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1431. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Nous avions passé ensemble une belle soirée, comme des hommes auxquels le bonheur vient de faire un grand cadeau, et je m’endormis en remerciant les saints dans le ciel pour la joie d’enfants qu’ils ont voulu nous accorder pour la nuit de Noël… Telle était sa disposition trois mois après avoir quitté Charlotte, sept semaines après la mort du jeune Jérusalem, et quand il avait déjà en idée le germe de Werther. […] Grâce à Dieu, nous avons vécu et nous vivons encore ensemble heureux et contents. » Il n’est que bien modéré quand il s’échappe jusqu’à dire : « Un de mes amis m’écrivait dernièrement : Sauf le respect pour votre ami, il est dangereux d’avoir un auteur pour ami.

1432. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Ces différences légères de jugement s’expliquent au reste très-bien : vous voyez la plupart de nos littérateurs et poëtes dans leur ensemble et dans une sorte de raccourci ; nous, nous les avons vus à l’œuvre au jour le jour et dans leur développement continu. […] Il savait à merveille la littérature moderne la plus contemporaine ; ses impressions légères me rajeunissaient, et lorsque, ayant à peindre la marquise de Pompadour, nous allions ensemble regarder au Musée le beau pastel de Latour que je voulais décrire, il me suggérait de ces traits fins et gracieux qu’une fraîche imagination trouve d’elle-même en face de l’élégance et de la beauté.

1433. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

« … Mme Tastu, modèle des femmes, qui a été assez bonne pour pénétrer quelquefois dans ma vie obscure, ne vous a-t-elle pas dit, monsieur, à quel point je suis demeurée étrangère, par ma vie errante et retirée tout ensemble, à toute relation littéraire, aux publications brillantes dont je n’ai pu faire mes études ni mes délices ? […] Son âme semble habitée par des milliers d’oiseaux qui ne chantent pas ensemble, mais qui se craignent et se fuient. — Douce et agitée toujours ! 

1434. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

A mesure donc que le tumulte des souvenirs, qui redouble pour d’autres, s’éclaircit pour moi et s’apaise, je me replie de plus en plus vers ces figures nobles, humaines, d’une belle proportion morale, qui s’arrêtèrent toutes ensemble, dans un instinct sublime et avec un cri miséricordieux, au bord du fleuve de sang, et qui, par leurs erreurs, par leurs illusions sincères, par ces tendresses mêmes de la jeunesse que leurs farouches ennemis leur imputaient à corruption et qui ne sont que des faiblesses d’honnêtes gens, enfin aussi par le petit nombre de vérités immortelles qu’ils confessèrent, intéressent tout ce qui porte un cœur et attachent naturellement la pensée qui s’élève sans sophisme à la recherche du bonheur des hommes. […] Un éloge bien rare à donner aux grandes et glorieuses existences, tout à fait particulier à Mme Roland, c’est que plus on va au fond de sa vie, de ses lettres, plus l’ensemble paraît simple : toujours le même langage, les mêmes pensées sans réserve ; pas un repli, nulle complication ou de passions ou de vœux et de tendances diverses.

1435. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Il était religieux, et d’un spiritualisme fermement raisonné, comme en fait foi son chapitre des Esprits forts ; qui, venu le dernier, répond tout ensemble à une beauté secrète de composition, à une précaution ménagée d’avance contre des attaques qui n’ont pas manqué, et à une conviction profonde. […] Une pensée inévitable naît, de ce rapprochement : Quand La Bruyère et le duc de Saint-Simon causaient ensemble à Versailles dans l’embrasure d’une croisée, lequel des deux était le peintre de son siècle ?

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