« Non, non, me dit alors le vieillard avec un sourire gracieux qui ne lui était pas naturel, ne craignez pas de rester quelques minutes de plus dans ce lieu suspect.
Imiterons-nous cet ex-philosophe qui eut de la célébrité sous la restauration et un ministère sous le roi Louis-Philippe, et qui, comme Panurge, n’aimant pas les coups, lesquels il craint naturellement, se tient prudemment à l’écart sans oser se mêler au combat ?
Ici encore y aurait-il entre la science et la conscience une de ces contradictions qui feraient craindre que les droits de celle-ci n’eussent à souffrir des progrès de celle-là ?
Ainsi ont fait le plus souvent les théoriciens de la morale, soit parce que c’étaient des intellectuels qui craignaient de ne pas concéder à l’intelligence assez de place, soit plutôt parce que l’obligation leur apparaissait comme chose simple, indécomposable : au contraire, si l’on y voit une quasi-nécessité contrariée éventuellement par une résistance, on conçoit que la résistance vienne de l’intelligence, la résistance à la résistance également, et que la nécessité, qui est l’essentiel, ait une autre origine. […] On se plaît à dire que la religion est l’auxiliaire de la morale, en ce qu’elle fait craindre ou espérer des peines ou des récompenses.
Après quoi, vous aurez encore, je le crains, à bouleverser les cadres établis, à mettre Desportes et Bertaut sur le même rang que Ronsard, Malherbe assez au-dessous de Quinault, Delille très au-dessus d’Alfred de Vigny. […] Car avec les poètes, comme trop souvent avec les critiques professionnels, — nous venons assez de le voir, — l’on n’a pas à craindre de piétiner sur place, de rester en deçà de son sujet.