/ 1838
151. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

L’autre développe d’une manière un peu plus précise et plus circonstanciée le véritable sujet de la pièce. Sans cette exposition, qui consiste quelquefois dans un récit, et quelquefois se développe peu à peu dans le dialogue des premières scènes, il serait comme impossible aux spectateurs d’entendre une tragédie dans laquelle les divers intérêts et les principales actions des personnages ont un rapport essentiel à quelque autre grand événement qui influe sur l’action théâtrale, qui détermine les incidents, et qui prépare, ou comme cause, ou comme occasion, les choses qui doivent ensuite arriver. […] Cette exposition du sujet ne doit point être si claire, qu’elle instruise parfaitement le spectateur de tout ce qui doit arriver dans la suite, mais le lui laisser entrevoir comme une perspective, pour le rapprocher par degrés et le développer successivement, afin de ménager toujours un nouveau plaisir partant du même principe, quoique varié par de nouveaux incidents qui piquent et réveillent la curiosité. […] Il est difficile, en effet, de croire que les discours de deux personnages passionnés aient d’autre objet que de développer leurs sentiments ; et, à la faveur de cette émotion, le poète instruit adroitement les spectateurs de tout ce qu’il a intérêt qu’on sache. […] Chaque réplique serait un nouveau pas vers le dénouement, un des chaînons de l’intrigue, en un mot, un moyen de nouer ou de développer, de préparer une situation ou de passer à une situation nouvelle.

152. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Schlegel) était alors d’autant plus délicate que les facultés rationnelles étaient moins développées. […] La faculté d’interprétation, qui n’est qu’une sagacité extrême à saisir les rapports, était en eux plus développée ; ils voyaient mille choses à la fois. […] Ainsi l’organisation spontanée, qui à l’origine fit apparaître tout ce qui vit, se conserve encore sur une échelle imperceptible aux derniers degrés de l’échelle animale ; ainsi les facultés spontanées de l’esprit humain vivent dans les faits de l’instinct, mais amoindries et presque étouffées par la raison réfléchie ; ainsi l’esprit créateur du langage se retrouve dans celui qui préside à ses révolutions ; car la force qui fait vivre est au fond celle qui fait naître, et développer est en un sens créer. […] Est-ce donc dresser la science de l’homme que de ne l’étudier, comme l’a fait la psychologie écossaise que dans son âge de réflexion, alors que son originalité native est comme effacée par la culture artificielle et que des mobiles factices ont pris la place des puissants instincts sous l’empire desquels il se développait jadis avec tant d’énergie ? […] Du moment que l’humanité est conçue comme une conscience qui se fait et se développe, il y a une psy-chologie de l’humanité, comme il y a une psychologie de l’individu.

153. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Ce sont ces sentiments qu’elle voulut voir développés sur la scène autant pour sa consolation que pour son amusement. » On sait en effet, par l’intéressante histoire qu’a tracée d’elle madame de La Fayette, combien Madame et son royal beau-frère s’étaient aimés dans cette nuance aimable qui laisse la limite confuse et qui prête surtout au rêve, à la poésie. […] Racine a eu droit de rappeler en sa préface que la véritable invention consiste à faire quelque chose de rien ; ici ce rien, c’est tout simplement le cœur humain, dont il a traduit les moindres mouvements et développé les alternatives inépuisables. […] 15 janvier 1844 Pour compléter ces jugements sur Racine, on peut chercher ce que j’en ai dit plus tard dans une étude reprise à fond et développée, au tome V de Port-Royal (liv.

154. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

Au lieu d’inculquer des notions toutes faites, elle peut s’efforcer d’éveiller et de développer l’esprit critique. […] Sans doute il peut arriver que les qualités développées par cette éducation coïncident avec une personnalité vigoureuse, une volonté forte, une intelligence pénétrante, une sensibilité vive et originale ; mais c’est par un accident heureux que cette rencontre a lieu. […] L’individualisme stirnérien, on pourrait dire aussi l’individualisme spencérien, est tout négatif ; il consisterait à supprimer toute éducation et à laisser l’enfant se développer en toute liberté.

155. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

. — Je reviens au Raphaël d’aujourd’hui, à celui de M. de Lamartine : S’il eût tenu un pinceau, dit notre auteur, il aurait peint la Vierge de Foligno ; s’il eût manié le ciseau, il aurait sculpté la Psyché de Canova ; s’il eût connu la langue dans laquelle on écrit les sons, il aurait noté les plaintes aériennes du vent de mer dans les fibres des pins d’Italie… S’il eût été poète, il aurait écrit les apostrophes de Job à Jéhovah, les stances d’Herminie du Tasse, la conversation de Roméo et Juliette au clair de lune, de Shakespeare, le portrait d’Haydé de lord Byron… S’il eût vécu dans ces républiques antiques où l’homme se développait tout entier dans la liberté, comme le corps se développe sans ligature dans l’air libre et en plein soleil, il aurait aspiré à tous les sommets comme César, il aurait parlé comme Démosthène, il serait mort comme Caton. […] Joubert, parlant de ces défauts, bien moins développés, mais déjà sensibles, chez Bernardin de Saint-Pierre, disait : Il y a dans le style de Bernardin de Saint-Pierre un prisme qui lasse les yeux.

/ 1838