Ses amis et sa femme en surveillèrent quarante ans la fragilité. […] Fontanos, le racinien, qui, grand-maître alors de l’Université, trouva plaisant de faire de cette âme en peine dans un corps un inspecteur d’académie ; c’étaient Molé, Chênedollé, l’abbé de Vitry et trois femmes charmantes : Mme de Châtenay, Mme de Vintimille et Mme Pauline de Beaumont. […] Rendu ; Platon en habit gris, que nos pères ont pu coudoyer, qui faisait des visites du matin et du soir comme le premier ennuyeux venu de notre connaissance, qui allait baiser la main de Mme de Vintimille ou de Mme de Beaumont avant de rentrer chez lui baiser celle de sa femme, car il ne connaissait que d’honnêtes femmes, cet honnête homme de Platon là, et il n’allait pas comme l’autre Platon, Platon le Grand, dire ses vêpres chez ces immenses coquines, Aspasie, Phryné et Laïs. […] IV Disons-le, voilà sa faiblesse, voilà par où il défaillait, ce Joubert-Platon, dont le génie discret et silencieux passa, dans l’air retentissant du siècle de Napoléon, comme ces images de femmes d’Herculanum dont il a parlé et dont il a dit : « qu’elles se coulent sans bruit dans « les airs, à peine enveloppées d’un corps ».
Sainte Térèse33 [Le Pays, 1er février 1853 — 6 septembre 1859] I Il y a déjà quelque temps que M. l’abbé Marcel Bouix a traduit avec un talent éclatant de fidélité les œuvres complètes de Sainte Térèse, de cette femme qui eut deux génies, quand il n’en faut qu’un seul à un homme pour être immortel. […] Elle devint cette petite fourmi, comme elle s’appelle avec une grâce d’humilité délicieuse en une femme qui avait le cœur plus grand que tous les mondes, parce que Dieu, en l’habitant, l’avait élargi, elle devint, non pas uniquement la créature d’élection et de perfection surnaturelle, dont le souvenir plane encore sur le monde ému, mais aussi la première, la plus grande, la plus auguste des supérieures d’Ordres, ornée, avec toutes les vertus du Ciel, de toutes les qualités prudentes, politiques, humaines, de la terre ! […] La Térèse des Fondations est une des plus majestueuses femmes d’État qui se soient assises par terre ou sur un escabeau, au lieu de s’asseoir sur un trône ! […] Ce n’était pas uniquement, comme ceux qui ne l’ont pas lue ont la bonté de le concéder, une femme supérieure par l’imagination, par la disposition poétique » exaltée par la prière et trouvant dans réchauffante macération de la Règle et du Cloître l’expression embrasée qui ressemble chez elle à un encensoir inextinguible, le cri qui épouvante presque les cœurs et qui fait croire que le Génie a des rugissements comme l’Amour ! Non, elle était encore, la femme puissamment rassise dans la raison, telle que les hommes conçoivent la raison, quand l’Extase, qui enlève l’esprit au ciel et ce corps de boue volatilisé, dans les airs, la lâchait et la mettait par terre.
Et, à la longue, il avait fini par créer des types d’hommes et de femmes un peu factices, mais d’un raffinement et d’un relief singuliers. […] Ils ne sont plus pour nous des êtres de fantaisie et nous connaissons leur famille, leur mari ou leur femme, leur mère et leurs enfants. […] Ce n’est point l’éloge des lettrés qui fera la gloire de l’auteur, mais les lorgnettes et les éventails des femmes jetés dans l’arène comme à une course de taureau. […] Les rares professions régulières accessibles aux femmes sont déjà combles ; d’ailleurs, elles en connaissent les déboires et les malchances, elles n’en veulent plus. […] Il y a souvent une heure dans la vie d’une femme où elle a rêvé d’être actrice, à plus forte raison dans la vie d’une jeune fille sans dot et inquiète de l’avenir.
La musique est femme. […] Femme. […] Que la femme ne soit — profondément — rien de ce que les psychologues s’imaginent ; ce n’est pas douteux. […] Dans les monastères renommés, tant d’hommes que de femmes, la règle a réparti la besogne de chacun. […] Femme, paru en 1919, est son premier livre.
Il fit un jour une pareille scène chez la comtesse de Kaunitz, femme du ministre d’Autriche à Naples, à propos de l’abbé de Caveyrac, l’apologiste de la Saint-Barthélemy : « Comment, madame, s’écria-t-il en pleine assemblée en l’entendant nommer, est-ce qu’un tel maraud est venu chez Votre Excellence ? […] Un mot de meilleur ton, et trop joli pour ne pas être rappelé, est celui de la comtesse de Rochefort à Duclos, un jour que, causant avec elle et Mme de Mirepoix, il avait posé en principe qu’une honnête femme peut tout entendre, et que ce sont seulement les malhonnêtes qui font les bégueules. […] vous nous croyez aussi par trop honnêtes femmes. » Il était plus sérieux et valait mieux que cela en mainte circonstance. […] [NdA] On a dit, et j’avais moi-même répété, que le mot de femme ne se trouve pas une seule fois dans l’ouvrage. […] Auger a fait remarquer qu’il y est parlé des femmes au chapitre de la Réputation ; il n’en est pas moins vrai que l’omission générale subsiste.