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214. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Un poète serait insensé qui voudrait refaire, dans les conditions spéciales et avec les ressources de son art, le tableau général que M. de Humboldt nous a tracé du cosmos, plus insensé encore s’il prétendait soit reproduire dans la langue des vers les expériences du laboratoire ou les lois de l’optique et de l’électricité, soit nous donner une exposition complète et précise des principes de l’astronomie. […] Mais est-ce là tout, et en dehors du détail des expériences et de la formule précise, qui échappent au poète, n’y a-t-il pas pour lui, au contact de la science, bien des sources profondes et neuves d’inspiration ? […] Qu’y a-t-il de plus propre à remuer l’âme d’un poète, à exciter son imagination, à le tirer hors des réalités plates et vulgaires, que la contemplation raisonnée du cosmos à travers les écrits ou les entretiens des savants, l’idée toujours grandissante de l’univers qui va de plus en plus s’étendant, à mesure que les instruments d’observation deviennent plus forts ou plus délicats et que l’expérience, aidée du calcul, recule dans tous les sens les bornes de l’espace ou de la vie ? […] Ni l’expérience externe ni l’expérience interne, nos seules lumières, ne sont en état de résoudre le problème de la substance ; il leur est donc impossible d’en attester la division et la pluralité. […] L’expérience de ce poème n’est pas concluante.

215. (1890) Dramaturges et romanciers

Quelques-unes de ces expériences sont très curieuses ; ce ne sont pourtant que des expériences. […] L’expérience n’en a-t-elle pas été faite d’ailleurs ? […] Victor Cherbuliez a fait cette expérience à son très grand profit. […] C’est ici, nous semble-t-il, que le prêtre à l’expérience plus mondaine raillé par M.  […] comme son expérience du vice est habile à le démasquer !

216. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Ils confirment l’expérience et la sagesse de ceux qui savent ; ils ne peuvent rien enseigner à celui qui ne sait pas. […] Cependant, en dépit de son heureuse expérience, la ligne de démarcation lui paraît tranchée de telle sorte qu’il est dangereux de la franchir. […] Elle n’avoue pas explicitement, mais elle admet tacitement que l’expérience pervertit l’homme au lieu de le corriger. […] Certes, ceux-là ne représentent pas le dégoût de la vie, le désenchantement et le désespoir ; leur expérience n’a rien d’amer, leur sagesse n’a rien de triste. […] J’imagine qu’il l’estimerait sage de mettre à profit une si cruelle expérience ; ainsi pense Faust, qui, sachant à quoi s’en tenir désormais sur la valeur des passions, se sert de l’expérience acquise pour s’élever d’un degré de plus dans l’idéal.

217. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Lui, de son côté, il y trouvait son compte en expérience continuelle, en observation naïve. […] Je ne sais qui a dit que l’expérience dans certains esprits ressemble à l’eau amassée d’une citerne : elle ne tarde pas à se corrompre. Pour Topffer, l’expérience ressemblait plutôt à une source courante et sans cesse variée sous le soleil.

218. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Presque tous ceux de nos écrivains qui ont « professé » sur l’amour ont tenu principalement à montrer qu’ils n’étaient pas dupes de la femme et qu’ils étaient munis de la plus féroce expérience ; qu’ils étaient capables des plus subtiles et défiantes analyses, et qu’ils n’étaient pas incapables eux-mêmes de perversité. […] Et l’une de ses grandes joies a été d’apprendre, par des expériences de Bouchardat, que, contrairement au préjugé de l’Église et du moyen âge, le sang féminin dont les mouvements composent ce rythme harmonieux est un sang parfaitement pur. […] Ces préceptes, qui excluent l’union libre, le divorce, l’émancipation de la femme, toute théorie un peu aventureuse, et qui impliquent les croyances les plus délibérément spiritualistes ; ces préceptes si sensés d’un historien éclairé par l’expérience des âges, affectent la forme la plus maladive, la plus nerveuse, la plus haletante et trépidante.

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