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29. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Parlant d’un brave tué à l’une des premières affaires, en 1589 : « Le roi de Navarre, dit-il, perdit à ce siège le mestre de camp Cherbonnières, esprit et cœur ferré, homme digne des guerres civiles… » D’Aubigné dit cela comme on dirait en d’autres temps : « homme digne de servir contre les ennemis de la France ». […] Tâtez encore si vous pouvez supporter votre mort par un bourreau, après avoir vu votre mari traîné et exposé à l’ignominie du vulgaire ; et, pour fin, vos enfants, infâmes valets de vos ennemis accrus par la guerre et triomphants de vos labeurs. Je vous donne trois semaines pour vous éprouver, et quand vous serez à bon escient fortifiée contre de tels accidents, je m’en irai périr avec vous et avec nos amis. » L’Amirale répliqua : « Ces trois semaines sont achevées ; vous ne serez jamais vaincu par la vertu de vos ennemis, usez de la vôtre et ne mettez point sur votre tête les morts de trois semaines. […] Le roi de Navarre parla d’abord et posa cette première question : si, dans les circonstances présentes et nouvelles, les huguenots devaient avoir les mains croisées durant le débat des ennemis, envoyer tous leurs gens de guerre dans les armées du roi sans en faire montre (ce qui était l’opinion de plusieurs), ou s’ils devaient prendre séparément les armes pour secourir le roi en leur propre nom, et profiter de toutes occasions pour s’affermir ? […] Et reprenant à la fin et retournant à contrepied le raisonnement du vicomte de Turenne : Je conclus ainsi : « Si nous nous désarmons, le roi nous méprisera ; notre mépris le donnera à nos ennemis : uni avec eux, il nous attaquera et ruinera désarmés ; ou bien, si nous nous armons, le roi nous estimera ; nous estimant, il nous appellera : unis avec lui, nous romprons la tête à ses ennemis. » Il échappa au roi de Navarre sur la fin de ce discours de s’écrier : « Je suis à lui ! 

30. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

M. de Saint-Pol opine le premier, rappelle la situation générale, la ligue entre les deux souverains ennemis, l’envahissement projeté de la France : il importait dans une telle crise de ménager l’armée de Piémont, qui était la plus aguerrie, et de se tenir simplement de ce côté sur la défensive. […] Nous avons souvent sans avantage attaqué l’ennemi, et l’avons le plus souvent battu. J’oserais dire que si nous avions tous un bras lié, il ne serait encore en la puissance de l’armée ennemie de nous tuer de tout un jour sans perte de la plus grand’part de leurs gens et des meilleurs hommes : pensez donc, quand nous aurons les deux bras libres et le fer en la main, s’il sera aisé et facile de nous battre ! […] » Enfin il revient sur l’importance capitale dont serait cette victoire, selon lui facile, qui déconcerterait la coalition et arrêterait les souverains ennemis tout net ; il le dit en des termes plus crus et en une image parlante. — Notez que du moment que Montluc a commencé de parler, il n’a plus pour contradicteur que M. de Saint-Pol. […] Montluc prédit que Strozzi, malgré sa bravoure et son expérience, et puisqu’il s’obstinait à décamper en plein jour à la face de son ennemi, serait défait.

31. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Il allait se trouver en face d’ennemis capables de déjouer par leur exaltation l’expérience elle-même, et que le génie de la Révolution possédait. Le premier général français qui commandait à Perpignan en l’absence de Servan, général en chef, le vieux La Houlière, n’avait pas les forces suffisantes pour garder une frontière si étendue ; l’ennemi l’eut bientôt franchie. […] Il tint bon et attendit que l’ennemi, après avoir pris de petites places de médiocre importance, et Bellegarde même qui était une place très-forte, vînt l’affronter dans sa position retranchée et lui livrer bataille sous Perpignan. […] Dagobert à l’avant-garde, tantôt battant, tantôt repoussé, mais toujours acharné, l’artillerie du camp surtout par sa bonne position et son tir infatigable, déconcertèrent le général ennemi qui donna le signal de la retraite. C’en était fait : peu importait, de part et d’autre, les pertes peu considérables en elles-mêmes ; l’effet moral était produit ; la honte du 20 mai était réparée ; l’armée française avait acquis conscience d’elle-même, elle existait ; l’ennemi le sut et, à dater de ce jour, se mit à la respecter, à la craindre.

32. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Un ennemi de plus n’effraya point un poëte toujours armé des traits de la satyre. […] Le poëte lui répondit brusquement : Je pense que dieu a de sots ennemis. […] On le vit en user, à l’égard de Boileau, comme en ont usé souvent, à l’égard des meilleurs écrivains, quelques-uns de leurs ennemis. […] Ce patissier se joignit à Cotin contre leur ennemi commun. […] Quoiqu’il en soit, l’ennemi juré des dindons ne l’étoit pas des jésuites, au point de n’en voir aucun.

33. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

C’est l’honneur et la gloire de l’homme de combattre pour son pays, ses enfants, sa jeune épouse, contre l’ennemi. […] « Il n’y a pas d’homme, en effet, redoutable à la guerre, s’il n’est endurci à regarder le carnage sanglant et s’il n’aspire à serrer de près l’ennemi. […] Bientôt il a renversé les âpres phalanges des ennemis acharnés, et il domine par son ardeur les flots du combat. […] C’est, dans les formes de l’art, l’image de cette marche régulière et terrible dont les Crétois abordaient lentement, au son de la flute et de la lyre, les bataillons ennemis. […] N’ayez ni inquiétude ni terreur de la foule des ennemis ; mais que chacun, bouclier en avant, aille droit aux agresseurs, tenant la vie en haine et préférant les affres de la mort au doux éclat du jour.

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