Le peuple entendit, admira, applaudit, mais n’accorda rien qu’à sa rage. […] Son Ode à Horace égale son modèle et rend à Laurent l’honneur de cette résurrection : « Poëte dont les accents sont plus doux que ceux du chantre de la Thrace ; soit qu’épris d’admiration, les fleuves impétueux suspendent leur course pour t’entendre ; soit que tu veuilles, par le charme de tes accords, adoucir la férocité des hôtes des bois, ou attendrir les rochers mêmes qui leur servent d’asile ; « Rival heureux des poëtes de l’Eolie, toi qui le premier sus tirer des sons harmonieux de la lyre latine, dont le vers audacieux et sévère imprima l’opprobre et la honte sur le front coupable des pervers, « Quelle main propice a rompu tes indignes entraves, et, dissipant le nuage épais et sombre où t’avaient enseveli des siècles de barbarie, te rend aux danses légères paré de toutes tes grâces, et brillant d’une jeunesse nouvelle ? […] À dire le vrai, c’est l’état où je suis dans tous les moments, et rien de ce que je puis voir, entendre, ou faire, n’a le pouvoir de dissiper la sombre tristesse que m’inspire la pensée des maux qui nous affligent ; que je dorme ou que je veille, elle est incessamment présente à mon esprit. […] Il alla l’entendre et affecta de l’écouter avec respect.
Eloquence, art de dire ce qui doit être dit, de persuader ce qu’il faut faire ou ce qu’il faut croire ; ainsi l’entendait tout le monde. […] Vous entendez bien par là notre M. de Malherbe, et savez bien qu’en qualité de premier grammairien de France, il prétend que tout ce qui parle soit sous sa juridiction, comme il est cause en effet qu’on parle plus régulièrement qu’on ne faisait, et moins au hasard et à l’aventure4. » La déclaration n’est point suspecte : c’est à la forte discipline de Malherbe que nous devons la double réforme de la poésie et de la prose. […] Il n’entend pas, d’ailleurs, lui ôter la louange d’avoir « un peu de capacité, et quelque chose de bon et de relevé dans ses discours. » Mais pour cette réputation d’unique éloquent, d’empereur des orateurs, qu’on fait à Narcisse, « comment, dit naïvement Goulu, lui pourrait appartenir le titre d’orateur, vu qu’il n’a jamais parlé en public ? […] C’était, à les entendre, la philosophie des rois.
Il l’entendait non seulement des libertés que celui-ci prend avec la césure en la transportant à tous les pieds du vers, mais de cette diversité des mètres par laquelle le vers s’adapte à toutes les allures de la pensée, et se moule en quelque sorte sur chaque sujet. […] Nous sommes meilleurs juges que La Fontaine de la politique qui révoqua l’édit de Nantes, mais nous n’entendons pas mieux que lui le rôle qui sied à notre pays. […] C’est au plus fort de son goût pour Voiture que son ami Maucroix et Pintrel son parent, tous deux de Reims, où sont « charmants objets en abondance », Par ce point-là je n’entends, quant à moi, Tours ni portaulx, mais gentilles Galloises80, lui montrèrent les anciens. […] Enfin, averti que c’était au genre même qu’on en voulait, et que plus il était conforme aux préceptes d’Horace, moins il plaisait à M. le prévôt de Paris91, il entendit le reproche, et il y fit cette réponse qui absout ses intentions : « La gaieté des contes, dit-il, fait moins d’impression sur les âmes que la douce mélancolie des romans les plus chastes. » Je craindrais bien plutôt que la cajolerie Ne mît le feu dans la maison.
Depuis vingt-cinq ans, tous les théâtres d’Allemagne donnent Lohengrin, et toujours il attire foule ; à Londres, depuis 1875, il en est de même ; on ne l’a pas moins applaudi en Italie, en Espagne, en Portugal, en Bohême, en Hongrie, en Russie, en Suède, en Danemark, en Amérique, en Australie (Kastner, Wagner-Kalender), en un mot partout, excepté à Paris où jusqu’ici on n’a pas eu l’occasion de l’entendre. […] De même qu’il veut que le récitatif ait « une signification rythmique et mélodique et se relie d’une façon insensible à l’édifice plus vaste de la mélodie proprement dite », de même qu’il entend que la musique dramatique forme « un tout vaste et continu, empreint d’un style égal et pur », de même il s’efforce de ne point distinguer entre le chant et l’accompagnement, de ne pas avoir des formules spéciales pour l’un et des formules spéciales pour l’autre, et de les fondre ensemble de telle sorte que l’orchestre soit relevé « de la position subalterne » où il était réduit à jouer le rôle d’« une monstrueuse guitare ». […] Nous avons une foule de petits concerts bons, mauvais, et médiocres mais on ne veut entendre vers Noël presque rien que le Messie ou les nouvelles cantates produites à Birmingham. […] Que nous importent Wagner, Liszt et Berlioz et tous ces autres maîtres dont nous ne saurions prononcer les noms quand nous avons nos compositeurs à nous, bien à nous, qui nous fournissent une musique que nous comprenons la première fois que nous l’entendons ?
» Quand l’ancienne société applaudissait à ces épigrammes, et quand Chamfort lui-même en semait son petit acte, on peut assurer que les spectateurs ni lui n’y entendaient pas tant de malice : M. de Chamfort est jeune, disait le plus fin critique de ce temps-là (Grimm), d’une jolie figure, ayant l’élégance recherchée de son âge et de son métier. […] Il s’entendait blâmer de ces demi-retraites, il s’en irritait, il se relançait par accès dans le monde qui lui était à la fois insupportable et nécessaire, — nécessaire, car c’était le théâtre où il déployait avec le plus de succès cette plaisanterie acérée, escrime savante où il était passé maître. […] C’est ce que Chamfort, tout grand rénovateur qu’il était, n’entendait pas. […] Ce n’était pas tant dans le monde et dans un cercle régulier qu’il fallait l’entendre : il y causait beaucoup et même trop, il y parlait des heures de suite, contant anecdotes sur anecdotes, décochant épigrammes sur épigrammes, et prodiguant d’un air facile tous ces traits, ces mots tout faits, toutes ces provisions d’esprit qu’on a trouvées après sa mort rassemblées dans ses petits papiers.