Pareille fortune, Elisabeth Barrett, sa contemporaine, ne l’a pas eue ; mais je ne sais si elle n’a pas obtenu des dieux une plus précieuse faveur. […] Pour se mettre à écrire, il a besoin d’excitants ; il faut qu’il provoque, par quelque artifice, le dieu dolent qui est en lui, et qui demande obscurément à s’exprimer. […] Ils ont découpé, dans la vie quotidienne, les heures où un dieu intérieur exalte l’individu et le distingue de ses frères par ses fureurs. […] La poésie est née ; alors une chapelle se forme autour du dieu nouveau. […] Cette contrainte du rythme mathématique et de la rime obligée, qui paraissait détestable, on la respectait cependant : hommage à un dieu inconnu auquel on n’apportait plus que de tristes offrandes, mais qu’on ne pouvait s’empêcher de respecter toujours.
Plusieurs fois les dieux en viennent aux mains dans Homère ; mais, comme nous l’avons déjà remarqué, on ne trouve rien dans l’Iliade qui soit supérieur au combat que Satan s’apprête à livrer à Michel dans le Paradis terrestre, ni à la déroute des légions foudroyées par Emmanuel : plusieurs fois les divinités païennes sauvent leurs héros favoris en les couvrant d’une nuée ; mais cette machine a été très heureusement transportée par le Tasse à la poésie chrétienne, lorsqu’il introduit Soliman dans Jérusalem.
Ce sont des dieux injustes, mais tout puissans, qui demandent qu’on égorge aux pieds de leurs autels une jeune princesse innocente.
L’honneur, la vérité, le sang des malheureux, rien ne lui a été sacré auprès de son ambition ; et tremblant encore au souvenir du dieu qu’il blasphême, il voudroit, en renversant son temple, et à force d’attentats, se délivrer, s’il étoit possible, de ses remords. […] Agamemnon touché, mais sans changer de dessein, exhorte sa fille à supporter généreusement son malheur ; et à faire rougir, par sa fermeté, les dieux qui la condamnent. […] Un instant va décider de mon innocence ou de ma perfidie ; et ma mort va vous venger d’un traître, ou les dieux vont vous rendre un fils digne de vous. […] Que m’eût servi de justifier les dieux à l’égard d’Oedipe, si Jocaste qui essuïe les mêmes adversitez, les eût condamnez par son innocence ? […] J’ai choisi, pour elle, un excès d’amour qui lui fait oublier les avis des dieux, foiblesse qui n’exclud pas de grandes vertus, et avec laquelle une femme peut s’attirer d’ailleurs le respect et l’admiration.
Constantin hésita longtemps entre Mithra, dieu alors fort populaire, et Jésus, pas encore universellement estimé. […] On peut aussi faire remarquer que les religions anciennes ou primitives, autant que nous les connaissons, comportent presque toujours le sacrifice du dieu, sa mise à mort et le repas de communion des fidèles avec le corps divin représenté symboliquement ou même réellement, si le dieu de la tribu est un animal. […] En mangeant d’un animal, d’un héros ou d’un dieu, on s’approprie les qualités de la victime. […] Un homme avec une trompe d’éléphant, c’est Ganéça, dieu de la science, dans l’Inde : ce n’est pas si mal trouvé. […] Voir Saint-Yves, les Saints successeurs des dieux et le Discernement du miracle ; Paris, Nourry, 1907 et 1909.