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954. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Mais je vous avoue que je ne m’y crois nullement propre. […]  » Ces paroles signifient : « Il y a trois ans, quand madame de Montespan vivait bien avec son mari, j’aurais consenti volontiers à élever ses enfants : ainsi qu’on ne croie pas que c’est l’orgueil ou l’ambition qui me font demander un ordre du roi ; qu’on croie encore moins que c’est le désir d’attirer sur moi les regards du prince. » Ici la précaution me semble d’autant plus marquée, que madame Scarron pouvait à bon droit trouver au-dessous d’elle l’éducation des enfants légitimes du marquis de Montespan, bien qu’ils fussent au-dessus des bâtards de la marquise. […] À quoi aurait servi d’opposer son honneur aux désirs d’un prince, source de tous les honneurs, et habitué à croire qu’il élève les femmes par les fautes mêmes où il les abaisse ? […] Tous les biographes81 s’accordent, avec raison, à dire, d’après la correspondance de madame de Maintenon, que, « parvenue aux grandeurs, elle se trouva si importunée des respects que son nouvel état inspirait au directeur, qu’elle crut devoir donner sa confiance à un autre ». […] Il faudrait supposer madame de Maintenon une femme sans jugement et tout à fait vulgaire pour croire qu’elle ait pu être dupe d’un aussi petit esprit et d’un caractère aussi ignoble que Gobelin : et pour faire une telle supposition, il faudrait ne pas lire sa correspondance avec le directeur dont elle dirigeait les directions.

955. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Jamais être ne fut plus comblé : il reçut en partage tous les dons, même le bonheur ; c’est à croire que toutes les fées assistèrent à sa naissance, toutes, excepté une seule, celle qui brille le moins et dont l’absence ne se fait sentir que plus tard, à mesure qu’on avance dans la vie. […] Je le dirai tout à l’heure, si je l’ose ; mais certainement le poète ne croit pas qu’elle lui ait manqué. […] C’est lui qui, dans la fable du berger devenu ministre, a dit, pour nous expliquer comment le pauvre homme, brusquement jeté du milieu de son troupeau au gouvernail d’un État, s’en tire beaucoup mieux qu’on n’aurait pu croire : Il avait du bon sens, le reste vient ensuite. […] Racontant l’emprisonnement de son père pendant la Terreur, M. de Lamartine nous fait assister à des scènes tant soit peu romanesques, et qu’il me permettra de ne croire qu’avec réserve ; car il était trop enfant pour les remarquer alors, et aucun des deux acteurs n’a dû certainement les lui apprendre avec le détail qu’il nous donne aujourd’hui. […] On aurait tort de croire qu’à travers ces défauts qui blessent, il n’y ait pas, malgré tout, de charmants détails, mille retours heureux où le poète se joue et retrouve sa touche légère.

956. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

De cette dernière phase, il ne nous reste que des débris, et tout porte à croire qu’elle était plutôt un sentiment de l’âme qu’une doctrine rigoureusement philosophique. […] On veut savoir de quelle étoffe les choses sont faites, et l’on croit que Dieu les compose avec sa substance, comme un tailleur fait un habit avec du drap, à quoi les théologiens répondent que le drap est tiré du néant ; mais pour les uns et les autres il faut du drap. […] Aujourd’hui une jeunesse passionnée et ardente croit trouver la liberté par la voie du matérialisme, comme si l’essence même du despotisme n’était pas de se servir de la matière pour opprimer l’esprit ! […] Un triste aveuglement les méconnaît aujourd’hui et croit travailler à la cause du droit en combattant la cause de l’esprit. […] Comme eux, nous croyons que le droit est inséparable d’un ordre intelligible et moral dont nous sommes les citoyens, et dont le souverain, c’est-à-dire Dieu, est le type absolu de la sainteté et de la justice.

957. (1761) Apologie de l’étude

Et là-dessus on débitera des maximes qu’on croira bien vraies, parce qu’elles seront bien triviales ; et on citera le beau passage de Cicéron sur l’avantage des lettres, dans son oraison pour le poète Archias ; et on croira cet avantage prouvé sans réplique ; car que répondre à un passage de Cicéron ? […] Quoi qu’il en soit, ceux qui ont décrié la culture de l’esprit comme un grand mal, désiraient apparemment que leur zèle ne fût pas sans fruit, car ce serait perdre des paroles que de prêcher contre un abus qu’on n’espère pas de détruire : or, dans cette persuasion, je m’étonne qu’ils aient cru porter aux lettres la plus mortelle atteinte, en leur attribuant la dépravation des mœurs. […] J’écrivis, le cœur serré, un long et triste ouvrage de morale, où je croyais pu moins avoir prêché la vertu la plus pure. […] Une seule espèce d’écrivains m’a paru posséder un bonheur sans trouble ; c’est celle des compilateurs et commentateurs, laborieusement occupés à expliquer ce qu’ils n’entendent pas, à louer ce qu’ils ne sentent point, ou ce qui ne mérite pas d’être loué ; qui pour avoir pâli sur l’antiquité, croient participer à sa gloire, et rougissent par modestie des éloges qu’on lui donne. […] Vous vous plaignez des critiques ; mais savez-vous que se faire imprimer, est une manière tacite et modeste d’annoncer aux autres hommes, souvent très mal à propos, qu’on croit avoir plus d’esprit qu’eux ; et deviez-vous vous flatter de ne point essuyer là-dessus de contradiction ?

958. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Vous renouvelez Condillac ; donc vous ne pouvez croire ni à la vérité, ni à la justice, ni à Dieu » — Bon Dieu ! […] Il ne leur imposait point l’obligation d’admirer ou de croire ; il les laissait libres, et cependant les guidait avec une bonté si complaisante et par des sentiers si unis, qu’on ne pouvait s’empêcher de le suivre et de l’aimer. […] Comme, dans bien des têtes, les mots métaphysique, obscurité, difficulté, se trouvent confondus, il se pourrait que, si j’ai quelquefois eu le bonheur de m’expliquer avec clarté, on ait cru entendre autre chose que de la métaphysique. […] Il les ramène à leur origine, et note les légères différences qui les séparent ; il marque soigneusement le sens des mots et les nuances des expressions ; il enseigne aux gens le français qu’ils croient avoir appris, et la logique qu’ils pensent savoir de naissance. […] Je crois pourtant que, si la psychologie se bornait à enseigner des vérités de cet ordre, son utilité serait médiocre.

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