C’est de l’esprit humain agissant et organisé ; et l’esprit humain comprend ici et ne comprend pas là, protège ici et là sacrifie, a des entrailles un jour et n’en a pas le lendemain ! […] Logogriphe terrible pour un tas d’esprits bas ! A ce point de vue, pour les esprits, pour les rares esprits qui y comprendront quelque chose, rien de si beau et de si navrant que ce livre… depuis Pascal ! […] Le désespoir d’esprit d’Alfred de Vigny ne glace pas dans son âme la sensibilité chrétienne, qui y subsiste, immortelle toujours, quoique le chrétien n’y soit plus ! […] L’esprit du poète des Destinées dompte, de sa raison et de son désespoir, ces deux pesanteurs froides et terribles, son âme qui résiste, mais qui, enfin, reste domptée !
Ils ont tant d’esprit qu’ils n’ont que rarement trop de sentimentalité. […] Esprit critique avant tout, Strachey s’est constitué l’historien d’une époque où se produisit une éclipse quasi-totale de cet esprit, et son œuvre vient parfaire nos inductions à cet égard. […] S’il demeure par définition et demeurera toujours « l’homme de l’esprit » — celui dont naguère sous le couvert du nom de Léonard de Vinci il traçait la figure idéale, — l’esprit chez lui ne souffre jamais de n’être pas équilibré par un corps, faute de quoi il s’estimerait diminué en tant qu’esprit. […] Et parce que l’esprit flotte, son corps est toujours prêt à se laisser couler. […] Strachey est à tous égards un amateur exquis des lettres et de l’esprit français.
Dans ces premiers temps où l’esprit de discussion se relevait des coups portés par la police de Louis XIV, le fils de son inexorable lieutenant, du destructeur de Port-Royal et de l’adversaire des parlements, ne fut pas le seul à ressentir de sages besoins de réforme et à désirer y satisfaire. […] Les membres se dispersèrent avec douleur ; beaucoup d’esprits furent découragés, beaucoup de projets demeurèrent imparfaits ; seul peut-être, le bon abbé de Saint-Pierre s’obstina à espérer toujours et à se faire persécuter encore. […] Mais, d’un esprit moins profond, d’une âme moins forte que son frère, s’il appartient davantage à l’histoire politique du temps, il n’appartient que peu ou point à l’histoire morale et littéraire ; je reviens donc au premier. […] Qu’il nous peigne Sully et ses Mémoires, Retz et les siens, MM. de Vendôme et la cour du Temple, qu’il compare entre eux, comme gens de lettres et du monde, Fontenelle, Hénault et Montesquieu, tous trois vivants et le dernier n’ayant pas produit l’Esprit des lois, qu’il juge Voltaire dès 1736, et Rousseau dès 1755, toujours sa façon est la même ; c’est le jugement qui le mène à l’esprit ; il ne s’y élève pas, mais y semble porté, et pour ainsi dire y descend. […] Il avait pour maxime de ne juger des ouvrages d’esprit, surtout au théâtre, que par ses impressions.
Quels furent ses mœurs, son esprit, son langage dans la période de 1660 à 1670 ? quel empire exercèrent sur elle les mœurs de la cour, l’esprit et le langage des hommes de lettres alliés de la cour ; ou quel empire exercèrent-elles sur ces mœurs, cet esprit et ce langage ? […] Par cela seul qu’elles en détournaient leur attention, elles en éloignaient les esprits bien faits, comme aujourd’hui le dégoût du public pour les abominables farces, qu’on appelle le théâtre moderne, en amène sensiblement la chute et l’oubli. […] Elle partagea avec Molière l’honneur de faire tomber les affectations et tous les ridicules de la préciosité ; triomphe qui ne fut ni long ni difficile à obtenir ; car les précieuses avaient commencé en 1651, et, Boileau disait déjà, en 1677, en parlant d’une précieuse : reste de ces esprits jadis si renommés, que Molière a diffamés. […] Madame de La Fayette racontait plaisamment à madame de Sévigné qu’on discourut tout une après-dînée chez Gourville, sur les personnes qui ont le goût au-dessus ou au-dessous de leur esprit.
DIDEROT, [Denis] de l’Académie de Berlin, né à Langres en 1714, Auteur plus prôné que savant, plus savant qu’homme d’esprit, plus homme d’esprit qu’homme de génie ; Ecrivain incorrect, Traducteur infidele, Métaphysicien hardi, Moraliste dangereux, mauvais Géometre, Physicien médiocre, Philosophe enthousiaste, Littérateur enfin qui a fait beaucoup d’Ouvrages, sans qu’on puisse dire que nous ayons de lui un bon Livre. […] Il ne faut pas croire au reste, que cette obscurité vienne du fond des matieres ; un esprit sage ne doit pas les traiter, quand il n’est pas capable de les éclaircir, & l’esprit net & méthodique sait rendre tout sensible : c’est ainsi que Bacon, Mallebranche, l’Auteur des Mondes, M. l’Abbé Condillac, ont trouvé moyen de mettre leurs idées à la portée de tout lecteur. […] Diderot dans les esprits frivoles de la Nation, & dans les esprits trop crédules des Etrangers. […] Ignorent-ils que les siecles de Périclès, d’Auguste, de Léon X, n’ont cessé d’être les beaux siecles de la Littérure & de la saine raison, que quand l’esprit philosophique a commencé à égarer & à abrutir les autres genres d’esprit ?