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265. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

A mesure donc que le tumulte des souvenirs, qui redouble pour d’autres, s’éclaircit pour moi et s’apaise, je me replie de plus en plus vers ces figures nobles, humaines, d’une belle proportion morale, qui s’arrêtèrent toutes ensemble, dans un instinct sublime et avec un cri miséricordieux, au bord du fleuve de sang, et qui, par leurs erreurs, par leurs illusions sincères, par ces tendresses mêmes de la jeunesse que leurs farouches ennemis leur imputaient à corruption et qui ne sont que des faiblesses d’honnêtes gens, enfin aussi par le petit nombre de vérités immortelles qu’ils confessèrent, intéressent tout ce qui porte un cœur et attachent naturellement la pensée qui s’élève sans sophisme à la recherche du bonheur des hommes. […] Méconnaissant donc tout à fait le rôle de plus en plus difficile des hommes sincères de 89, ne voyant dès lors dans l’opposition patriotique et les Constituants qu’amis et ennemis du peuple en présence, et persuadée que là aussi on n’avait rien à emporter que de haute lutte, son point de départ, pour sa conduite politique active, fut une grave erreur de fait, une fausse vue de la situation. […] Mme Roland, quinze jours avant sa mort, rétractait sans aucun doute ses anciennes âcretés contre La Fayette, en justifiant dans les termes suivants, Brissot, accusé par Amar de complicité avec le général : « Il avait partagé l’erreur de beaucoup de gens sur le compte de La Fayette ; ou plutôt il paraît que La Fayette, d’abord entraîné par des principes que son esprit adoptait, n’eut pas la force de caractère nécessaire pour les soutenir quand la lutte devint difficile, ou que peut-être, effrayé des suites d’un trop grand ascendant du peuple, il jugea prudent d’établir une sorte de balance. » Ces diverses suppositions sont évidemment des degrés par lesquels Mme Roland revient, redescend le plus doucement qu’elle peut de son injustice première. […] Mme Roland pressentait et ruinait d’avance ces justifications futures, quand elle lui écrivait de sa prison : « Fais maintenant de beaux écrits, explique en philosophe les causes des événements, les passions, les erreurs qui les ont accompagnés ; la postérité dira toujours : Il fortifia le parti qui avilit la représentation nationale, etc. » Quant à Brissot, nous adoptons tout à fait le jugement de Mme Roland sur lui, sur son honnêteté profonde et son désintéressement ; nous le disons, parce qu’il nous a été douloureux et amer de voir les auteurs d’une Histoire de la Révolution qui mérite de s’accréditer, auteurs consciencieux et savants, mais systématiques, reproduire comme incontestables des imputations odieuses contre la probité du chef de la Gironde.

266. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

On croit entendre dans ces passages le poète romain Lucrèce ou quelque austère épicurien de l’ancienne Rome, déplorant mélancoliquement, du haut de sa morne sagesse, les erreurs des humains égarés hors de la voie31. […] Son erreur, à lui, comme celle de presque tous les solitaires, si puissants qu’ils soient, est de croire qu’une réformation radicale est possible, et que le genre humain, ne fût-ce que dans son élite, peut obéir une fois pour toutes à la raison. […] Croire que le peuple aime moins la parole dorée que le beau monde ne l’aime, est une erreur. […] Il les compare à des pièces de musique qui manquent de l’unité de mélodie : « Les gens de lettres ressemblent trop à la musique sans unité. » Pour lui, dans toute cette première partie de sa vie, et quand on le surprend comme je l’ai pu faire, grâce à cette masse de témoignages de sa main, dans l’intimité de sa méditation et de son intelligence, on le reconnaît et on le salue tout d’abord (indépendamment de ses erreurs) un grand harmoniste social, un esprit qui a sincèrement le désir d’améliorer l’humanité et d’en perfectionner le régime ; qui a en lui, sinon l’amour qui tient à l’âme et aux entrailles, du moins le haut et sévère enthousiasme qui brille au front de l’artiste philosophe pour la grande architecture politique et morale.

267. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

J’ai de la peine à me faire à cette méthode qui consiste à toujours précipiter les gens dans l’erreur, et à les y plonger de plus en plus, même quand ils essayent d’en échapper. Est-il donc si avantageux d’exagérer l’erreur, d’élargir l’abîme qui sépare les hommes ? […] Cette confiance absolue peut donc se rencontrer avec l’erreur, et n’est point par conséquent un signe de vérité. […] D’une part, la certitude de la foi n’est pas incompatible avec l’erreur, comme le prouve l’exemple des fausses religions.

268. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

C’est une erreur. […] L’erreur  je n’ai pas besoin de l’indiquer, n’est-ce pas   l’erreur consiste à avoir cru constater de la solidarité entre les animaux de différentes espèces, ce qui est faux. […] Est-elle une véritable supériorité, et n’y a-t-il pas eu plutôt une erreur de notre part à avoir continué, au lieu de nous être arrêtés à un certain point ?

269. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 111-112

En ce cas, ses erreurs doivent être regardées comme involontaires & comme une suite presque inévitable de la démangeaison de tout approfondir & de tout commenter en matiere de Foi.

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