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343. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

J’admirais l’adresse, la grâce, avec laquelle ces hommes jonglaient, dans le noir de la nuit tombante, avec les méandres du fer, avec les rubans de feu, passant du rouge à l’orangé, de l’orangé au cerise. […] Rentré à la maison, à la chaleur de votre feu, une espèce d’ensommeillement s’empare de vous, une plaisante immobilité monte dans vos jambes et vos bras fatigués. […] 5 décembre Devant le feu de la chambre d’en haut, qui sert de fumoir chez la princesse, après dîner, nous nous demandions, avec Berthelot, si la science pure, bellement abstraite, et contemptrice de l’industrialisme, n’est pas, comme l’art, le fait des sociétés aristocratiques.

344. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

La poésie comme la science a une racine abstraite ; la science sort de là chef-d’œuvre de métal, de bois, de feu ou d’air, machine, navire, locomotive, aéroscaphe ; la poésie sort de là chef-d’œuvre de chair et d’os, Iliade, Cantique des Cantiques, Romancero, Divine Comédie, Macbeth. […] Il savait d’innombrables choses, entre autres celles-ci : — La terre est plate. — L’univers est rond et fini. — La meilleure nourriture pour l’homme est la chair humaine. — La communauté des femmes est la base de l’ordre social. — Le père doit épouser sa fille. — Il y a un mot qui tue le serpent, un mot qui apprivoise l’ours, un mot qui arrête court les aigles, et un mot qui chasse les bœufs des champs de fèves. — En prononçant d’heure en heure les trois noms de la trinité égyptienne, Amon-Mouth-Khons, Andron d’Argos a pu traverser les sables de Libye sans boire. — On ne doit point fabriquer les cercueils en cyprès, le sceptre de Jupiter étant fait de ce bois. — Thémistoclée, prêtresse de Delphes, a eu des enfants et est restée vierge. — Les justes ayant seuls l’autorité de jurer, c’est par équité qu’on donne à Jupiter le nom de Jureur. — Le phénix d’Arabie et les tignes vivent dans le feu. — La terre est portée par l’air comme par un char. — Le soleil boit dans l’océan et la lune boit dans les rivières. — Etc. — C’est pourquoi les athéniens lui élevèrent une statue sur la place Céramique, avec cette inscription : À Chrysippe, qui savait tout. […] Et Aristote croyait au fait d’Andron d’Argos, et Platon croyait au principe social de la communauté des femmes, et Gorgisippe croyait au fait de la terre plate, et Épicure croyait au fait de la terre portée par l’air, et Hermodamante croyait au fait des paroles magiques maîtresses du bœuf, de l’aigle, de l’ours et du serpent, et Echécrate croyait au fait de la maternité immaculée de Thémistoclée, et Pythagore croyait au fait du sceptre en bois de cyprès de Jupiter, et Posidonius croyait au fait de l’océan donnant à boire au soleil et des rivières donnant à boire à la lune, et Pyrrhon croyait au fait des tignes vivant dans le feu.

345. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Il est resté confondu dans la foule éblouissante, rayon dans ces rayons, vulgaire comme un Gordon bleu ; il a piétiné tout le jour sur son talon rouge impatienté, — ce talon de feu ! […] Laissons pour un moment ses vices, qu’il laissa lui-même quand il fut ministre et cardinal, et demandons-nous s’il n’y a pas quelque chose qu’estimerait le cardinal de Richelieu dans ce petit homme bègue de soixante ans, à la santé en ruine, traînant après lui, a dit un historien, « une réputation telle que l’envie elle-même n’aurait pu rien y ajouter », et qui, sans être écrasé par la honte de ses premières années, met aux affaires une main assez vaste pour les embrasser et meurt dans le feu du pouvoir saisi, tué par toute sa vie d’avant le pouvoir. Laissons sa capacité scientifique et un esprit qui a beaucoup de rapport, pour la souplesse et le mouvement, et la grâce même, avec l’esprit de Voltaire ; laissons sa vaste littérature et ce qui l’empêcha d’être complètement vil, sa bravoure au feu, ce sens de l’épée, qu’il avait tout comme un héros ; ne voyons que l’homme politique, qui dura si peu, et demandons-nous ce qu’il fût devenu s’il avait duré !

346. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

De là ces traits de feu, ces grâces ravissantes jetées çà et là dans les chants du poëme de Lucrèce ; de là cette fréquente contradiction de son art et de son système, ce retour involontaire au polythéisme qu’il maudit, ces nouvelles apothéoses substituées aux idoles qu’il renverse, et cet hymne de louange et d’amour qu’il semble près d’exhaler sans cesse, et dont il cherche l’objet en dédaignant tous les anciens cultes de la terre. […] « Astre du soir, quel feu brille au ciel plus aimable que toi, qui de ta flamme confirmes les alliances jurées, ce qu’ont promis les hommes, ce qu’ont réglé les pères, ces unions qui ne sont pas scellées avant que ta lumière se lève à l’horizon ? […] Toutefois, dans cette étude même, le poëte romain a trouvé place pour des accents lyriques ; il s’anime du feu d’Homère, et, par une fiction vraiment grande, il transforme la fête qu’il semble décrire.

347. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 113

On ne sauroit peut-être pas qu’il a fait des Pieces de Théatre, sans ce Vers : Vous souvient-il, ma sœur, du feu Roi notre pere ?

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