Quiconque meurt meurt à douleur. […] Il ne manquait plus à l’imbécile doctrine littéraire du romantisme, puis du Parnasse, que ce grotesque diverticule de la douleur, de la torture, de l’angoisse, nécessaires et indispensables à la conception et création romanesque, poétique et littéraire. […] On songe alors, avec mélancolie, à la plaintive, larmoyante, mais touchante et sincère Desbordes-Valmore, qui traversa la misère et la douleur vraies et se déchira aux ronces du sentier, parmi une indifférence à peu près générale, sa lyre orphique à la main. […] C’est un peu comme si on voulait guérir l’atrophie musculaire progressive, ou les douleurs fulgurantes de l’ataxie, en partant des muscles et nerfs des membres, au lieu de s’adresser d’abord à la moelle épinière, dont la sclérose amène ces altérations nerveuses périphériques. […] Le laudanum de Sydenham n’a pas perdu toute action contre la colique et la douleur en général, bien qu’il soit de moins en moins employé.
Vous êtes un homme. » Il y a du stoïcien en lui, une fière tenue devant la douleur et la mort, un souci de s’estimer soi-même et de ne pas se rendre. […] Le Voyage du Centurion10 I Voici un très beau livre, d’une originalité saisissante et qui redoublera, chez tous les lettrés, la douleur que leur a causé la mort prématurée de son auteur, le lieutenant Ernest Psichari, héroïquement tombé en Belgique, lors de la retraite de Charleroi. […] Sa vision étant viciée par essence, ses actes ne sont qu’une suite d’erreurs et de douleurs. […] J’en transcris quelques titres qui décèlent la fièvre d’ambition intellectuelle, si révélatrice, dont est consumée la jeunesse des écrivains-nés, — un roman en quinze volumes : Jean Malleterre, le premier épisode devait s’appeler : le Sculpteur aux mains broyées ; — des pièces de théâtre : Comédiens, le Vieil Homme, — les Autres, les Usuriers de l’amour, le Carrefour des douleurs ou l’Étranger ; — un recueil de vers : le Livre des jeux de la mort ; — d’autres romans : Liliatica via, Per mortem veritas, Âmes du siècle. […] Soyons donc assurés qu’en dehors de l’action immédiate et visible, tant de douleurs acceptées, tant d’existences offertes, tant d’holocaustes sanglants ont leur retentissement ailleurs.
Allez où votre devoir vous appelle, & ne venez plus tourmenter les foibles mortels qui ont assez de douleurs, sans celles que vous voudriez leur causer.” […] C’étoit un homme qui n’écrivoit point en l’air, & qui savoit certainement que la folie est une espece d’ivresse qui donne le cours à nos fantaisies, qui nous met au-dessus du qu’en dira-t-on, & qui nous fait trouver du plaisir jusque dans la douleur ; mais vous ne me parlez pas de la satisfaction qu’on goûte à voir des monumens & des nouveautés. […] Rien de plus divertissant qu’une petite-maîtresse absolument malade, sans savoir où elle a mal, & qui dit à son médecin, j’ignore si la douleur que je ressens est à la tête ou à l’estomac. […] On saura si l’érection de certaines manufactures est à propos, si telles entreprises sont raisonnables, & l’on n’aura plus la douleur de voir dépérir les établissemens faits trop à la hâte, & dont la ruine entraîne des banqueroutes, & cause à l’état mille dépenses inutiles.
Le bonheur éternel est une compensation accordée aux douleurs humaines ; il y a aussi, mais alors pour les seuls théologiens, de personnels supplices, par quoi sont punis les manquements aux ordres des prêtres ; et ces tourments sont encore pour les bons un surcroît de récompense et une garantie contre la promiscuité. […] Pascal, et quoique janséniste, a mis les cas de conscience en comédie ; de Genève on voyait cela tel qu’un drame de douleur et de scandale. […] On arrivait ainsi à la notion d’un être, infini et tout puissant, créant expressément des êtres voués à la douleur éternelle. […] Pour lire les Pensées avec toute la douleur qu’elles exigent, il faut regarder Pascal au fond d’une basse-fosse.
Ils sont toujours valables : « Qui discute en alléguant l’autorité ne fait pas preuve de génie, mais plutôt de mémoire. » « Mes preuves sont nées de la simple expérience, mère de toute évidence et vraiment l’unique et vraie maîtresse. » « Avant de faire état d’une règle générale, on répétera deux et trois fois l’expérience, en observant chaque fois si les mêmes effets se reproduisent dans le même ordre. » Joignons-y quelques aphorismes d’une grande plénitude de sens : « Toute action naturelle a lieu par la voie la plus brève. » « Le mouvement est la cause de toute vie. » « La douleur est la salut de l’organisme. » « Toutes nos connaissances nous viennent du sentiment. » Si par sentiment il faut entendre la sensibilité, les sens, voilà une devise à la fois tout antique et toute moderne. […] Il sent la douleur comme la sent un animal. […] Mais le méchant dieu des chrétiens, qui n’aime pas la beauté des jeunes femmes, a brisé ces cruches de marbre, les mères de l’eau, sont mortes de douleur et les rivières naissent au hasard, comme elles peuvent. […] Le chagrin moral et les douleurs d’entrailles déterminent sur notre visage le même faciès, et il y a pourtant là entre les deux causes quelque différence !