J’en juge par celui que me font les Souvenirs de Mme de Caylus, les Mémoires de la mère du Régent, ceux de Saint-Simon (on ne les connaissait alors que par fragments), et cinquante auteurs d’anecdotes de la cour de France de ce temps-là. […] Ne quittez jamais le plus beau des métiers… Il se présente souvent des occasions où la Cour se rappelle d’avoir oublié, négligé ou mal jugé le mérite, et où un bon bras, dirigé par une bonne tête, est recherché pour rendre encore service à son maître. […] Il s’était essayé sous Louis XV, et il réussit complètement sous Louis XVI, dans cette Cour jeune et folâtre, au milieu de ses véritables contemporains. […] Il prend la campagne au retour des camps, dans l’intervalle de deux campagnes, comme il dirait lui-même en plaisantant : « Vous que la Cour et l’armée dispensent pour quelque temps de vos soins, amusez-vous dans vos jardins ; puis élevez vos âmes dans vos forêts. » Il est resté tellement sociable, même dans ses heures de solitude et de retraite, qu’il ne serait pas fâché que de son habitation champêtre on découvrît une grande capitale : « Voilà, dirais-je assis au pied d’un vieux chêne, le rassemblement des ridicules et des vices… » Et il entre dans l’énumération, il pousse jusqu’au bout le développement de ce joli motif qui parodie le sage de Lucrèce jouissant en paix du spectacle de l’orage.
Beyle, au fond, est un esprit aristocratique : un jour, à la vue des élections, il s’était demandé si cette habitude électorale n’allait pas nous obliger à faire la cour aux dernières classes comme en Amérique : « En ce cas, s’écrie-t-il, je deviens bien vite aristocrate. Je ne veux faire la cour à personne, mais moins encore au peuple qu’au ministre. » Beyle est donc très frappé de cette disposition à faire son chemin, qui lui semble désormais l’unique passion sèche de la jeunesse instruite et pauvre, passion qui domine et détourne à son profit les entraînements mêmes de l’âge : il la personnifie avec assez de vérité au début dans Julien. […] On y voit Milan depuis 1796, époque de la première campagne d’Italie, jusqu’en 1813, la fin des beaux jours de la cour du prince Eugène. […] Jeune, il avait eu un certain renom dans les bals de la Cour par la beauté de sa jambe, ce qu’on remarquait alors.
Elle était à Versailles en septembre 1725, lorsque Louis XV épousa Mlle de Leckzinska à Chantilly : « Tout le monde, écrivait Voltaire, fait ici sa cour à Mme de Besenval, qui est un peu parente de la reine. […] Par un décret du Sénat de juillet 1778, il fut arrêté « que toute la procédure qu’on avait faite contre lui serait biffée des registres, qu’on lui rendrait son amende » ; et on lui décerna de plus une médaille d’or au nom de la ville, représentant une Justice qui tient une couronne, avec cette légende : De Republica bene merito. — C’est par cette petite historiette républicaine que s’ouvrent les mémoires de cour du baron de Besenval. […] Lauzun, qui n’était pas des amis de Besenval, lui fait un reproche assez pareil sur « le mauvais ton et le peu de mesure, qui sont un grand désavantage à la Cour. » Il semble pourtant que Besenval n’y avait pas trop mal réussi. […] On y trouve le Français de 1770 et la Cour de Louis XVI. » 79.
Mais ce n’était qu’un premier pas : de Thou estimait n’avoir rien fait pour un homme de cette valeur, s’il ne le plaçait au foyer des études et en vue de tous, à Paris, et il s’aida pour cela d’un de ses amis, M. de Vic, qui attira Casaubon à Lyon, et de là, sur l’ordre du roi, l’amena à la Cour. […] Cette affaire que Henri IV avait tant à cœur n’était pas la plus agréable pour Casaubon à son début en Cour : il s’agissait d’assister, en qualité de juge commissaire, à la fameuse conférence qui était appointée par-devant le roi et le chancelier, entre le cardinal du Perron et Duplessis-Mornay, au sujet de nombreux passages allégués par celui-ci dans son traité De l’Eucharistie, et que du Perron arguait de faux : c’était un défi, un vrai cartel théologique qui devait le vider en champ clos. […] Il se trouve du premier jour, à cette Cour de Henri IV, placé entre l’enclume et le marteau, comme on dit ; entre du Perron qui le convie, qui le presse, qui le travaille, et le ministre Du Moulin qui le chapitre, qui le remonte et le semonce. […] On aurait à relever bien d’autres choses dans le journal de Casaubon ; on y apprend bien des particularités sur les hommes célèbres du temps avec lesquels il est en relation, et sur son beau-père Henri Estienne, devenu le plus bizarre des hommes en vieillissant, qui avait si bien commencé et qui a si mal fini, et sur Théodore de Bèze dont la vieillesse, au contraire, est merveilleuse ; et sur des personnages considérables de la Cour de France, le duc de Bouillon et d’autres ; mais le personnage intéressant, c’est lui-même, lui, à toutes les pages, nous faisant l’histoire de son âme : aussi, pour ceux qui aiment ce genre de littérature morale intime qui nous vient de saint Augustin, on peut dire qu’il existe maintenant un livre de confessions de plus.
En 1606, la Cour étant revenue résider à Madrid, Cervantes, qui suivait en fidèle satellite ses divers mouvements et révolutions, quitta Valladolid et alla s’établir là où était le soleil, un pâle soleil qui ne le réchauffait guère et dont pourtant il ne se plaignait pas trop. […] Introduit dans la Cour d’Apollon et trouvant tous les sièges occupés par les poëtes ses confrères, Cervantes se plaint d’être seul sans place au Parnasse ; Apollon, après quelques lieux communs de morale, lui dit : « Si tu veux pourtant mettre fin à ta plainte, te contenter et te consoler, plie en deux ton manteau et t’assieds dessus. […] Arrivé auprès de nous, il s’écria : « Si j’en juge au train dont elles trottent, vos Seigneuries s’en vont, ni plus ni moins, prendre possession de quelque place ou de quelque prébende à la Cour, où sont maintenant Son Éminence de Tolède et Sa Majesté. […] La langue espagnole était très en usage alors à la Cour de France.