/ 1943
221. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Or c’est le degré do l’énergie en jeu qui décide de la catégorie tragique ou comique sous laquelle le phénomène va se classer. […] Un peu au-dessus de Regimbard, pour le degré d’énergie dont ils sont doués, voici d’autres personnages de L’Éducation sentimentale qui, parce qu’ils ont pris le change sur leur véritable personnalité, sont condamnés à l’insuccès. […] Si le Bovarysme, selon le degré d’énergie du personnage que l’on considère, se traduit tantôt par des effets comiques et tantôt par des conséquences tragiques, on a pu voir déjà, d’après les analyses précédentes, qu’il s’exerce, sur des parties diverses de la personne humaine. L’homme peut en effet tour à tour prendre le change sur la nature et le degré de sensibilité, de son intelligence ou de sa volonté.

222. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Selon que le système nerveux est plus ou moins complexe, selon qu’il comporte des centres d’inhibition plus ou moins nombreux, plus ou moins forts, scion que la faculté d’imaginer et la mémoire sont plus ou moins puissantes, plus ou moins capables de combattre les excitations immédiates par la représentation d’excitations futures ou passées, selon le degré de force ou de faiblesse également de cette excitation immédiate, au gré de toutes ces causes purement organiques, l’individu se forme une conception du bonheur plus ou moins brutale, plus ou moins abstraite et raffinée. L’inclination vers ce que l’on nomme le bien moral suppose toujours un certain degré de prédominance de la faculté d’imaginer sur la sensibilité immédiate : mais elle peut résulter aussi bien, car il ne s’agit là que d’un rapport, de la faiblesse de celle-ci que de la force de celle-là, en sorte que parmi ceux que la morale qualifie bons et qui se conforment aux prescriptions fixées par l’idéal social ou religieux du moment, il y a déjà des différences extrêmes. […] Voici donc l’homme : rigoureusement déterminé quant à la qualité, quant au degré de sa force — physique, intellectuelle et morale — par des causes situées dans le passé et intangibles, façonné par des circonstances dont il n’est pas maître, qui surgissent ou ne surgissent pas, et qui décident quel parti sera tiré de l’élasticité rigoureusement limitée elle-même de ses instincts hérités, cet homme dont la faculté de s’efforcer, de réagir, de se résoudre, sort de l’inconnu, cet homme se croit libre. […] Parvenue à ce degré d’affinement et de sincérité dans la recherche, la philosophie rejoint la biologie, la physique et la chimie et enfièvre, de l’ardeur qui la suscita, les sciences les plus positives.

223. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Mais le degré de valeur d’un homme en place étant exposé au grand jour, les louanges qu’on lui donne, s’il en est indigne sont honteusement démenties par le public ; au lieu que les langues qu’on appelle savantes étant presque absolument ignorées, leurs panégyristes ne craignent guère d’être contredits. […] Ajoutons que ce plaisir même n’est pas absolument semblable pour les différents peuples modernes ; que tel vers de Virgile doit paraître plus harmonieux à un Français, tel autre à un Allemand, et ainsi du reste ; mais que tout se compense de manière qu’il résulte en total pour chaque nation le même degré de plaisir harmonique de la lecture d’une page de Cicéron ou de Virgile. […] Il en résulte d’abord pour eux, dans un degré à peu près égal et semblable, le plaisir qui naît de la mesure ; plaisir qui est ensuite modifié différemment par la proportion qu’ils mettent entre les notes dans chaque mesure particulière, et par la manière différente dont ils appuient sur ces notes. […] Les Italiens trouvent, et avec raison, que les étrangers l’écorchent ; un Français ou un Anglais qui chantent devant eux leur musique, leur font grincer les dents ; cependant ces étrangers, tout en écorchant la musique italienne, y éprouvent un certain degré de plaisir, et même assez vif pour affecter beaucoup ceux d’entre eux qui ne sont dénués ni de sentiment ni d’oreille.

224. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

C’est une anarchie parce que toute règle extérieure manque, mais qu’il n’existe qu’un esprit de vie intérieur et invisible ; c’est une démocratie parce que c’est le règne de l’homme-masse, ou Démos, dans chacun ; c’est une aristocratie parce que dans tous les hommes il y a des degrés et des rangs de pouvoir intérieur ; et c’est une monarchie parce que tous ces degrés et ces rangs forment enfin une parfaite unité, un contrôle central. […] Il considère cette « autorité » extérieure comme l’une des conséquences, l’un des produits et l’une des phases, comme le degré supérieur de la solidarité sociale, comme l’union cordiale et intime de l’élite et de la foule dans une libre confiance commune, dans une mutuelle expansion. […] Celui qui considère à priori tous les hommes nés en dehors des frontières de son pays, comme des ennemis ou des « étrangers », qui ne les voit pas d’un œil simplement humain, se renie lui-même et redescend aux degrés de l’animalité.

225. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Rien n’est plus ingénieux et plus vraisemblable, monsieur, que ce que vous dites des premières observations qui n’ont pu être faites que dans des pays où le plus long jour est de seize heures et le plus court de huit ; mais il me semble que les Indiens septentrionaux, qui demeuraient à Cachemire, vers le trente-sixième degré, pouvaient bien être à portée de faire cette découverte. […] L’invention dépend essentiellement d’une certaine inquiétude de l’esprit qui sans cesse tire l’homme du repos, où il tend sans cesse à revenir. » Il y a un degré d’ignorance et de stagnation qui, selon lui, ne peut exister avec l’esprit inventeur : Quand je verrai dans la ménagerie de Versailles un éléphant qui ne produit pas, j’en conclurai que c’est un animal étranger, né sous un ciel plus chaud. […] Voltaire, qui se sentait ainsi conduit et promené d’hypothèse en hypothèse, résistait en plaisantant ; il avait dès l’abord écrit à Bailly : J’étais toujours persuadé que le pays des belles nuits était le seul où l’astronomie avait pu naître ; l’idée que notre pauvre globe avait été autrefois plus chaud qu’il n’est, et qu’il s’était refroidi par degrés, me faisait peu d’impression.

/ 1943