Parmi tous les mystères indépendants où un événement particulier, une destinée individuelle sont exposés, trois compositions d’un caractère plus général se détachent : le Mystère du Vieil Testament, qui, en près de 50 000 vers, nous mène du Paradis terrestre jusqu’au temps d’Auguste ; le Mystère de la Passion, qui, en près de 35 000 vers dans l’œuvre de Gréban. embrasse tous les récits des Évangiles, et le Mystère des Actes des Apôtres, qui, en plus de 60 000 vers, expose la diffusion de la religion nouvelle et le martyre des premiers serviteurs du Christ. […] Mais il n’est pas même sûr que ce découpage de Darès le Phrygien et de Benoît de Sainte-More ait jamais été joué, et qu’il y ait là autre chose qu’un roman dialogué destiné au divertissement des lettrés qui lisaient. […] En effet, quelque profane qu’apparaisse souvent l’esprit des mystères, ils n’en sont pas moins le produit d’une intention pieuse et destinés à l’édification.
Ce qui prouve combien cette Foi est nécessaire, c’est le besoin que nous avons d’être fixés ; car notre esprit n’est pas destiné à se nourrir de doutes & d’incertitude ; c’est le besoin d’une Morale fixe & invariable, d’une Morale qui agisse sur l’esprit & sur le cœur. […] Mais s’ils avoient appris, & s’ils étoient fermement persuadés qu’ils ont le souverain Juge pour témoin de leurs actions & de leurs pensées les plus secretes, ne doutez pas que la plupart ne fussent retenus, par la crainte des supplices destinés à la méchanceté » *. […] En supposant que l’Homme soit réduit par sa nature à la triste destinée de choisir entre les erreurs ; pourquoi ces prétendus Apôtres de l’humanité, qui n’en sont que les ennemis ; s’obstinent-ils à se décider pour la plus odieuse & la plus funeste ?
Ainsi, tandis qu’ils sont doués avec une intensité variable d’aptitudes déterminées, tandis qu’ils sont prédisposés à certaines manières de sentir, de penser et de vouloir, destinés à telle manifestation spéciale de l’activité, voici qu’ils méconnaissent ou méprisent ces aptitudes et ces tendances, et s’identifient avec un être différent. […] Une même ignorance, une même inconsistance, une même absence de réaction individuelle semblent les destiner à obéir à la suggestion du milieu extérieur à défaut d’une auto-suggestion venue du dedans. […] Ce qu’il faut donc constater en fin de compte, c’est qu’avec la philosophie et la science, c’est qu’avec l’universalité des modes de la connaissance, l’homme se conçoit propre à atterrir en des régions qui lui demeurent inaccessibles, à posséder un savoir qu’il ne conquiert jamais, qu’il se conçoit né pour des fins qui ne sont pas les siennes, qu’il y a un abîme entre sa destinée et la destination qu’il se suppose, qu’essentiellement, et dans son activité la plus haute, il se conçoit autre qu’il n’est.
Si tu te plains de n’avoir pas une jolie voix, je t’ôterai de plus ton plumage. » Avis aux hommes qui regrettent toujours de n’avoir pas les qualités qui leur manquent et qui les réclament à la Destinée. […] Mais enfin le bonheur, c’est dans la médiocrité qu’il faut le chercher et surtout il ne faut pas être, comme le mulet de finances, fier de sa fortune, fier des dons de la destinée, car ils ont quelque chose d’incertain. […] Il est envoyé, par les ordres de la Destinée qui préside au sort des Follets, il est envoyé des Indes en Norvège, dans les pays du Nord.
Ce malheureux homme, au milieu de ses extravagances, avait un vague instinct et un pressentiment de la destinée funeste qu’il se tramait de ses propres mains : il répétait souvent, parlant à la grande-duchesse elle-même, quand elle essayait encore de le ramener à l’idée du rôle qu’il aurait à remplir, « qu’il sentait qu’il n’était pas né pour la Russie, que ni lui ne convenait aux Russes, ni les Russes à lui, et qu’il était persuadé qu’il périrait en Russie. » Les Anciens avaient personnifié l’imprudence et l’aveuglement des hommes sous la figure d’une déesse aussi terrible que Némésis, aussi inévitable que la Destinée elle-même : Atè, c’était son nom.