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1150. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

Saisset a baissé infiniment de note depuis le temps où il se croyait un prêtre, et, qui sait ? […] Que l’Europe le sache ou l’ignore, qu’elle en soit consciente ou inconsciente, elle est en lui, il est elle, il est partout ; il est dans les penseurs, il est dans les artistes, il est même dans les femmes, qui croient à la substance et plaisantent… panthéistiquement ! […] … Après ces paroles et la question ainsi posée, qui ne croirait que M.  […] Qui ne croirait qu’il est un de ces radicaux courageux, un de ces panthéistes qui semblent les progressistes réels en philosophie, puisqu’ils sont les derniers venus ? […] Saisset et comme je le crois, la question de la personnalité divine ; si, au terme où est arrivé l’esprit humain, il faut, de rigueur, être pour l’homme-Dieu tel que la religion de Jésus-Christ nous l’enseigne, ou pour le Dieu-homme tel que l’établit M. 

1151. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Et encore je crois que M.  […] Il croit à la morale par elle-même, et il y croit si dru qu’il n’est pas du tout frappé comme il devrait l’être de ce grand fait qui se retourne contre sa pauvre morale, la soufflète et la convainc d’impuissance, — le contraste qui existe et n’a pas cessé d’exister à la Chine entre la moralité enflée ou sentimentale des paroles et la scélératesse des actes ! […] C’est de l’hameçon en masse dans le vivier des sots, qui ont une pente invincible à croire à la morale sans bambou ou sans punition d’un autre genre, à cette commode morale par elle-même qui s’accote dans ses remords, quand elle en a, et fait bon ménage avec eux. […] Sa petite morale par elle-même est déconcertée de cela, et je le crois bien ; mais ce n’est pas là une raison pour avoir, en exprimant un jugement faux, une familiarité qui n’est pas seulement un manque de respect, mais une faute de goût.

1152. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXV. Le Père Ventura »

Ne croyez plus à la chronologie ! […] Si Bourdaloue et Bossuet avaient vu de telles choses, ils ne prêcheraient point, croyez-le bien, comme ils prêchaient devant un roi tranquille qui vivait et s’endormait dans la mort, avec cette pensée que sa race était immortelle. […] Nous ne croyons pas qu’effet de surprise plus désagréable se soit jamais produit en lisant un homme sur lequel on avait compté. […] Nous n’en dirons pas assurément autant du pouvoir paternel qu’il veut faire plus fort par le principe des substitutions et la disposition testamentaire ; nous croyons que là le célèbre prêtre était bien près d’une solution, mais il en était d’autant plus loin qu’il en était plus près. […] Pour le prêtre, en effet, et pour tout homme qui croit avec juste raison que la politique sort des flancs de la morale et ne peut pas sortir d’ailleurs, la question primaire, la question fondamentale, à cette heure de l’histoire, est la reconstitution de la famille chrétienne, brisée par l’individualisme du temps.

1153. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Armand Hayem45 I Dans un temps où les mandarins des instituts s’imaginent diriger et gouverner l’Esprit humain, voici un livre qui aurait dû avoir leurs bonnes grâces et qui a perdu ses coquetteries à leur en faire… L’auteur de ce livre, Armand Hayem, est, je crois bien, parmi les jeunes écrivains de la génération qui s’élève quand le siècle finit, un des mieux faits pour avoir des succès d’institut. Il croit encore à cette immense chimère des instituts bombinants. […] L’Académie, tout idéologue qu’elle puisse être, ne l’a pas été au point de croire à l’abstraction d’une société qui ne serait pas la société française. […] Seulement ce défaut capital pour nous, gens de tradition et qui ne croyons qu’à l’Histoire, doit être pour l’Académie des sciences morales et politiques une triomphante qualité du mémoire qu’elle aurait dû couronner si elle avait vu clair. […] Armand Hayem est le romancier de l’espérance, et moi je ne crois qu’à l’histoire du désespoir ou de la résignation.

1154. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Le compagnonnage, qui à la pureté de ses pensées se croit parfois de l’amitié, est naïf, spontané, ému, sympathique, sans retour sur lui-même ; tandis que la camaraderie est réfléchie, retorse, égoïste, ne comptant les autres qu’au prorata des services qu’ils peuvent rendre. […] III Eh bien, qui le croira sans l’avoir soi-même constaté, avec la réputation que le compagnonnage a faite à Gérard de Nerval ? […] Ces compositions hybrides et morbides, mystérieuses, mystagogiques, qui traitent de magie et de surnaturalités et charrient dans leur flot noir ou brumeux toutes les superstitions et tous les songes de l’humanité, l’auteur des Illuminés les avait lues, et peut-être y avait-il cru, le temps de les lire ; car il n’était préservé par rien, ce sceptique à impression, qui se teignait pour une minute de tous les milieux par lesquels il passait, et qui nous a avoué quelque part qu’il avait été chrétien, polythéiste, mahométan, bouddhiste, enfin de dix-sept religions, tour à tour. […] Et nous croyons, en finissant, devoir insister. […] qu’enfin Gérard de Nerval ait eu toutes les qualités du cœur, et que des docteurs en pureté, à qui je crois pourtant la manche un peu large, affirment la sienne et fassent de lui — comme disait si drôlement Charles Fourier — le Vestal de la littérature, qu’est-ce que cela fait à la Critique littéraire ?

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