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319. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Mme André Léo n’a, elle, de charité que pour l’orgueil de l’ouvrier qu’elle développe autant qu’elle le peut… et dont, partout, dans tous ses ouvrages, depuis un Mariage scandaleux, qui est une mésalliance, jusqu’aux Désirs de Marinette et Double Histoire, elle aiguise les haines et encourage les mépris contre la Bourgeoisie, en vue des soulèvements qui, demain, vont éclater… Elle chauffe à outrance cette marmite au pétrole, qui peut tout brûler, avec l’air de n’y pas toucher, cette innocente, réfugiée à Genève ! […] Que sont-elles, toutes ces sèches et longues institutrices anglaises, qui sentent leur esclavage et qui tordent leurs malheureuses échines sur le pal qui les embroche, et sur lequel elles tournent, au feu du désir… de n’être plus des institutrices, auprès de cette sybarite de Mme André Léo, qui trouve cette fonction d’institutrice savoureuse et voluptueuse et qui, mêlant l’amour de la science à l’amour chaste de l’amour, crée, dans ses romans, des Abeilards sans catastrophes, lesquels font, en même temps, à leurs maîtresses la classe de l’amour ; puis, après les épousailles, ouvrent une école et sont ensemble pour la vie, conjugalement, institutrices et instituteurs.

320. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

C’est Elzéar de Sabran lui-même qui a désiré que les Lettres de sa mère fussent publiées, et les éditeurs se sont conformés à ce désir. […] Et de fait, on a vu des lettres d’amour de plus de flammes, de plus d’élancement de désir, de plus d’intensité et de torsion de désespoir, mais on n’en a pas vu de ce genre d’accent.

321. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Arsène Houssaye » pp. 271-286

ont le rêve et le désir audacieux. […] Seulement, le clocher ne tombe pas, par un miracle d’équilibre, et il est très solide au fond, tan dis que madame de Montmartel, qui ne l’est pas, ne tombe point parce que ce qui doit l’entraîner : l’illusion et le désir, s’en vont avant la chute, ce qui, certes !

322. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Les premiers regardent ces éloges comme une justice rendue à des citoyens utiles, ou qui ont voulu l’être ; comme une manière de plus d’honorer les arts ; comme un tribut de l’amitié entre les hommes qui ont été unis par le désir de s’instruire ; comme des matériaux pour l’histoire de l’esprit humain ; enfin, comme un encouragement et une leçon qui apprennent aux citoyens de toutes les classes que le mérite peut quelquefois tenir lieu de fortune et attirer aussi le respect. […] Vous en voyez plusieurs passionnés pour l’étude, et indifférents pour la gloire ; éloignés de cette ostentation, qui est toujours faiblesse ; ne s’apercevant pas même de ce qu’ils sont, ce qui est la vraie modestie ; honorant leurs bienfaiteurs, louant leurs rivaux, assez fiers pour faire du bien à leurs ennemis ; vous en voyez quelques-uns, ornés des grâces, qui, dans le monde, font pardonner les vertus ; mais ce qui fait le caractère du plus grand nombre, ce sont toutes les qualités que donne l’habitude de vivre plus avec les livres qu’avec les hommes : je veux dire des mœurs, les sentiments de la nature ; cette candeur si éloignée de toute espèce d’art ; Cette bonne foi de caractère qui agit d’après les choses, non d’après les conventions, et ne songe jamais à prendre son avantage avec les hommes ; une simplicité qui contraste si bien avec le désir éternel d’occuper de soi, vice des cœurs froids et des âmes vides ; l’ignorance de presque tout, hors des choses utiles et grandes ; une politesse qui quelquefois néglige les dehors, mais qui, au lieu d’être ou un calcul fin d’amour-propre, ou une vanité puérile, ou une fausseté barbare, est tout simplement de l’humanité ; enfin cette tranquillité d’âme, qui, ayant apprécié tout, et n’estimant dans ce songe de la vie que ce qui mérite de l’être, c’est-à-dire, bien peu de choses, ne se passionne pour rien, et se trouve au-dessus des agitations et des faiblesses.

323. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Jean Reynaud froisse les dogmes, c’est d’une main délicate, que son plus cher désir est de s’entendre avec l’Église, et que s’il tient à la science, c’est pour la faire entrer dans le christianisme. […] L’argent, la gloire, le plaisir, préparés et amoncelés, y sont une curée après laquelle s’acharne une meute de désirs insatiables, exaspérés par l’attente et la rivalité. […] Un seul goût a régné : le désir de parfaitement parler. […] Cela même est une source de consolation, consolation amère, mais fortifiante ; quel cas puis-je faire de mes chagrins et de mes désirs quand je compare ma petitesse à l’immensité ! […] Toute existence est une souffrance, parce qu’elle comporte la vieillesse, la maladie, la privation et la mort. — Mais ce qui a fait d’elle une souffrance, c’est le désir, sans cesse renouvelé et sans cesse contrarié, par lequel nous nous attachons aux objets, à la jeunesse, à la santé, à la vie. — Donc, pour détruire la souffrance, il faut détruire ce désir. — Pour le détruire, il faut renoncer à soi-même, « se délivrer de la soif de l’être », ne plus sentir d’attrait pour aucun objet ni pour aucun être.

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