Faibles que nous sommes, en ces jours de travail inachevé, nous sentons toujours en nous un ordre de facultés se développer aux dépens de l’autre. […] D’ailleurs, le drame métaphysique n’étant pas astreint, dans sa forme, à la marche régulière des événements, mais suivant à loisir les phases de la pensée qu’il développe, le lecteur se préoccupe assez peu de l’accomplissement des faits, pourvu que la pensée soit suffisamment développée. Les deux premiers actes de Faust feraient une œuvre complète, et l’arrivée de Marguerite dans le drame ouvre déjà un drame nouveau où Faust n’a guère à se développer, et ne se développe guère en effet. […] À n’en supposer que cinq par roman, nous verrions arriver un chiffre d’environ cinq cents ; or, certains romans en contiennent et en développent trente. […] Je ne me défendais jamais, ni devant lui ni devant moi-même ; mais mon individualité littéraire était si peu développée, que je ne savais pas toujours bien ce qu’il voulait me faire retrancher ou ajouter dans ma manière.
Il abonde en épigrammes développées contre les galanteries, les toilettes exagérées, les visites vaines913. […] si pour l’exciter à la piété on l’avertissait915 que l’omniscience et l’omniprésence de Dieu nous fournissent trois sortes de motifs, et si on lui développait démonstrativement ces trois sortes, la première, la seconde et la troisième ? […] Il souhaite des phrases développées qui, lui présentant la même idée sous plusieurs faces, l’impriment aisément dans son esprit distrait.
Dans cette situation, le sentiment de la paternité se développa chez Goriot jusqu’à la déraison ; il reporta ses affections trompées par la mort sur ses deux filles, qui, d’abord, satisfirent pleinement tous ses sentiments. […] Son embonpoint ne détruisait ni la grâce de sa taille, ni la rondeur voulue pour que ses formes demeurassent belles quoique développées. […] La plupart de mes idées, et même les plus audacieuses en science ou en politique, sont nées là, comme les parfums émanent des fleurs ; mais là verdoyait la plante inconnue qui jeta sur mon âme sa féconde poussière ; là brillait la chaleur solaire qui développa mes bonnes et dessécha mes mauvaises qualités.
Quand il a réuni une quantité suffisante de matériaux, il les groupe sous diverses légendes : il possède tout un dossier sur chacun de ses personnages ; il parle d’eux comme s’ils vivaient réellement ; il indique leur âge, les circonstances dans lesquelles ils se sont développés : il imagine même souvent des détails qu’il ne livre pas au public, mais dont il tire les conséquences Surtout, il soigne le portrait. […] » Le passage souligné est la clef de tout le caractère : cette Nana, d’ailleurs, est la suite, le développement de la Nana que nous avons vue l’œuvre dans L’Assommoir : n’ayant pas assez de cœur pour être méchante, elle aurait peut-être pu prendre de la raison si elle s’était développée dans un autre milieu ; mais dans la boue où elle a poussé, elle a puisé toute une sève mauvaise Un peu plus loin, dans les notes dont nous venons de citer quelques fragments, on peut lire cette phrase profonde : « Nana, c’est la pourriture d’en bas, l’Assommoir remontant et pourrissant les classes d’en haut. […] Il s’agit de découper en quelques tableaux une œuvre traitée sans considérations d’espace ; d’amener, dans un même acte, des personnages qui semblent n’avoir aucune raison de se trouver dans les mêmes lieux ; de condenser en quelques heures une action qui met souvent des années à se développer ; de faire ressortir, par l’action seulement, une foule de faits, de détails que le romancier peut mettre en relief par la description.
Dans nos études sur la morale, nous avons cherché un principe de réalité et d’idéal tout ensemble capable de se faire à lui-même sa loi et de se développer sans cesse : la vie la plus intense et la plus expansive à la fois, par conséquent la plus féconde pour elle-même et pour autrui, la plus sociale et la plus individuelle45. […] Même lorsqu’ils se sont inspirés de types réels, il les ont toujours plus ou moins transfigurés en y ajoutant des traits significatifs et suggestifs ; le génie refait toujours plus ou moins la nature, l’enrichit, la développe. […] Nous savons tout cela, car c’est le milieu même où l’action s’est développée ; le romancier nous l’a dépeint, sans omettre l’oie qui tourne sur sa broche, et pourtant toutes ces choses vulgaires reculent au second plan ; c’est que nous ne les voyons qu’avec les yeux de l’esprit, lesquels sont occupés du héros et de l’héroïne, et toute cette mise en scène triviale n’aura d’autre résultat que de nous persuader que nous assistons à une scène très réelle, parmi les choses que nous voyons chaque jour.