Toutes ces gloires sont passées Comme l’onde et comme le vent… Soyez persuadé que si Théophile Gautier a été introduit dans ce groupe, ce n’est point précisément parce qu’il a écrit le Roi Candaule et Arria Marcello, ni parce qu’il a rimé la Symphonie en blanc majeur, mais bien plutôt parce qu’il a « fait », comme on dit, la critique dramatique dans un journal. […] On a dit, avec un mélange de paradoxe et de sévérité : « À moins que ce ne soit dans le feuilleton dramatique ou dans le compte rendu des Salons de peinture, Gautier n’a rien laissé qui paraisse assuré de survivre13 ». […] Il était aussi trop expert aux péripéties dramatiques pour ne pas discerner ce qu’il y avait de poignant dans le drame réel qui se jouait sous ses yeux. […] — Votre situation est bien simple : vous êtes ici prisonnier de guerre. » Cette biographie très dramatique, très colorée, un peu trop pailletée peut-être de touches empruntées à la palette des impressionnistes (non pas que cela me fâche, mais vraiment une telle façon de peindre ne va pas avec la latinité rectiligne du modèle), cette biographie s’achève par une description de l’ancienne abbaye de Clairvaux, devenue maison centrale et prison d’État.
Dans Le Camarade infidèle, le dialogue est l’agent dramatique essentiel, il se substitue à l’analyse, en tient lieu. […] C’est par là que l’Inconstante rejoint le sentiment grec et atteint dans la dernière scène à ce tragique si pur et si serein : tout le nécessaire y est dit, mais nulle parole n’est prononcée pour amplifier l’événement, de ces vaines paroles qui, dans les circonstances dramatiques, ont surtout comme objet de nous renvoyer le son de notre voix. […] À cet égard l’expérience était particulièrement concluante à Stratford : Tout est bien qui finit bien demeurait jusqu’à ce jour en Angleterre même la plus impopulaire des pièces de Shakespeare : jamais elle n’avait réussi et on ne l’avait pas jouée depuis près de cinquante ans : cependant tous les écrivains réunis à Stratford : poètes, auteurs dramatiques et critiques durent reconnaître après coup — et quelques-uns non sans surprise — que pas un instant l’intérêt n’avait fléchi. […] Le dialogue est ici l’agent dramatique essentiel, et puisque nous ne sommes point au théâtre le constater n’est pas qu’un truisme.
C’est un auteur dramatique et il reste toujours caché derrière ses personnages, qu’il fait parler chacun selon son caractère, et il n’est responsable de rien de ce qu’il dit, puisque ce n’est pas lui qui parle. C’est le privilège de l’auteur dramatique qu’on ne puisse jamais lui faire qu’un procès de tendances. […] La plupart au moins des idées chères au bourgeois français et des sentiments qui lui sont familiers forment l’esprit général du théâtre de Molière, et ici encore nous ne pouvons guère savoir si cet esprit général est son esprit à lui ou s’il se le donne pour plaire à son public et pour le servir selon son goût ; car, plus que tout écrivain, beaucoup plus, l’auteur dramatique a le public pour principal collaborateur et pour inspirateur essentiel ; mais encore l’esprit général du théâtre de Molière est bien celui-là. […] Je ne retracerai pas les longs démêlés, si dramatiques, entre le pape et l’empereur jusqu’en 1813.
Il dit que William Stanley « put » voisiner avec le poète Spenser, et fréquenta « probablement » la cour d’assez bonne heure, et qu’il eut « peut-être » un secret dans sa vie, et que sa curiosité d’esprit « dut » se déployer de tous côtés, et qu’il « put » se trouver en relation avec tel personnage qui eut un rôle considérable dans la littérature dramatique de l’époque, etc. : autant de faits qui servent à la démonstration. […] Or, si l’on emprunte à l’histoire des sujets dramatiques, c’est que l’on aime le passé, remarque M. […] Néanmoins, le romantisme a rendu la littérature, et dramatique aussi, beaucoup plus personnelle, — et « lyrique », disait Brunetière, — beaucoup plus analogue à une confession de l’auteur : si la confession n’y est pas tout au long, du moins y devinez-vous une allusion perpétuelle à maints petits faits et à l’émoi qu’ils ont causé dans la pensée de l’auteur.
Ces personnages sans entrailles que pour l’argent sont vrais d’une vérité réelle autant que dramatique ; nous aurons plus d’une fois à les interroger dans le cours de cette étude, pour leur demander le secret de beaucoup de mauvaises passions que nous observerons ailleurs. […] Il n’en est que plus remarquable de les voir, eux et les auteurs dramatiques du même groupe, reproduire, non seulement les caractères généraux de Dancourt, mais encore quelques-uns de ses procédés et jusqu’aux formes matérielles de sa phrase ; je dis les formes matérielles, et non les qualités intérieures. […] Ce n’est pas que Regnard n’ait compris que le jeu a d’autres conséquences, plus terribles et plus dramatiques. […] Le grand défaut de l’une et de l’autre, c’est que l’intérêt dramatique y est médiocre, soit qu’on le cherche dans l’action, soit qu’on le demande à la peinture des caractères qui sont esquissés d’une plume trop rapide et trop superficielle dans le Méchant ; dans le Métromanie, trop en dehors du train universel et éternel de la vie ; et, ce qui achève l’analogie, c’est que pour cette double cause les deux pièces ont eu cette destinée commune qu’on ne saurait plus guère les représenter sans risquer d’exciter l’ennui, et que cependant on ne cessera point de les lire et d’éprouver à les lire un plaisir de premier ordre.