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330. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

C’était pour moi, dans son enfance, quelque chose de doux et de charmant d’écouter sa petite parole trébuchante contre ces deux consonnes, et ses tolères contre sa nou-ice. […] * * * Ce qu’il y a d’affreux dans ces abominables maladies de l’intelligence, c’est qu’elles ne touchent pas seulement à l’intelligence, mais qu’elles détruisent souterrainement, et à la longue, chez l’être aimant qu’elles frappent, la sensibilité, la tendresse, l’attachement, c’est qu’elles suppriment le cœur… Cette douce amitié qui était le gros lot de notre vie, de mon bonheur, je ne la trouve plus, je ne la rencontre plus… Non, je ne me sens plus aimé par lui, et c’est le plus grand supplice que je puisse éprouver, et que tout ce que je peux me dire, n’adoucit en rien. […] … » Suivit bientôt un instant de calme, de tranquillité, ses regards doux, sourieurs fixés sur moi… Je crus à une crise semblable au mois de mai… Mais tout à coup, il se renversa la tête en arrière, et poussa un cri rauque, guttural, effrayant, qui me fit fermer la fenêtre. […] il est mort, après les deux ou trois doux soupirs de la respiration d’un petit enfant qui s’endort. […] Il monte en moi un apaisement doux et triste, produit par la pensée de le voir délivré de la vie.

331. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Quant au rêve, avec l’espoir qui en est inséparable, il est ce qu’il y a de plus doux. […] Le Christ lui-même, le plus doux et le plus aimant des génies, ne fut-il pas abandonné de son père ? […] Il s’amuse et s’afflige de tout, à propos de tout, et cela sans transition, simultanément le plus souvent : Il est doux de pleurer, il est doux de sourire Au souvenir des maux qu’on pourrait oublier96 Une larme a son prix, c’est la sœur du sourire97. […] Les esprits conducteurs des êtres Portent un signe sombre et doux.

332. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Zola n’était pas encore au temps où Mme de Staël écrivait : « La littérature est l’expression de la société. » Avant Mme de Staël, La Bruyère avait commencé son livre des Caractères par cette phrase charmante en sa douce malice : « Je rends à mon siècle ce qu’il m’a prêté. » Les Grecs et les Latins, avant La Bruyère, avaient plus d’une fois dit à peu près la même chose. […] Une jeune fille douce, calme, sensée et bonne, a épousé sans amour, sans répugnance non plus, un homme qui l’adorait, et qu’un héritage a rendu tout à coup millionnaire. […] Il a deux filles : la cadette va se marier avec un pharmacien de Clamart ; l’aînée, nature douce et triste, faite pour les sacrifices, aime en secret le prétendu de sa sœur. […] L’artiste n’est pas un savant qui recherche les causes ; sa tâche à lui c’est de peindre les effets, de faire jaillir de son œuvre l’émotion, douce ou terrible, qui tour à tour nous prend en face de la vie elle-même, de remuer nos cœurs, de nous attendrir, de nous faire sourire ou frémir. […] Il y a sur la terre des gobe-mouches qui prennent au pied de la lettre tout ce qu’il plaît à des écrivains français d’écrire sur la société française, ou plutôt contre elle, et il y a de sa-vans politiques qui trouvent leur compte à entretenir ces gobe-mouches dans leur douce candeur.

333. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

La belle duchesse ne répondit qu’avec un doux sourire ; mais elle parut si aimable, qu’on s’attacha plus que devant à dire de bons mots et de jolies choses. […] On fit pourtant le traité à des conditions plus douces, et le tumulte finit agréablement. » Ainsi voilà, en si beau monde, un sage mari qui, pour être en pointe de vin, se met à jouer un très-vilain jeu, et si au vif que la dame alarmée dégaine l’épée de quelqu’un de la compagnie pour se défendre. […] Et parce que tout le monde veut être heureux, et que c’est le but où tendent toutes les actions de la vie, j’admire que ce qu’ils appellent vice soit ordinairement doux et commode, et que la vertu mal entendue soit âpre et pesante. […] Quantité de choses sont nécessaires pour être heureux, mais une seule suffit pour être à plaindre ; et ce sont les plaisirs de l’esprit et du corps qui rendent la vie douce et plaisante, comme les douleurs de l’un et de l’autre la font trouver dure et fâcheuse. […] En somme, on ne connaîtrait pas bien Mme de Maintenon et surtout Mlle d’Aubigné, « belle et d’une beauté qui plaît toujours, douce, secrète, fidèle, modeste, intelligente… », si on ne recourait au chevalier.

334. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Il se reposait dans cette douce halte de la vie qu’on appelle une belle vieillesse, avant de mourir. […] Notre père et notre mère nous y conduisaient tout petits pour y continuer notre éducation domestique et pour animer un peu cette solitude par ce doux tumulte dont six enfants en bas âge remplissent la maison d’un homme sans famille. […] Remplissez de ce doux breuvage douze vases que vous boucherez tous avec leurs couvercles. […] « Voyez, nous dit notre mère, comment il faut recevoir et retenir par de bonnes paroles et par une douce violence les hôtes malheureux et timides que la Providence envoie à notre foyer ? […] Alors, dans une écuelle de racine de lierre, préparant du vin aussi doux que le miel, il s’assied en face du héros et lui dit : Mangez ! 

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