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522. (1891) Esquisses contemporaines

La théopneustie représentait une vérité considérable que l’Église a toujours eu le besoin d’affirmer : celle de la présence réelle et de l’autorité divine. […] En s’y abandonnant, ils se reniaient tout entiers et fondaient la légitimité d’une abdication si totale sur la reconnaissance de la souveraineté divine et de leur propre indignité. […] L’Évangile est-il pour vous la vérité divine ? […] Et voilà comment on fait du grand témoignage de la sainteté divine le mol et paresseux oreiller où Taine définitivement s’assoupit et s’endort ! […] Voilà donc toutes les lumières que j’avais à jeter sur vos perplexités, tout le secours que je puis apporter à vos divines inquiétudes ?

523. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

» Or, qu’on nous permette de le dire avec la certitude que notre opinion sera un jour commune à tous ceux qui aiment profondément le théâtre : les effets dramatiques produits par l’intime hymen du vers et de la mélodie sont tels dans l’œuvre de Richard Wagner, que, inférieur comme poète à Goethe, égalé, en tant que musicien, par Beethoven, il n’est, comme créateur dramatique, comparable qu’au divin Shakespeare. […] Tannhaeuser, le chevalier chassé de la Wartburg, maudit par le pape, recueilli par l’enfer, et sauvé par la prière, c’est l’âme de l’homme, souillée de basses débauches, sans espoir de pardon ici-bas, et délivré enfin par le divin repentir. […] Mais le crime divin a été tel que tout le sang humain n’en pourra laver la souillure. […] Et, derechef, une cantilène d’enivrement s’échappe de ses lèvres, de laquelle Sachs, émerveillé, transcrit les divines syllabes.

524. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Cet homme admet bien, comme vous, l’idée générale de Création, et même il ne saurait concevoir l’idée contraire, celle d’une succession continue à l’infini ; mais après cette idée de Création il s’arrête, il ne peut concevoir ni admettre que l’Intelligence et la Puissance infinie se soit, à un certain jour, incorporée, incarnée dans une forme humaine ; il respecte, d’ailleurs, au plus haut degré, à titre de sage et de modèle moral sublime, Celui que vous saluez d’un nom plus divin ; — et cet homme, parce qu’il ne peut absolument (à moins de se faire hypocrite) admettre votre idée à vous, avec toutes ses conséquences, vous l’insulterez ! […] Mais je vais plus loin et je ne suis pas au bout : — Cet homme, — un autre homme encore, — est arrivé à admettre, à comprendre, à croire non-seulement la Création, non-seulement l’idée d’une Puissance et d’une Intelligence pure, distincte du monde, non-seulement l’incarnation de cette Intelligence ici-bas dans un homme divin, dans l’Homme-Dieu ; mais il admet encore la tradition telle qu’elle s’est établie depuis le Calvaire jusqu’aux derniers des Apôtres, jusqu’aux Pères et aux pontifes qui ont succédé ; il tient, sans en rien lâcher, tout le gros de la chaîne ; il est catholique enfin, mais il l’est comme l’étaient beaucoup de nos pères, avec certaines réserves de bon sens et de nationalité, en distinguant la politique et le temporel du spirituel, en ne passant pas à tout propos les monts pour aller à Rome prendre un mot d’ordre qui n’en peut venir, selon lui, que sous de certaines conditions régulières, moyennant de certaines garanties ; et ce catholique, qui n’est pas du tout un janséniste, qui n’est pas même nécessairement un gallican, qui se contente de ne pas donner dans des nouveautés hasardées, dans des congrégations de formation toute récente, dans des résurrections d’ordres qui lui paraissent compromettantes ; — ce catholique-là, parce qu’il ne l’est pas exactement comme vous et à votre mode, vous l’insulterez encore !

525. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Le bon Eckermann, qui avait peur que la conversation ne changeât de cours, essaya de la ramener en disant : « Je crois cependant que c’est surtout quand Napoléon était jeune, et tant que sa force grandissait, qu’il a joui de cette perpétuelle illumination intérieure : alors une protection divine semblait veiller sur lui ; à son coté restait fidèlement la fortune ; mais plus tard… —  Que voulez-vous ? […] Cette illumination divine, cause des œuvres extraordinaires, est toujours liée au temps de la jeunesse et de la fécondité.

526. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Être pris de la sorte et tomber dans les filets du divin chasseur, c’est la meilleure chasse qu’il puisse faire. […] Plus tard, d’ans l’admirable sermon pour le jour de sainte Madeleine, prêché par Massillon, ce maître des cœurs, il y aura quelques traits, quelques intentions qui, de loin, rappelleront ce même motif : c’est quand la pécheresse qui chez Massillon est aussi une femme de qualité, après avoir entendu Jésus une première fois, déjà touchée et à demi pénitente, se dit en elle-même : « Ses regards tendres et divins m’ont mille fois démêlée dans la foule… Il a eu sur moi des attentions particulières ; il n’a, ce me semble, parlé que pour moi seule… » Et la voilà déjà à demi gagnée ; sa coquetterie même sert à sa conversion.

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