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1466. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Quiconque meurt meurt à douleur. […] Il ne manquait plus à l’imbécile doctrine littéraire du romantisme, puis du Parnasse, que ce grotesque diverticule de la douleur, de la torture, de l’angoisse, nécessaires et indispensables à la conception et création romanesque, poétique et littéraire. […] On songe alors, avec mélancolie, à la plaintive, larmoyante, mais touchante et sincère Desbordes-Valmore, qui traversa la misère et la douleur vraies et se déchira aux ronces du sentier, parmi une indifférence à peu près générale, sa lyre orphique à la main. […] C’est un peu comme si on voulait guérir l’atrophie musculaire progressive, ou les douleurs fulgurantes de l’ataxie, en partant des muscles et nerfs des membres, au lieu de s’adresser d’abord à la moelle épinière, dont la sclérose amène ces altérations nerveuses périphériques. […] Le laudanum de Sydenham n’a pas perdu toute action contre la colique et la douleur en général, bien qu’il soit de moins en moins employé.

1467. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Vous êtes un homme. » Il y a du stoïcien en lui, une fière tenue devant la douleur et la mort, un souci de s’estimer soi-même et de ne pas se rendre. […] Le Voyage du Centurion10 I Voici un très beau livre, d’une originalité saisissante et qui redoublera, chez tous les lettrés, la douleur que leur a causé la mort prématurée de son auteur, le lieutenant Ernest Psichari, héroïquement tombé en Belgique, lors de la retraite de Charleroi. […] Sa vision étant viciée par essence, ses actes ne sont qu’une suite d’erreurs et de douleurs. […] J’en transcris quelques titres qui décèlent la fièvre d’ambition intellectuelle, si révélatrice, dont est consumée la jeunesse des écrivains-nés, — un roman en quinze volumes : Jean Malleterre, le premier épisode devait s’appeler : le Sculpteur aux mains broyées ; — des pièces de théâtre : Comédiens, le Vieil Homme, — les Autres, les Usuriers de l’amour, le Carrefour des douleurs ou l’Étranger ; — un recueil de vers : le Livre des jeux de la mort ; — d’autres romans : Liliatica via, Per mortem veritas, Âmes du siècle. […] Soyons donc assurés qu’en dehors de l’action immédiate et visible, tant de douleurs acceptées, tant d’existences offertes, tant d’holocaustes sanglants ont leur retentissement ailleurs.

1468. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Allez où votre devoir vous appelle, & ne venez plus tourmenter les foibles mortels qui ont assez de douleurs, sans celles que vous voudriez leur causer.” […] C’étoit un homme qui n’écrivoit point en l’air, & qui savoit certainement que la folie est une espece d’ivresse qui donne le cours à nos fantaisies, qui nous met au-dessus du qu’en dira-t-on, & qui nous fait trouver du plaisir jusque dans la douleur ; mais vous ne me parlez pas de la satisfaction qu’on goûte à voir des monumens & des nouveautés. […] Rien de plus divertissant qu’une petite-maîtresse absolument malade, sans savoir où elle a mal, & qui dit à son médecin, j’ignore si la douleur que je ressens est à la tête ou à l’estomac. […] On saura si l’érection de certaines manufactures est à propos, si telles entreprises sont raisonnables, & l’on n’aura plus la douleur de voir dépérir les établissemens faits trop à la hâte, & dont la ruine entraîne des banqueroutes, & cause à l’état mille dépenses inutiles.

1469. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Le bonheur éternel est une compensation accordée aux douleurs humaines ; il y a aussi, mais alors pour les seuls théologiens, de personnels supplices, par quoi sont punis les manquements aux ordres des prêtres ; et ces tourments sont encore pour les bons un surcroît de récompense et une garantie contre la promiscuité. […] Pascal, et quoique janséniste, a mis les cas de conscience en comédie ; de Genève on voyait cela tel qu’un drame de douleur et de scandale. […] On arrivait ainsi à la notion d’un être, infini et tout puissant, créant expressément des êtres voués à la douleur éternelle. […] Pour lire les Pensées avec toute la douleur qu’elles exigent, il faut regarder Pascal au fond d’une basse-fosse.

1470. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Ils sont toujours valables : « Qui discute en alléguant l’autorité ne fait pas preuve de génie, mais plutôt de mémoire. » « Mes preuves sont nées de la simple expérience, mère de toute évidence et vraiment l’unique et vraie maîtresse. » « Avant de faire état d’une règle générale, on répétera deux et trois fois l’expérience, en observant chaque fois si les mêmes effets se reproduisent dans le même ordre. » Joignons-y quelques aphorismes d’une grande plénitude de sens : « Toute action naturelle a lieu par la voie la plus brève. » « Le mouvement est la cause de toute vie. » « La douleur est la salut de l’organisme. » « Toutes nos connaissances nous viennent du sentiment. » Si par sentiment il faut entendre la sensibilité, les sens, voilà une devise à la fois tout antique et toute moderne. […] Il sent la douleur comme la sent un animal. […] Mais le méchant dieu des chrétiens, qui n’aime pas la beauté des jeunes femmes, a brisé ces cruches de marbre, les mères de l’eau, sont mortes de douleur et les rivières naissent au hasard, comme elles peuvent. […] Le chagrin moral et les douleurs d’entrailles déterminent sur notre visage le même faciès, et il y a pourtant là entre les deux causes quelque différence !

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