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678. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

C’est qu’à partir de ce jour-là, ce premier amour, comme un enfant qui ne devait pas vivre, était mort en elle. […] Quoique l’expiration du règne de Louis XIV et de la dévotion régnante fût pour lui un énorme poids de moins, quoiqu’il se sentît avec joie délivré de cette condition de faveur à laquelle il aurait pu difficilement se soustraire, et dont l’idée le blessait par une honte secrète (lui converti, enfant, par astuce et intérêt), pourtant il ne voyait dans la Régence qu’un débordement déplorable et la ruine de toutes les nobles mœurs. […] Mme de Pontivy avait senti aussi s’agiter en elle quelque chose d’inconnu ; et quand elle fut seule et qu’elle en chercha le nom, et que celui d’amour vint à sa pensée, elle s’effraya et se jeta à genoux dans son oratoire en cachant sa face dans ses mains ; et le lendemain, dans la matinée, comme, sans se rendre compte, elle embrassait plus fréquemment sa fille, l’enfant réveilla son effroi en lui disant : « Pourquoi est-ce que vous m’aimez encore plus aujourd’hui ?  […] Laissez, je veux ressusciter en vous l’Amour, cet enfant mort qui n’était qu’endormi. » Elle écoutait avec charme et silence, et, soulevant du doigt, pendant qu’il parlait, la dentelle noire qui la voilait à demi, elle ne perdait rien de ce qu’ajoutaient les regards. « Oh ! […] On la maria en effet ; mais bientôt elle mourut à son premier enfant.

679. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Je n’irai pas jusqu’à dire avec La Bruyère que « les enfants des dieux se tirent des règles de la nature, que le mérite chez eux devance l’âge et qu’ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l’enfance ». […] Ce Condé enfant, ce Condé adolescent, je les vois mal et je suis un peu déçu. […] Et, après tout, cette histoire du dur dressage d’un enfant à son métier de prince et de général est fort intéressante en elle-même, et M. le duc d’Aumale nous la raconte avec beaucoup de vivacité et de charme et dans un style qui a en même temps de la tenue et de la grâce. […] Vous n’y trouverez ni art ni politesse ; mais vous les lirez avec indulgence, parce qu’ils sont d’un apprenti, et peut-être avec plaisir, parce qu’ils sont de votre fils. ) Voilà qui n’est point mal pour un enfant de onze ans ; mais mon insupportable méfiance me suit partout. […] Ici, bien que son père l’entretienne maigrement et refuse même un habit neuf au gouverneur de Bourgogne, le pauvre enfant respire un peu.

680. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Il allait l’épouser en secondes noces, mais Paul, alors enfant, est tombé malade à l’idée qu’une étrangère allait usurper, dans la maison, la place maternelle. […] Elle est la tante de Camille ; il l’a couverte de son patronage lorsqu’elle a plaidé en séparation contre son mari ; il a donc deux fois le droit de lui redemander son enfant. […] Défends-toi, mon enfant, il fuit avec Léa ! […] Pour qu’il se repente, pour qu’il demande grâce, il faut que Léa noblement affligée du mal qu’elle a fait, vienne promettre à Camille un éloignement éternel ; il faut encore qu’il lise une lettre où la pauvre enfant, se sentant de trop, lui annonçait qu’elle allait mourir, puisque sa mort le rendrait heureux. […] Dans Maître Guérin, c’était l’invention d’un pédagogue à projets, qui avait trouvé le moyen d’apprendre à lire aux petits enfants en huit jours.

681. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

L’enfant, dès l’âge de six ans, eut à supporter bien des gênes et des taquineries de la part de ses jeunes cousins avec qui on le faisait élever ; paresseux et joueurs, ils s’entendaient pour l’empêcher de satisfaire l’indomptable amour de la lecture et de l’étude qu’il avait apporté en naissant ; car il eut, pour ainsi dire, cette passion dès la mamelle. […] Il quitta à temps cette éducation domestique où il était à la gêne, et fut mis au collège des Jésuites de Caen ; il y trouva des maîtres et des guides supérieurs qui surent distinguer aussitôt l’enfant précieux qui leur venait, et l’entourer de soins particuliers et de toute sorte de culture. […] Enfant, Huet se livrait avec ardeur et avec verve à la poésie latine, qui ne semblait pas du tout alors une récréation futile ni même un simple exercice de transition ; on y voyait un digne emploi définitif du talent. […] Huet, enfant, et déjà poète latin, avait terminé à treize ans le cours de ses humanités ; il trouvait un guide poétique encourageant et sûr dans l’aimable M.  […] Elle lui disait agréablement à ce sujet : « Savez-vous que nous avons marié nos enfants ensemble ? 

682. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Quels cris d’allégresse Retentissent de toutes parts D’où naît cette subite ivresse Et des enfants et des vieillards ? […] On n’en saurait douter, c’est habituellement de cette dernière qu’entend parler Camille, c’est elle dont il tient en main la ficelle et qu’il se plaît à faire danser méchamment et par manière de niche aux yeux de ses adversaires ; c’est avec elle qu’il joue comme un enfant gâté, dira Robespierre, et nous nous dirons, comme le gamin insolent, insouciant et cruel, qui n’a pas en lui le sentiment du bien et du mal, qui ne l’aura que tard et par accès, et qui périra par où il s’est trop joué. […] Enfant cruel et sans pitié, quand donc aurez-vous l’âge d’homme et sentirez-vous en vous-même ce qui est humain ? […] Peut-être, dans la prise d’assaut de l’Ancien Régime et pour le renversement complet de la Bastille féodale, fallait-il qu’il y eût de ces fifres étourdis et de ces enfants perdus en tête des sapeurs du régiment ; mais le bon sens, aujourd’hui qu’on relit, paraît trop absent à chaque page ; la raison ne s’y mêle jamais que dans des trains de folie. […] L’enfant gamin que nous connaissons, le drôle à imagination effrénée et libertine, revient se jouer jusqu’au milieu de l’émotion.

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