Les difficultés, d’ailleurs, ne paraissent pas avoir été bien grandes. […] Sur la reine Marie-Leckzinska, y revenant à deux reprises et marquant tous les devoirs qu’il faudra que la dauphine remplisse envers elle avec exactitude, il satisfait d’ailleurs et tranquillise l’orgueil saxon en ajoutant que ce n’est que pour la forme et la bienséance : « Car cette princesse, je l’ai déjà dit, ne peut rien et n’a pas assez de génie pour pouvoir quelque chose. » Tous ces succès le mettent, on le conçoit, en belle humeur et en gaieté ; il joue avec le ministre de son frère, le comte de Bruhl, dont il n’avait pas toujours eu à se louer ; il le raille en passant, et faisant allusion aux conditions politiques très peu onéreuses que Louis XV mettait au mariage : « Il ne tient donc plus qu’à vous, écrivait-il, de conclure l’affaire qui est grande, belle et magnifique, et aura des suites encore plus grandes ; mais, pour l’amour de Dieu, concluez et n’apportez ni délais ni difficultés.
Ces projets de réforme radicale dans l’orthographe, mis en avant par Meigret et par Ramus, ont échoué ; Ronsard lui-même recula devant l’emploi de cette écriture en tout conforme à la prononciation : il se contenta en quelques cas d’adoucir les aspérités, d’émonder quelques superfétations, d’enlever ou, comme il disait, de racler l’y grec : il avait d’ailleurs ce principe excellent que « lorsque tels mots grecs auront assez longtemps demeuré en France, il convient de les recevoir en notre mesnie et de les marquer de l’i français, pour montrer qu’ils sont nôtres et non plus inconnus et étrangers. » — Et pour le dire en passant, cette règle est celle qui se pratique encore et qui devrait prévaloir pour tout mot ou toute expression d’origine étrangère. […] Il y a, d’ailleurs, quantité de corrections à introduire dans le nouveau Dictionnaire et qui ne sauraient faire doute un moment.
. — Sont venus ensuite les Girondins, et j’appelle ainsi tous les hommes du second moment, ceux d’après la fuite de Varennes, la plupart provinciaux, s’échauffant et s’enflammant à mEsure que les premiers se refroidissaient, et qui sont entrés dans l’arène politique avec des pensées républicaines honnêtes, avec la conviction arrêtée de l’incompatibilité de Louis xvi et de la Révolution, apportant d’ailleurs dans la discussion et la conduite des affaires plus d’ardeur et de générosité ou d’utopie que de réflexion et de prudence, depuis Brissot, Roland et sa noble femme, jusqu’à Condorcet. — Puis les Montagnards : ceux-ci violents, exaspérés, partant d’un principe extrême, s’inspirant d’une passion outrée, mais bon nombre également sincères, patriotes, d’une intégrité exemplaire, ne songeant dans l’établissement de leur terrible dictature temporaire qu’à la défense du territoire et au salut de la Révolution : Carnot, Cambon, Robert Lindet, Jean-Bon Saint-André, d’autres moins en vue comme Levasseur, Baudot… Pour les juger avec équité, il faut faire la part du feu, la part de la fièvre, et sacrifier sans doute beaucoup des idées applicables aux temps ordinaires ; mais, historiquement, à leur égard, ce n’est que justice. — Puis, la Terreur passée, il y a eu les hommes fermes, modérés, honorables, qui ont essayé de fonder l’ordre et le régime républicain en dépit des réactions, les hommes de l’an iii, Thibaudeau, Daunou, La Revellière-Lépeaux… — Je compterai ensuite une autre génération d’hommes politiques, ceux de 1797, de la veille de Fructidor, très honnêtes gens d’intention, un peu prématurés d’action et d’initiative, qui voulaient bien peut-être du régime légalement institué, mais qui le voulaient avec une justice de plus en plus étendue et sans les lois d’exception : les Barbé-Marbois, les Portalis, les Camille Jordan. — Enfin il y eut, à la dernière heure du Directoire, les hommes qui en étaient las avec toute la France, qui avaient soif d’en sortir et qui entrèrent avec patriotisme dans la pensée et l’accomplissement du 18 brumaire : Rœderer, Volney, Cabanis… Je crois que je n’ai rien omis, que tous les moments essentiels de la Révolution sont représentés, et que chacun de ces principaux courants d’opinion vient, en effet, livrer à son tour au jugement de l’histoire des chefs de file en renom, des hommes sui generis qui ont le droit d’être jugés selon leurs convictions, selon leur formule, et eu égard aux graves et périlleuses circonstances où ils intervinrent. […] Il serait aisé, d’ailleurs, de faire sourire en citant des parties ou des phrases détachées, et ce ne serait pas juste ; nous laissons passer tous les jours et nous louons des choses qui paraîtront pour le moins aussi singulières et aussi artificielles, quand la mode n’y sera plus.
Mais, à part ces modifications assez secondaires et d’ailleurs antérieures en date, la principale ligne de doctrine de l’abbé de La Mennais, surtout depuis son Essai sur l’Indifférence, n’avait pas fléchi. […] Il importe que ces germes, en se hâtant trop, ne se mêlent pas avec d’autres moins purs et qui font partout ivraie ; et d’ailleurs le bon blé ne reste-t-il pas assoupi tout un hiver dans son sillon ?
Ce n’est pas d’ailleurs en différences et en contrastes que se passera toute cette comparaison : Regnier et Chénier ont cela de commun qu’ils sont un peu en dehors de leurs époques chronologiques, le premier plus en arrière, le second plus en avant, et qu’ils échappent par indépendance aux règles artificielles qu’on subit autour d’eux. […] Pour juger André Chénier comme homme politique, il faut parcourir le Journal de Paris de 90 et 91 ; sa signature s’y retrouve fréquemment, et d’ailleurs sa marque est assez sensible. — Relire aussi comme témoignage de ses pensées intimes et combattues, vers le même temps, l’admirable ode : Ô Versailles, ô bois, ô portiques !