus grand et plus robuste, à Ithaque, où il immolera par sa force ou par sa ruse les indignes persécuteurs de Pénélope ; comment Pénélope, entendant de sa chambre haute le chantre Phémius chanter devant ses prétendants le retour des Grecs du siège de Troie, descend les escaliers du palais, suivie de ses servantes, s’arrête, modeste et voilée, appuyée sur le montant de la porte et les yeux humides de larmes, en pensant à Ulysse qui n’est pas revenu avec les Grecs ; comment elle supplie Phémius de changer le sujet trop triste de ses chants ; comment Télémaque, déjà rusé comme son père, feint de gourmander respectueusement sa mère, pour qu’elle rentre dans sa chambre.

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