A leur tête était M. de Janzé, celui pour qui l’on créa l’expression de « petit-maître ». […] Ayant en effet changé les mœurs et l’état social, elle a produit par là même un changement correspondant dans les œuvres qui en sont l’expression. […] Je ne parle point des orateurs réduits au silence par la suppression de la tribune et des délibérations publiques ; des journalistes privés de débouchés par la suppression des journaux : des historiens, qui doivent suivre le plan qu’on leur trace, s’enthousiasmer et s’indigner à point nommé, sous peine d’être (admirable expression de l’Empereur !) […] Ils n’ont pas le loisir d’arrondir leurs périodes, de polir leurs expressions, de remettre leur ouvrage deux et trois fois sur le métier. […] On mesure la valeur d’une expression, non à sa beauté artistique, mais à son efficacité pour convaincre ou déterminer une action.
» pour me servir d’une admirable expression bourgeoise. […] Oui, les plus grands, les plus augustes, les plus puissants de notre race, — en plein siècle de lumières, pour me servir de ta suggestive expression, mon éternel ami, — seront fiers de réaliser, d’après mon désir, le rêve que je forme et que voici : L’heure viendra, d’abord, où les rois, les empereurs victorieux de l’Occident, les princes et les ducs militaires, oublieront, au fort de leurs victoires, les vieux chants de guerre de leurs pays, pour ne célébrer ces mêmes victoires immenses et terribles — (et ceci dans le cri fulgural de toutes les fanfares de leurs armées ! […] Elle atteint à son plus haut degré dans l’inspiration musicale, où la volonté individuelle est réduite au silence, tandis que s’éveille en nous la Volonté universelle, expression de la suprême unité qui est au fond des choses. […] C’est que, bien au dessus de sa concordance formelle avec son maître, le Démon de sa musique intérieure, impatient de tout lien, et enchaîné sous ces formalités, le poussait à une expression de sa force, qui, comme tous les actes de l’extraordinaire artiste, se manifestait toujours avec une étrange rudesse. Ne raconte-t-on pas que, s’étant, jeune homme, rencontré à Mozart, il quitta le piano, dans une mauvaise humeur, après, avoir joué, sur l’invitation du maître, une sonate ; et que, alors, pour se faire mieux connaître, il demanda la permission de s’abandonner à une libre fantaisie ; ce qu’il fit, nous dit-on, avec une telle expression, que Mozart émerveillé, déclara, se tournant à ses amis : « Le monde entendra parler, quelque jour, de cet homme !
Ils sont des opéras : des ouvrages essentiellement de musique, avec paroles, en forme dialoguée et concertante, et accompagnés de spectacle ; la générale ordonnance des pièces et la spéciale ordonnance de chaque scène est soumise, par principe, à l’ordonnance supérieure de formes purement musicales, airs, duos, chœurs, morceaux d’ensemble, finales ; toutes tendances dramatiques, soucis de l’expression, d’une humaine vérité, faisant ces œuvres des opéras plus dramatiques, plus expressifs, plus vrais, les laissent, encore, des opéras, des festivals de concert perfectionnés, des chefs-d’œuvre musicaux, la continuation d’Alceste, d’Euryanthe, d’énormes essais, tourmentés, des floraisons étranges miraculeusement surgies au dessus des banales forêts connues, d’indécises croissances, vagues enfantements de désir. — Tristan et la Tétralogie sont des drames littéraires, avec musique et plastique : le texte littéraire est fondamental de l’œuvre, il est le commencement, le moyen, et la fin ; la représentation scénique l’éclaire seulement, et la musique, aussi, l’éclaire, par son commentaire, sa psychique explication, prodigieuse glose à la parole et à l’acte. […] De là la réaction qui a commencé à se produire au siècle dernier : de là Rousseau : de là l’aspiration à la nature et le débordement de la sensibilité si longtemps contenue ; de là le grand essor de la musique, cette expression pure du sentiment, cette langue naturelle de l’homme ; de là enfin la révolution et la crise de la morale, ou plutôt d’une morale imaginaire et fausse. […] À la mélodie, il regagne la plus haute simplicité naturelle ; il lui rend la source où, en toute époque et toute tentative, elle se pourra renouveler et approcher au type de l’expression humaine le plus pur et le plus riche. […] Si nous considérons, dans son impression totale la plus profonde, le monde si complexe des formes créées par Shakespeare, avec l’extraordinaire relief des caractères que ce monde contient et qui s’y meuvent ; puis si nous comparons à ce monde le monde, également complexe, des motifs de Beethoven, avec leur expression si poignante et leur extraordinaire précision ; nous sentirons, alors, que chacun de ces mondes recouvre l’autre, entièrement, de telle sorte que nous verrons chacun d’eux contenu dans l’autre, bien qu’ils paraissent se mouvoir en des sphères absolument différentes. […] Maintenant, si nous suivons avec attention la direction et le développement de ces motifs dans leur opposition mutuelle et dans leur caractère musical ; si nous laissons agir sur nous, pleinement, les détails purement musicaux constitués par les rapprochements, les séparations et les élévations de ces deux motifs ; nous suivrons, en même temps, un drame qui, dans son expression propre, contient tout ce que l’œuvre du dramaturge a pu nous donner seulement par le moyen d’une action complexe, et l’addition de personnages moins importants.
Sans cesse, en des phrases où l’on ne peut noter les expressions cherchées et acquises, il s’efforce de dire chaque chose en une langue qui l’enserre et la contient comme un contour une figure. […] Par suite de l’une des propriétés de la langue de Flaubert, de n’employer par idée qu’une expression, un seul vocable représente chaque fonction grammaticale et s’unit aux autres selon ses rapports, sans appositions, sans membres de phrase intercalaires, sans ajouture même soudée par un qui ou une conjonction. […] Sans cesse, dans les plus vulgaires pages, la beauté de l’expression conçue en termes nets, simplement liés, semble proférer une note lyrique plus haute que les choses dites. […] Quand je découvre une mauvaise assonance ou une répétition dans une de mes phrases, je suis sûr que je patauge dans le faux ; à force de chercher, je trouve l’expression juste qui était la seule et qui est, en même temps, l’harmonieuse. » (Ib. […] Que l’on rapproche de cette réflexion, le désacord fréquent noté plus haut entre l’expression et l’exprimé, notamment dans les réalistes où les mots sont sans cesse au-dessus des choses ; enfin que l’on tienne compte de ce fait extraordinaire que Flaubert à écrit les œuvres les plus diverses avec le même style, que sa Lettre à la municipalité de Rouen est conçue comme le discours de Hanon dans le temple de Moloch, qfle Frédéric Moreau parle de Mme Arnoux comme saint Antoine d’Ammonaria ; il paraîtra évident qu’en Flaubert, au-dessus de la division fondamentale de son esprit également sollicité par le beau et par le réel, une tendance supérieure et unique existait, celle d’assembler en une certaine forme de phrase, certaines catégories de mots.
Les romans de Mlle Scudéri avaient achevé de gâter le goût : il régnait dans la plupart des conversations un mélange de galanterie guindée, de sentiments romanesques et d’expressions bizarres, qui composaient un jargon nouveau, inintelligible et admiré. […] Il y a des expressions qui ont vieilli. […] On se révolta généralement contre quelques expressions qui paraissent indignes de Molière ; on désapprouva le corbillon, la tarte à la crème, les enfants faits par l’oreille. […] On trouve aussi à la vérité, dans L’Avare de Molière quelques expressions grossières comme : Je sais l’art de traire les hommes ; et quelques mauvaises plaisanteries comme : Je marierais, si je l’avais entrepris, le Grand Turc et la république de Venise. […] On peut hardiment avancer, que les discours de Cléante, dans lesquels la vertu vraie et éclairée est opposée à la dévotion imbécile d’Orgon, sont, à quelques expressions près, le plus fort et le plus élégant sermon que nous ayons en notre langue ; et c’est peut-être ce qui révolta davantage ceux qui parlaient moins bien dans la chaire, que Molière au théâtre.