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2315. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

J’ai sous les yeux quelques-unes de ces traductions en vers de Bossuet, notamment celle du beau psaume mélancolique : Super flumina Babylonis ; je croirais faire injure à cette grande mémoire que d’en citer même une seule stance. […] — « Monsieur, je vous ai toujours cru honnête homme, disait un jour à Bossuet un incrédule au lit de mort ; me voici près d’expirer, parlez-moi franchement, j’ai confiance en vous : que croyez-vous de la religion ? […] Bossuet croit à la religion de toute son intelligence et de tout son cœur, et dans le cours de cette vie si pleine on ne voit pas d’interstice par où le doute se soit jamais introduit.

2316. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Le livre liie , notamment, qui s’intitule « Brienne et Montmirail », ces 170 pages qui embrassent moins d’un mois, qui développent surtout ces huit brillantes journées (10-18 février) de victoires arrachées coup sur coup, de succès enchaînés, Champaubert, Montmirail, Château-Thierry, Vauchamps, jusqu’à Montereau où le temps d’arrêt recommence, ces bonnes journées dans lesquelles Napoléon put croire au retour de son soleil et sourire aux dernières faveurs de la fortune, n’ont rien qui les égale, et M.  […] Les armées des coalisés, d’ailleurs, en se portant d’une rivière à l’autre, et en étendant leurs bras de manière à pouvoir se donner la main dans les intervalles, ne croyaient pas se diviser, mais se déployer seulement ; elles se flattaient de n’opérer qu’un plus large mouvement de pression, un refoulement alternatif, en débordant l’armée française tantôt sur une aile, tantôt sur l’autre. […] C’est le même sentiment d’honneur héroïque et royal, et du noble orgueil invincible qu’on n’en saurait séparer, qui faisait dire au grand Frédéric, au moment le plus désespéré de la guerre de Sept Ans et dans les heures terribles où il songeait à se donner la mort, plutôt que de signer son déshonneur et celui de sa patrie (juillet-octobre 1757) : J’ai cru qu’étant roi, il me convenait de penser en souverain, et j’ai pris pour principe que la réputation d’un prince devait lui être plus chère que la vie… Je suis très résolu de lutter encore contre l’infortune ; mais en même temps suis-je aussi résolu de ne pas signer ma honte et l’opprobre de ma maison… Si vous prenez la résolution que j’ai prise (la sœur généreuse à laquelle il écrit, la margrave de Baireuth, avait résolu de mourir en même temps que lui), nous finissons ensemble nos malheurs et notre infortune, et c’est à ceux qui restent au monde à pourvoir aux soins dont ils seront chargés, et à porter le poids que nous avons soutenu si longtemps. […] Je ne pense jamais à ce temps où se discutait et s’agitait si vivement parmi nous le plus ou moins d’utilité des onze ou douze lieues de murailles et des seize citadelles dominantes, sans me rappeler les sentiments divers et soudains qui, dès le premier jour, partagèrent à ce sujet le monde politique et qui séparèrent des hommes habitués jusque-là à se croire unis.

2317. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

. — « Je gardai mon sérieux, ajoute Foucault, mai les assistants ne se crurent pas obligés à la-même gravité. » Foucault, comme autrefois Fléchier aux Grands Jours d’Auvergne, se moque des harangueurs surannés de la province ; il est un homme, de goût par rapport à ce consul. […] Puis bientôt la confiance, la crédulité si naturelle à qui se croit de bonne foi l’instrument divin, la force de la prévention et du fanatisme, l’impossibilité aussi de s’arrêter dans une entreprise poussée si loin et tellement engagée, reprenaient le dessus ; et c’est ainsi qu’on arriva au bout du dessein le plus impolitique et désastreux. […] Et c’est cet homme, enchevêtré, il est vrai, par son éducation, par sa naissance, par ses alentours (son Journal en fait foi) et tous ses liens originels de famille, de paroisse, de cléricature, dans l’idée ecclésiastique la plus étroite, c’est cet homme religieux, d’ailleurs, et qui se croit charitable, qui a des pratiques vraiment chrétiennes, qui chaque fois qu’il lui naît un enfant, par exemple, le fait tenir sur les fonts baptismaux « par deux pauvres », c’est lui qui va devenir un persécuteur acharné, subtil, ingénieux, industrieux, impitoyable, de chrétiens plus honnêtes que lui, un tourmenteur du corps et des âmes, et le bourreau du Béarn. […] Dans le temps qu’il était à Montauban, il envoya à Colbert, grand amateur aussi en matière de collections, des actes et manuscrits curieux, tirés de l’abbaye de Moissac ; il y trouva notamment il y découvrit sinon de ses yeux, du moins par ceux d’un docte abbé qu’il y employa, un ouvrage qu’on croyait perdu sur les Persécuteurs, De Mortibus Persecutorum.

2318. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Fidèle et circonspect, par devoir comme par nécessité, il réprimera son penchant et le tiendra secret jusqu’à ce qu’il croie le moment venu pour la Saxe de suivre une autre ligne et de repasser dans un autre camp : il aura l’air alors de changer de drapeau quoiqu’il n’ait réellement pas changé de sentiments ni de manière de voir. […] C’est vers ce temps que le roi de Saxe, devenu grand-duc de Varsovie, crut devoir envoyer à Paris une députation de trois sénateurs du duché, pour présenter à l’Empereur l’expression renouvelée de sa reconnaissance et de celle de la nation polonaise. […] Quoi qu’il en soit, quand on crut devoir publier un précis de cet entretien, M. de Champagny s’adressa particulièrement à lui pour lui demander communication de son Rapport. […] M. de Senfft, dont la femme, je l’ai dit, était nièce du baron de Stein, crut devoir intercéder en faveur de la famille au sujet du séquestre des biens ; il ne réussit point dans sa demande, mais l’Empereur à qui il avait directement écrit ne lui en sut aucun mauvais gré.

2319. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Je crois le lui avoir dit souvent alors : lui, né pour Rome et pour Athènes, voyant les barbares déborder et les meilleurs se corrompre, il se réfugiait dans son Armorique et s’y cantonnait, s’y armait jusqu’aux dents, comme Sertorius en son Espagne. […] Il a exprimé au naturel ces brusques revirements dans les deux couplets qu’il intitule les Dissonances : Un soleil si chaud brûla ma figure, J’ai dû tant changer à tant voyager, Que d’un franc Romain je me crois l’allure ; Mais un vigneron à brune encolure Me dit en passant : Bonjour, étranger ! Pétrarque à la main (roi des élégances), J’arrondis mon style et me crois Toscan : Le ton primitif se fond en nuances ; Mais soudain ma voix part en dissonances… Oh ! […] Mais notre poëte, qui est au fond très-civilisé et très-probablement de la postérité de Callimaque et d’Horace, ayant appris le méfait, s’en fâcha, et écrivit de belle encre cette charmante lettre au chanteur du cru, pour le féliciter à la fois et le tancer, pour le remettre au pas et lui donner des conseils.

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