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392. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Il est vrai qu’il ne loue nulle part la fidélité, et que plus d’un trait lui est échappé contre les enfants : Mais un fripon d’enfant (cet âge est sans pitié)…71 Tout ce qui d’ailleurs est bon à savoir et à pratiquer en morale domestique, l’indifférence pour les faux biens, l’attachement modéré aux vrais, rien de trop72, la discrétion, l’indulgence, le prix des vrais amis, la bienfaisance, toutes ces choses sont rendues aimables dans ses fables. […] La bienséance et la médiocrité, que Plaute ignorait, s’y rencontrent partout. » Pintrel travaillait alors à une traduction des épîtres de Sénèque, vrai chef-d’œuvre, non de mot à mot, mais de français délicat, subtil, qui prend à Sénèque tout son esprit et lui laisse ses faux brillants. […] De même que dans les arts du dessin et de la scène, voire dans l’art un peu frivole de la danse, le travail seul nous donne une main sûre, un geste aisé, la grâce et la souplesse des mouvements, de même dans les ouvrages de l’esprit c’est par le travail que nous nous débarrassons des fausses impressions, de l’humeur, de la tyrannie du corps, de l’imitation, du désir de briller, de la vanité, de tout ce qui nous empêche d’être naturels. […] Ce sont deux modèles de cette sensibilité douce, sans vapeurs ni fausses grâces, propre aux gens dont le cœur est bon et l’esprit juste.

393. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Je m’inscris en faux contre votre manière d’envisager les hommes de ma classe. […] On faisait la guerre à M… (c’est lui) sur son goût pour la solitude ; il répondit : « C’est que je suis plus accoutumé à mes défauts qu’à ceux d’autrui. » Mais, en regard de ces pensées, il faudrait, pour ne pas donner de Chamfort une idée fausse, en mettre aussitôt d’énergiques, de sanglantes, d’empoisonnées, et qui, en vérité, nous semblent calomnier également la société et la nature. […]  » La plupart des maximes de Chamfort, relatives à la société, ne s’appliquent qu’au très grand monde dans lequel il vivait, à la société des grands ; et heureusement elles deviennent fausses dès que l’on considère un monde moins factice, plus voisin de la famille, et où les sentiments naturels ne sont pas abolis. C’est par rapport au très grand monde seulement que Chamfort a pu dire : « Il paraît impossible que, dans l’état actuel de la société, il y ait un seul homme qui puisse montrer le fond de son âme et les détails de son caractère, et surtout de ses faiblesses, à son meilleur ami. » C’est ce grand monde uniquement qu’il avait en vue quand il disait : « La meilleure philosophie relativement au monde est d’allier, à son égard, le sarcasme de la gaieté avec l’indulgence du mépris. » C’est pour avoir trop vécu sur ce théâtre de lutte inégale, de ruse et de vanité, qu’il a pu dire son mot fameux : « J’ai été amené là par degrés : en vivant et en voyant les hommes, il faut que le cœur se brise ou se bronze. » J’ajouterai, pour infirmer l’autorité de certaines maximes de Chamfort et pour en dénoncer le côté faux, qu’elles viennent évidemment d’un homme qui n’a jamais eu de famille, qui n’a pas été attendri par elle ni en remontant ni en descendant, qui n’a pas eu de père et qui, à son tour, n’a pas voulu l’être.

394. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Le Naturalisme historique, tout aussi faux et tout aussi plat que le Naturalisme littéraire qu’il a précédé, s’attesta en des livres comme Julien l’Apostat, de M.  […] Mettez-le, ce termite de la critique indécise qui se glisse cauteleusement entre des textes, dans la clarté diabolique de Voltaire ou dans la flamme incendiaire de Diderot, il disparaîtra comme un néant devant ces hardis affirmateurs dans le faux et dans l’exécrable, lui qui n’a affirmé qu’une fois en sa vie, et encore, c’était une négation ! […] Cela n’est pas gai… Était-ce donc bien la peine de revenir sur cette idée, qui a fait son effet une fois, et dont on a démontré, à plusieurs reprises, l’inconsistance, encore plus que le faux ? […] Renan veut expliquer Néron, et, pour cela, il appuie sur le côté de Néron qui devait le plus impressionner un homme de lettres comme lui, le côté du Trissotin énorme, du faux artiste effréné, de l’impérial cabotin, et il tombe — et nous avec lui — dans une immense caricature.

395. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Faux à son tour, mais d’une autre fausseté que celui d’Octave Feuillet, le roman polémique de George Sand, entrepris pour prouver que le catholicisme doit être définitivement vaincu et enfoncé sur toute la ligne, n’est, d’exécution, qu’un livre mou et déclamatoire. […] Louis de Camors, le faux Borgia, n’est plus que le jobard dont n’importe quelle femme sait jouer. […] Jusque-là il n’était dans son livre qu’un homme de son livre, et cela donnait à son livre une perfection de vulgarité sous élégance commune qui ne laissait rien à désirer, mais il va nous fausser son ouvrage, vrai parce qu’il n’y invente rien, et faux dès qu’il veut s’y montrer inventeur. […] C’est une figure sortie des confitures de Lolotte ou des fromages à la crème de Marie-Antoinette, et de toutes ces simplicités fausses dont les sociétés décadentes et dégoûtées d’artifices se mettent à raffoler comme d’un mensonge de plus !

396. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Hymnes du faux Orphée. […] « L’or et la boue sont confondus pendant la vie de l’artiste, et la mort les sépare », dit la Bruyère, parlant de ces faux parallèles que fait, à toutes les époques, la vue partiale et confuse des témoins du temps. […] On y verrait, avec le faux goût d’une époque tardive et d’une littérature transplantée, à quel point cette belle imagination des temps héroïques de la Grèce avait mis son empreinte sur les esprits studieux du Muséum. […] Mais n’épuisons pas ici le faux lyrisme de ces hymnes orphiques : il n’y a là qu’une curiosité pour l’histoire des opinions plutôt que pour celle de l’art.

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