Pour ma part, je l’avoue, tout en reconnaissant la noblesse, la générosité des sentiments qui l’attachent au patrimoine de sa famille, je ne puis m’empêcher de blâmer le parti qu’il a choisi.
Cicéron, convaincu que le parti des rebelles était le plus sûr, ayant pour gendre Dolabella, un des confidents de César, alla cependant rejoindre Pompée : ce fut un sacrifice fait à l’honneur ; mais il eut le tort d’apporter dans le camp de Pompée les craintes qui pouvaient l’empêcher d’y venir. […] Le traité de la Nature des Dieux n’est qu’un recueil des erreurs de l’esprit humain, qui s’égare toujours plus ridiculement dans les plus sublimes questions ; mais l’absurdité des différents systèmes n’empêche pas d’admirer l’élégance et la clarté des analyses ; et les morceaux de description restent d’une vérité et d’une beauté éternelles. […] Et quels yeux peuvent s’empêcher de répandre des larmes, en voyant un roi dans ce déplorable état !
Il voit une femme45, il la trouve belle ; tout d’un coup sa gorge se serre, il a chaud dans le dos, il lui court sus ; quelqu’un veut l’en empêcher, il tue l’homme, s’assouvit, puis n’y pense plus, sauf lorsque parfois quelque vague image d’une mare de sang clapotante vient traverser sa cervelle et le rendre morne.
Voici un passage bien caractéristique à la fois du talent de Lautréamont et de sa maladie mentale : « Le frère de la sangsue (Maldoror) marchait à pas lents dans la forêt… Enfin il s’écrie : « Homme, lorsque tu rencontres un chien mort retourné, appuyé contre une écluse qui l’empêche de partir, n’aille pas, comme les autres, prendre avec ta main les vers qui sortent de son ventre gonflé, les considérer avec étonnement, ouvrir un couteau, puis en dépecer un grand nombre, en te disant que toi aussi tu ne seras pas plus que ce chien.
Ce qui empêche que Napoléon ne soit dans l’histoire le représentant de son siècle, c’est donc qu’il a manqué a toutes ses tendances libérales, c’est qu’il a comprimé son essor intellectuel, quand il pouvait si justement prétendre à le diriger ; c’est qu’il n’a été que le glorieux soldat d’une révolution dont il pouvait être le législateur politique.