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144. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Aucun esprit ferme, au nom de l’école de Hume et de Voltaire, au nom de celle de l’expérience et du bon sens, au nom de l’humilité humaine, n’est venu lui dérouler les objections qui n’auraient rien diminué de ses mérites vigoureux de penseur et d’ordonnateur, qui auraient laissé subsister bien des portions positives de son œuvre, mais qui auraient fait naître quelques doutes sur le fond de sa prétention exorbitante. […] On met le marché à la main à l’expérience. […] Il faut voir comme, au nom de cette prétendue expérience historique qui n’est plus que de la logique, chacun s’arroge avec présomption le présent et revendique comme sien l’avenir. […] Voilà la seule philosophie pratique de l’histoire : rien d’absolu, une expérience toujours remise en question, et l’imprévu se cachant dans les ressemblances. […] Du moins une expérience tout à fait consommée devrait en garantir, ce semble.

145. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

II Mais si la valeur n’est pas dans les choses, si elle ne tient pas essentiellement à quelque caractère de la réalité empirique, ne s’ensuit-il pas qu’elle a sa source en dehors du donné et de l’expérience ? […] On accorde à l’homme une faculté sui generis de dépasser l’expérience, de se représenter autre chose que ce qui est, en un mot de poser des idéaux. […] Mais il y a surtout un ordre de valeurs qui ne sauraient être détachées de l’expérience sans perdre toute signification : ce sont les valeurs économiques. […] Pour comprendre comment des jugements de valeur sont possibles, il ne suffit pas de postuler un certain nombre d’idéaux ; il faut en rendre compte, il faut faire voir d’où ils viennent, comment ils se relient à l’expérience tout en la dépassant et en quoi consiste leur objectivité. […] Son expérience personnelle peut bien lui permettre de distinguer des fins à venir et désirables et d’autres qui sont déjà réalisées.

146. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Il a fait des mathématiques, il a fait de la physique, il a fait de l’histoire naturelle, il connaît les plus récentes hypothèses, les expériences les plus suggestives des sciences qui actuellement se constituent et s’étendent. […] Non : car d’abord, chez Diderot, le choc n’est pas une émotion quelconque, un fait de son expérience, c’est le choc d’une pensée qui a essayé de se traduire par la parole ou l’art ; puis le détachement de la cause extérieure et de sa pensée interne ne se fait pas ; son œuvre, si vaste qu’elle soit, reste, si je puis dire, épinglée en marge du livre d’autrui ; Diderot est un étourdissant commentateur, plus intéressant souvent que son texte. […] — Assurément. — Et que, dans un âge plus avancé, l’expérience nous ait convaincus qu’à tout prendre, il vaut mieux, pour son bonheur dans ce monde, être un honnête homme qu’un coquin541 ? » Instinct, éducation, expérience : voilà qui suffit pour la morale.

147. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Fouquier, par les préoccupations dont ils portent souvent la trace, par la profondeur et la subtilité de l’expérience dont ils témoignent, laissent entrevoir derrière cette vie de grand laborieux une autre vie non moins remplie, une vie de grand épicurien. […] La raison, en présidant aux ébats du cœur et des sens, les garde de tout mal et leur permet de varier leurs aimables expériences. […] Il est impossible d’apporter à l’étude de ces questions plus de raison, de délicatesse et d’esprit, ni une expérience plus consommée et un plus grand amour de son sujet. […] Une pervenche intacte fleurit au cœur éternellement jeune de ce Parisien cuirassé d’expérience, durci au feu de la vie de Paris.

148. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Toujours en quête d’expériences, préoccupé avant tout d’être complet, il éclaire de ses remarques fines et ingénieuses un grand nombre de faits curieux ou vulgaires que la métaphysique, perdue dans ses hauteurs, ne semblait pas même voir. […] Les modifications diverses de l’action musculaire nous font connaître trois choses : d’abord la résistance qui est l’expérience fondamentale ; ensuite la continuation de l’effort, accompagné de mouvement ou non ; enfin la rapidité de la contraction du muscle qui correspond à la vitesse du mouvement dans l’organe. […] Weber l’a montré par l’expérience. […] Remarquons d’abord les mouvements associés entre eux antérieurement à toute expérience et à toute volition.

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