/ 3159
485. (1904) En méthode à l’œuvre

Devoir le seul à des époques où l’animalité sensitive et sentimentale s’émerveilla d’exprimer son âme mélodique, où sur les sommets païens les divinités s’entendaient des passions et des émotions humaines les plastiques et lumineuses Apparences, — tandis que la noire et violâtre volupté de la douleur s’était étendue sous l’envergure morte de l’Homme-dieu en la vallée des larmes, — quand l’Amour qu’il apportait, lui-même entraînait le poids de la douleur et du renoncement. […] Que l’on admette selon les grammaires usuelles, que les lettres-consonnes n’aient point de son par elles-mêmes, ou que l’on veuille entendre selon moi qu’elles représentent une sorte de préparation à valeur primitive, des organes de la voix saisis par l’instinct et la sensation pour parvenir à l’articulation pure des voyelles, — et qu’elles soient donc inséparables d’elles pour ce que, elles aussi, à degrés moindres, sonnent ou consonnent en devenir de timbres-vocaux : il sied de leur reconnaître, stridantes, explosives, martelantes, percutantes, pénétrantes et stridentes, des qualités spéciales de « Bruits ». […] Cette image est le mot. » Et, — c’est aux poésies de l’Inde pourtant, encore ainsi qu’aux sources de tout Émoi, que nous remonterons pour avoir, non plus d’hésitants et partiellement entendus et presque étonnés avisements qui ne paraissent venus que d’elles, mais la mise en œuvre, en un art supérieur aux secrètes et intenses Beautés, où, — correspondance des sons et des idées, un sens adventice suggéré en sonorités appropriées, vient en prolongement du sens des mots précisément exprimé. […] Or, il n’en est pas ainsi : pareilles divisions qui n’ont de valeur que quantitative, sont pour moi de seuls signes numéraux qui ne prennent vie, en valeurs des Idées et des timbres idéalement instrumentaux qu’elles ont élus, qu’en devenant l’évoluant dessin du Rythme… Qu’entendons-nous par Rythme ? […] Avant l’Œuvre Or, à notre passé poétique dont allèrent leur devoir les Poètes, de qui l’âme d’Occident n’avait entendu le grand sens secret aux Livres des peuples sur qui le soleil se lève plus tôt, et qui n’entendirent pas qu’en avère les intuitions prodigieuses notre moderne Science : notre gratitude soit, tenter le nouveau devoir dont nous sommes instruit.

486. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Des recherches étaient faites, et le marteau existait vraiment, mais à sept ou huit maisons de là, et à une distance, où il paraissait impossible qu’on pût l’entendre. […] Et quand Ebner sort : « N’est-ce pas, c’est bien entendu, les deux lettres seront portées ce soir ?  […] Le fils aîné de Daudet avait entendu jeudi, à travers la porte, son père me dire qu’il avait envoyé des témoins à Delpit. […] Il est impossible de mieux faire valoir, de mieux monter en épingle la valeur des mots, et quand on entend cela, c’est comme un coup de fouet, donné à ce qu’il y a de littéraire en vous. […] * * * — Dans un dîner chez Girardin, Gladstone laissait entendre, que le parti conservateur en France était le plus bête des partis conservateurs du monde entier.

487. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Vous voudrez bien m’excuser, Monsieur, si, dans mes révélations, je me trouve obligé de dire avec franchise ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu. […] Les comédiens d’ailleurs m’auraient-ils entendu, eux qui ont eu la sottise de prendre pour un succès l’empressement d’un public curieux de voir une fois, une seule fois, ce qui est monstrueux, ridicule et bizarre ? […] Au reste, elle ne m’étonne pas ; j’ai bien entendu crier auprès de moi : Mort à l’Institut ! […] Pour prévenir une cabale classique qui n’existait pas, on fit paraître un pamphlet dans lequel on prétendait que les auteurs (perruques) s’entendaient avec la police pour faire tomber Hernani. […] Ce mépris de ce grand homme est si bien répandu parmi les sectaires du romantisme, que j’ai entendu leur chef dire devant moi que Voltaire n’avait pas fait dix bons vers dans sa vie.

488. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Il y a tout un petit poème  bien entendu comique  dans ce conte. […] Tous ces textes sont susceptibles de cette interprétation difficultueuse et un peu tirée, et il n’y a pas un texte où il soit exprimé formellement que La Fontaine a été exilé ; bien entendu, car s’il y avait un seul texte formel il n’y aurait pas de discussion. […] Aucun terme savant, bien entendu, quand il écrit à sa femme, et il l’a prévenue à cet égard. […] Cependant, cette personne m’entendit sans beaucoup de peine : les fleurettes s’entendent par tout pays, et ont cela de commode qu’elles portent avec elles leur truchement. […] Moraliste, il l’est, il s’entend à faire l’analyse d’un travers, d’un ridicule, d’un défaut.

489. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Vauvenargues fait bonne défense et, sans d’abord se découvrir, il accepte en partie le rôle qu’on lui fait, il l’explique et s’en excuse : Je ne veux pas vous faire entendre que je me suffise à moi-même, et que toujours le présent remplisse le vide de mon cœur ; j’éprouve aussi, souvent et vivement, cette inquiétude qui est la source des passions. […] Il est vrai qu’on se fait une réputation et qu’elle impose au grand nombre, mais c’est l’acheter chèrement, et il est encore plus pénible de la soutenir ; et, quand il n’y aurait d’autre désagrément que de lire tous les mauvais livres qui s’impriment, afin d’en pouvoir raisonner, et d’entendre tous les jours de sottes discussions, ce serait encore trop pour moi… Il me serait fort agréable d’avoir de la réputation, si elle venait me chercher ; mais il est trop fatigant de courir après elle, et trop peu flatteur de l’atteindre, lorsqu’elle coûte tant de soins. […] Je ne sème point ici de louanges, c’est la vérité qui parle ; des gens du meilleur goût, ayant vu vos premières lettres, m’obligent à leur envoyer toutes celles que je reçois de vous, et je les ai entendus s’écrier, quand je leur ai dit que vous n’aviez pas vingt-cinq ans : Ah ! […] Je suis bien loin d’être raisonnable ; depuis deux ans je n’ai pas lu un quart d’heure tous les jours, j’entends un jour portant l’autre. […] Il faut entendre de quel ton, et voir avec quelle noblesse de geste il le dit : J’en ai écrit à ma mère comme je le pensais ; elle m’a répondu que j’étais trop ardent, et je lui ai dit qu’elle était trop sage.

/ 3159