/ 1643
638. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Le spiritualisme à l’eau de rose de Victor Cousin reste toujours en faveur dans nos sorbonnes, et c’est cette doctrine, conçue dans les journées réactionnaires de la Restauration, qui demeure la substance de notre enseignement supérieur. […] C’étaient des fuites loin du monde, une absorption instinctive au sein de la bonne nature, une adoration irraisonnée de gamins pour les arbres, les eaux, les monts, pour cette joie sans limite d’êtres seuls et d’être libres… Ils avaient douze ans à peine qu’ils savaient nager, et c’était une rage de barboter au fond des trous, où l’eau s’amassait, de passer là des journées entières, tout nus à se sécher sur le sable brûlant pour replonger ensuite, à vivre dans la rivière sur le dos, sur le ventre, fouillant les herbes des berges, s’enfonçant jusqu’aux oreilles et guettant, pendant des heures, les cachettes des anguilles. Ce ruissellement d’eau pure, qui les trempait au grand soleil, prolongeait leur enfance, leur donnait des rires frais de galopins échappés, lorsque, jeunes hommes déjà, ils rentraient à la ville par les ardeurs troublantes du soleil de juillet. » Admirable éducation païenne, exceptionnelle hélas, à notre époque, bains de flammes, de verdure, de soleil, où l’âme se retrempe dans le sein de la terre, admirable éducation qui forme les tempéraments riches et les esprits robustes. […] Pourquoi donc négliger des fonctions qui tiennent tant de place dans notre existence, pourquoi dissimuler sous des gazes épaisses, la voluptueuse floraison des gorges qui rougissent à fleur de peau, comme des roses aquatiques doucement épanouies à la surface des eaux paisibles ?

639. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

« Saint-Germain, remarque-t-il, offrait à Louis XIV une ville toute faite et que sa position entretenait par elle-même. » Il l’abandonna pour Versailles, le « plus triste et le plus ingrat de tous lieux, sans vue, sans bois, sans eau, sans terre, parce que tout y est sable mouvant ou marécage ; il se plut à y tyranniser la nature, à la dompter à force d’art et de trésors. […] « Sans bois » : il en fit planter, qui font de Versailles un des plus beaux lieux du monde. « Sans eau » : il en fit venir par-dessus les montagnes, en suscitant les inventions de la science. « Sans terre » : il répandit la terre et la végétation sur ce sable mouvant et sur ces marécages. […] Ce lieu sans air est inondé d’air ; les yeux ne rencontrent que des bois et des eaux dans ce lieu sans eau et sans bois ; le soleil se couche chaque soir au bout de la nappe d’eau lointaine qui termine ce lieu sans vue.

640. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

La terre ferme a-t-elle surgi hors des eaux, ou bien les eaux ont-elles jailli des profondeurs de la terre ? Est-ce la puissance du feu ou celle de l’eau qui a fait élever les montagnes, qui a nivelé les plaines, qui a limité la mer et ses rivages ?

641. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

On navigue au gré des lames aplanies ; le coup de vent qui a fait avancer les navigateurs en aveugles sur l’océan Indien, leur laisse entrevoir à distance l’île de Ceylan couverte de ses forêts étranges, et approcher d’un continent à fleur d’eau, où un fleuve immense confond ses fanges avec les roseaux de la mer. […] Deux fontaines jaillissantes tombent et retombent éternellement avec la profusion de leur eau dans des bassins de porphyre des deux côtés de l’obélisque. […] Au milieu, un grand obélisque égyptien ; à droite et à gauche, deux fontaines toujours jaillissantes dont les eaux, après s’être élevées en gerbe, retombent dans de vastes bassins.

642. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

On connaît la mystique invocation d’Hippolyte à Artémis, ce chant vraiment pieux et dont le ton rappelle celui des cantiques à la sainte Vierge : « … Ô ma souveraine, je t’offre cette couronne cueillie et tressée de mes mains dans une fraîche prairie, que jamais le pâtre et ses troupeaux ni le tranchant de fer n’ont osé toucher, où l’abeille seule au printemps voltige, et que la Pudeur arrose de ses eaux limpides, etc. » Cette image (la Pudeur et ses eaux limpides), M.  […] J’avoue d’ailleurs qu’ici mon admiration hésite : qu’est-ce que les eaux de la Pudeur ?

/ 1643