Ainsi, pour exprimer le galop, fougueux, et les délices de cette course effrénée ; éperdue, au sein des fleuves, à travers ; les forêts — (c’est le Centaure vieilli qui parle et qui est censé raconter les plus chères sensations de sa jeunesse à un homme venu dans sa caverne pour l’interroger) : « L’usage de ma jeunesse, dit-il, fut rapide, et rempli d’agitation. […] qui a dit en cette prose épaisse, et riche, grassement paysanesque et roturière ; ce que Guérin a dit dans sa langue élégante et choisie, ce qu’il a exprimé de son ciseau mythologique, et fin ? […] Qui n’entend jamais rien, écoute le bruit, quel qu’il soit. » Elle ne sait pas la musique, et elle le regrette : il lui semble qu’elle aurait un moyen plus puissant et plus efficace que tout autre pour s’exprimer, pour s’épancher.
I Je voyais l’autre jour, à l’Odéon, Macbeth si bien rendu, si bien exprimé et resserré au vif par notre ami Jules Lacroix, ce mouleur habile et consciencieux du groupe sophocléen, l’Œdipe roi : j’admirais, même dans les conditions inégales où elle nous est produite, cette pièce effrayante, effarée, sauvage, pleine d’hallucinations, de secondes vues ; où l’on voit naître, grandir et marcher le crime, le remords ; où l’horreur d’un bout à l’autre plane à faire dresser les cheveux ; où le cœur humain s’ouvre à tout instant devant nous par des autopsies sanglantes ; sillonnée de mots tragiques immortels ; où le poignard, l’éclair, le spectre, sont des moyens d’habitude et devenus vraisemblables ; où la faiblesse est forte, où le héros est faible et misérable ; où tout s’enchaîne et s’entraîne, où la destinée se précipite tantôt vers la grandeur, tantôt vers l’abîme ; où l’homme est montré comme le jouet de la fatalité, une paille dans le tourbillon ; où Shakespeare nous dit son dernier mot philosophique par la bouche de son Macbeth s’écriant : « Hors d’ici, éteins-toi, flambeau rapide ! […] « Monsieur, je ne puis vous exprimer toute ma reconnaissance pour les doux présents que vous avez bien voulu me faire. […] « Je vous prie, Monsieur, de me continuer les sentiments dont vous m’honorez, et de me croire pour jamais avec la reconnaissance et l’attachement que je vous dois, etc. » Le bonhomme sent bien ce qui lui manque, et il exprime cette lacune en lui avec tant de franchise, qu’il la couvre au même instant à nos yeux ; et pourtant elle existe et ne sera pas comblée. — Enfin, une troisième lettre de lui à Garrick mérite encore d’être donnée, au moins en partie : « A Paris, le 6 juillet 1774.
Il aurait pu le critiquer, il ne le fait pas ; mais, en décrivant comme amoureusement ses tableaux, il énerve à dessein son expression, il la subtilise et l’effrange pour ainsi dire, il la rend plus diaphane ou plus miroitante que de raison ; il donne à son propre style quelques-uns de ces agréables défauts du peintre, s’inquiétant peu, pourvu qu’il les exprime, qu’on l’accuse ensuite de les partager : « M. […] Il est allé renouveler et rafraîchir cette impression à sa source, et il l’a exprimée de plus belle dans toutes ses finesses et tous ses chatoiements, lors de l’Exposition de Londres, en 1862. […] On n’a jamais exprimé avec un plus saisissant relief la poésie de la ruine et du délabrement.
. — « J’ai donc des parents, repris-je vivement avec un mouvement qui ressemblait à de la joie, mais qui dura moins de temps qu’il n’en fallut pour l’exprimer. » — Ceci est beau, beau de nature ; car, au moment même où cette joie le traverse, une angoisse cruelle a saisi l’âme d’Émile : il avait déjà provoqué Édouard, déjà le duel est réglé, c’est le lendemain malin qu’il doit se battre, et il apprend que c’est contre un frère ! […] Sa conduite, en ce dernier sens, fut des plus nobles, des plus dignes et, pour tout exprimer d’un mot, elle fut digne jusqu’au bout de l’illustre victime qu’il n’était pas allé chercher et dont il avait tout le premier essuyé le feu. Ayant vu, quelques années après, tomber également dans un duel mortel son collaborateur de La Presse, Dujarier, il prononça sur sa tombe, le 14 mars 1845, des paroles qui méritent d’être rappelées et qui témoignent d’un sentiment profond : « Si j’élève ici la voix, disait-il, ce n’est pas seulement pour exprimer de vains regrets et rendre un pieux hommage aux rares qualités que m’avaient fait reconnaître et honorer en lui des relations dont chacune était une épreuve journalière et décisive… Mais, placé entre la tombe qui est sous mes yeux et celle qui demeure ouverte et cachée dans mon cœur, je sens que j’ai un devoir impérieux à remplir, devoir trop douloureux pour n’être pas solennel !
La Décade, organe des plus purs amis de Mme Roland, s’exprimait en ces termes par la plume de Ginguené : « Dans les portraits, il y a quelquefois de la justesse, quelquefois des peintures hasardées et même fausses, et souvent une exagération soit en bien, soit en mal, qui peut mécontenter les amis de ceux que l’auteur loue, presque autant que les amis de ceux qu’elle censure. […] Mais enfin je reconnais que la doctrine exprimée par M. […] Or Rose avait jugé à propos de ne laisser que le premier hémistiche, la moitié du cri et du vœu exprimé : Nature, ouvre ton sein !