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441. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Quand une langue a un mélange heureux d’expressions douces et d’expressions sonores, il en devient plus facile de composer dans cette langue des phrases harmonieuses. […] Il y introduit Horace, qui veut parler français, et, qui pis est, faire des vers en cette langue, et qui se fait siffler par le ridicule des expressions dont il se sert sans pouvoir le sentir. […] On dira peut-être qu’il doit avoir soin de n’employer aucune expression, aucune phrase de cet auteur, qui ne soit autorisée par d’autres bons écrivains ; en ce cas, et par cette raison même, il est évident que Térence ne saurait lui servir de modèle. […] Cicéron a écrit dans bien des genres, et ces genres demandaient des styles différents ; il a écrit des dialogues qui pouvaient permettre des expressions familières ou moins relevées que les harangues ; il a écrit surtout un grand nombre de lettres, où certainement il a employé bien des tours de conversation, que le style grave et soutenu n’aurait pas permis ; que faudrait-il penser d’un écrivain qui risquerait ces mêmes phrases dans un discours sérieux ?

442. (1883) Le roman naturaliste

Malot en sont aujourd’hui la plus fidèle expression. […] Zola, selon l’expression dont il a lui-même enrichi la langue, sont un morceau de rue. […] C’est à l’expression des idées générales que l’on attend et que l’on juge l’écrivain. […] Agir en roi, parler en médecin, ces expressions ont du sens, un sens plein et déterminé. […] » que voulez-vous que madame Homais comprenne à cette expression ?

443. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Daunou écrivain va droit à Fléchier par goût, comme il est allé à Boileau ; ils représentent à la fois pour lui le double modèle littéraire de ce judicieux et de cet ingénieux qu’il aime dans la pensée et dans l’expression. […]  » Le style de Daunou, en cette occasion solennelle, ne se borne pas à être exact, pressé et châtié, ce qu’il est toujours ; il s’élève, se dilate par instants, revêt des expressions plus hardies et même pittoresques, qu’il ne retrouvera jamais. […] On noterait d’autres modes d’expressions concises, bien frappées, et qui lui sont restées plus familières ; ainsi : « Je ne puis, disait-il, attacher aucun sens à ces mots pouvoir révolutionnaire, et la Convention ne saurait prendre, à mon avis, une idée plus fausse et plus égarante de son caractère et de sa puissance. » Et en parlant de Louis XVI, par manière de concession : « Je dirais (si j’écrivais son histoire) qu’il combattit la révolution selon l’oblique et expectante malice de son cœur. » La concession peut sembler un peu forte, mais l’expression, l’alliance de mots est énergique et neuve. […] L’invention en toute chose ne le frappait point assez ; il ne lui donnait jamais le pas décisif sur l’ordre et sur l’expression. […] Taillandier suppose (page 224 de son Écrit)que j’ai fait une confusion entre les opinions. de Daunou et celles de Rulhière ; que j’ai pris pour l’expression des sentiments de Daunou ce qui n’était sous sa plume qu’une analyse de ceux de Rulhière.

444. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

L’industrie a pour objet notre action sur la vie qui est en dehors de nous et que nous ne sentons pas, tandis que l’art est l’expression de la vie qui est en nous. […] Mais l’art est l’expression de sa propre vie, ou, mieux encore, sa-vie elle-même se réalisant, se communiquant aux autres hommes, et faisant effort pour s’éterniser. […] Le premier mode d’expression est, comme nous venons de le dire, le langage abstrait, qui n’exclut ni l’éloquence, ni même le sublime. Le second mode d’expression, c’est la poésie. […] Car de ces vibrations harmoniques des diverses régions de l’âme il résulte un accord, et cet accord c’est la vie ; et quand cet accord est exprimé, c’est l’art ; or, cet accord exprimé, c’est le symbole ; et la forme de son expression, c’est le rythmeb, qui participe lui-même du symbole : voilà pourquoi l’art est l’expression de la vie, le retentissement de la vie, et la vie elle-même.

445. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Il n’y a pas encore de mots pour les nuances, ce qui paraît moins tenir à la simplicité relative des esprits en ce temps-là, qu’à une répugnance d’instinct pour tout ce qui n’est pas l’expression précise et générale, soit d’un fait, soit d’un sentiment. […] Autant la langue y est vive, claire, le tour franc et rapide, autant, dans les ouvrages de morale et de théologie, les expressions sont languissantes et obscures, les tours équivoques et traînants. […] De là cette franchise de langage, ce cours naturel de son style, selon l’expression si juste de M.  […] On trouve, dans le prologue du livre quatrième, une expression qui aurait dû désarmer la critique. […] Si ce style manque de nerf, s’il n’est pas marqué de ces expressions de génie qui sont comme des pas que fait la langue vers sa perfection, c’est que la source unique de ces expressions est la raison découvrant les vérités générales, et se servant de l’imagination et de la sensibilité pour en donner des images qui demeurent.

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