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620. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Il n’y a pas une note fausse, pas un mot répréhensible, pas un trait qui ne porte au but : seulement ce but est le rire, il est placé moins haut, mais il est atteint, et il est atteint d’inspiration sans que le rieur, en s’examinant, ait à rougir des moyens qui le charment. […] Tout était faux, ou calomnie cruelle, dans ces accusations contre ce beau et infortuné génie. […] Le roi, qui ne se doutait pas de l’usage qu’on en ferait un jour, vit sans crainte cette satire contre la fausse dévotion, dont il redoutait les excès. […] dit le roi, les hypocrites permettent qu’on joue Dieu et le ciel, mais ne veulent pas qu’on les joue eux-mêmes. « Jouez-les toujours ; la fausse dévotion n’est qu’un mensonge ; les vices sont à vous. » Louis XIV, charmé du bon sens de Molière, se plaisait à l’entretenir quatre ou cinq heures tête à tête. […] Le comique du rôle d’Arnolphe ne résulte donc ni de son amour ni de son âge ; il naît tout naturellement du faux système qui l’égare et qui le fait agir sans cesse contre ses plus chers intérêts.

621. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Le pauvre diable aurait été tué dans toute la peur d’un faux sommeil, mal joué. […] Mardi 16 avril Des pagodes, des minarets, des moucharabys, tout un faux Orient en carton. […] Quant au mariage avec l’écrivain, auquel tout d’abord la grande dame russe n’était pas disposée, ce mariage avait été commandé par une grossesse de Mme Hanska, qui aurait fait à trois mois une fausse couche, et à la suite de cette fausse couche, il y eut chez la femme de nouvelles hésitations, que Balzac avait eu toutes les peines du monde à surmonter. […] Enfin un jour, elle est passée aux couleurs que l’on appelle fausses, mais aux couleurs fausses fabriquées par l’Orient, à l’adorable rose turc, au délicieux mauve japonais, etc. Aujourd’hui elle a adopté les couleurs fausses, fabriquées par le Septentrion saxon, et ce sont d’épouvantables nuances que ces verts pousse de panais, ces rouges bisque d’écrevisse, ces jaunes bruns des vieux Rouen.

622. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

J’en excepte, bien entendu, Balzac, qui n’est pas plus romantique, à mon avis, qu’il n’est réaliste, dans l’acception étroite et fausse donnée aujourd’hui à ce mot, bien qu’il soit certainement, entre tous les écrivains modernes, la plus haute et peut-être la seule expression du réalisme dans son sens vrai et logique. […] Enfin, nous ferons partout et toujours la guerre aux méchants écrivains, parce que quiconque écrit mal pense faux ou ne pense point ; le style étant, en réalité, non l’agencement savant des mots, mais l’étroite connexité, l’harmonie complète de l’expression et de l’idée. […] Victor Hugo tombe dans le faux en passant le badigeon du lyrisme sur la virginité détruite de son héroïne ; et que M.  […] C’est Werther qui a été, en fait de fausse sentimentalité, le premier instituteur de notre époque. […] les faux désespérés, les mélancoliques ténébreux, les enthousiastes à froid, ont fait leur temps ; les réalistes sont venus qui ont remplacé les idéologues ; et nous prenons en pitié, aujourd’hui, ces rêveries sans but, ce perpétuel onanisme de l’âme par le cerveau.

623. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

624. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 94-98

Plein de discernement & de zele pour la gloire des Lettres, il peint avec des couleurs énergiques les ravages du faux bel-esprit & la dégradation dans laquelle il nous a précipités.

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